Déclaration de l’ombudsman sur l’interdiction des armes d’assaut décrétée par le gouvernement fédéral
4 mai 2020
J’applaudis l’annonce faite dans les derniers jours par le gouvernement fédéral concernant l’interdiction de 1 500 modèles de fusils d’assaut et d’autres armes, y compris des fusils utilisés lors de divers massacres dans ce pays. Ces armes dangereuses n’ont pas leur place dans nos rues ni dans les domiciles canadiens. Quatre-vingt pour cent des Canadiens appuient l’interdiction des armes d’assaut en raison d’événements comme la récente tragédie en Nouvelle-Écosse et les fusillades de masse à l’École Polytechnique (1989), au Collège Dawson (2006), au Metropolis (2012), de trois agents de la GRC à Moncton (2014) et à la Mosquée de Québec (2017), ces événements, parmi tant d’autres, seront gravés à jamais dans nos cœurs et nos esprits.
Nous devons travailler pour lutter contre les causes des fusillades de masse, telles que la misogynie et la violence fondée sur le sexe. Ce ne sont pas des actes insensés. Des chercheurs canadiens ont découvert que les auteurs de massacres sont principalement des hommes aux attitudes misogynes qui croient que les autres sont responsables de leurs problèmes. Ce sont souvent des hommes blancs célibataires ou séparés qui tuent avec des armes à feu après une planification substantielle. Il y a des signes clairs qui sont manqués par le public et les professionnels. Des recherches ont trouvé des liens entre les massacres et la violence familiale. Les données nationales américaines sur les fusillades de masse au cours de la dernière décennie ont révélé que dans plus de la moitié des cas, un partenaire intime ou un membre de la famille est l’une des victimes. Un agresseur sur quatre avait des antécédents de violence familiale.
De l’investissement est également nécessaire pour fournir des services et du soutien significatifs aux victimes de la violence armée. En plus du préjudice et du traumatisme dont ils souffrent en raison du crime commis contre eux, les survivants blessés et les membres de la famille des victimes décédées supportent également une part importante des coûts sociaux et financiers après leur victimisation. Il est essentiel d’aider les victimes, au lendemain d’un crime, à répondre à leurs besoins financiers, ainsi qu’en matière de santé mentale et de soins médicaux continus. Les effets de la violence armée persistent pendant plusieurs années après l’acte et, pour certaines victimes, créent des sequelles à vie telles que la douleur chronique et l’invalidité, la dépression et d’autres problèmes de santé mentale, la perte d’un emploi rémunéré et des difficultés sur le plan des relations interpersonnelles.
À mon avis, la violence armée est une crise de santé publique qui touche actuellement plusieurs villes canadiennes. Bien que l’interdiction des armes d’assaut soit la première étape, nous devons également prendre les mesures nécessaires concernant les armes de poing, qui sont utilisées dans des centaines d’incidents de tir dans des collectivités à travers le pays. En 2019, Toronto a connu une année record avec 490 fusillades dont 248 avec blessures. Les statistiques de 1995 à 2005 indiquent que 45 p. 100 des victimes d’homicide à Toronto étaient des hommes noirs, bien qu’ils ne constituaient que 8,4 p. 100 de la population pendant cette décennie1. Cependant, ces chiffres sont dépassés. Selon une estimation, les jeunes hommes noirs de Toronto sont cinq fois plus susceptibles d’être victimes de violence homicide que la population majoritaire. Les jeunes hommes autochtones des provinces de l’Ouest sont également tués à un rythme disproportionné. Nous devons nous engager à collecter davantage de données sur la démographie des victimes et des auteurs de violences par arme à feu, afin de pouvoir nous attaquer avec précision aux zones les plus à risque et vulnérables, soutenir la guérison et la résilience des collectivités les plus touchées, et investir dans des initiatives de grande envergure pour la prévention. Nous devons également prendre des mesures pour interdire les armes de poing et renforcer la sécurité aux frontières, car de nombreuses armes à feu traversent illégalement la frontière sud chaque année.
Les meilleures pratiques en matière de prévention de la violence adoptent une approche holistique, avec des efforts coordonnés et des investissements importants dans tous les secteurs, tels que la santé, l’éducation, les organisations communautaires, ainsi que l’application des lois. Ce type d’approche aide les collectivités à renforcer leur résilience et leurs capacités, tout en empêchant la participation à des comportements et à des activités pouvant conduire à la violence. Nous savons que nous devons passer des modèles réactionnaires aux modèles préventifs pour la lutte contre la violence armée.
Je continuerai de veiller à ce que des considérations axées sur les victimes fassent partie du dialogue fédéral sur les armes à feu. Pour plus de renseignements sur les recommandations que le BOFVAC a faites en 2018 au ministre de la Sécurité frontalière et de la Réduction du crime organisé, consultez notre mémoire sur le processus d’engagement sur la réduction de la criminalité violente : Dialogue sur les armes de poing et les armes à feu de style arme d’assaut.
Heidi Illingworth
Ombudsman fédérale des victimes d’actes criminels
1 A. Wright (2018), Year of the Gun, CBC, cbc.ca/cbcdocspov/episodes/year-of-the-gun. E. Lawson (2012), « Disenfranchised grief and social inequality: bereaved African Canadians and oppositional narratives about the violent deaths of friends and family members », Ethnic and Racial Studies, 37 (11), 2092-2109.