INDEMNISATION DES VICTIMES D’ACTES CRIMINELS
Rapport préparé pour le Bureau de l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels (BOFVAC)
Jo-Anne Wemmers, Ph. D.
Mars 2021
TABLE DES MATIÈRES
RÉSUMÉ
I INTRODUCTION
II L’OBJECTIF DE L’INDEMNISATION
III BESOINS, INDEMNISATION ET GUÉRISON DES VICTIMES
Une approche axée sur la victime
Besoins des victimes
Le sens de l’indemnisation des victimes
IV L’INDEMNISATION DES VICTIMES AU CANADA
Criminalité
Signalement
Soutien
Demande
Dates limites de dépôt des demandes
Indemnités
Frais médicaux
Prestations pour perte de revenus
Santé mentale
Besoins pratiques
Besoin de sécurité
Exécution
V NORMES ET RÈGLES INTERNATIONALES
VI CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
BIBLIOGRAPHIE
Lois
Droit international
RÉSUMÉ
L’indemnisation est une première étape cruciale sur la voie de la guérison des victimes. Si l’État n’a peut-être pas la responsabilité légale d’indemniser les victimes, il a l’obligation morale de protéger ses citoyens contre le crime et, en particulier, contre les effets néfastes de la criminalité. Plus qu’une question de solidarité envers les victimes, il s’agit d’assurer aux victimes un accès efficace à leurs droits. Actuellement, le Canada ne remplit pas l’obligation que lui impose le droit international à l’égard des victimes. Conformément à la Déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité des Nations Unies, le Canada a la responsabilité de veiller à ce que les victimes de partout au pays, peu importe où elles vivent, aient un accès égal aux programmes d’indemnisation. En l’absence de directives du gouvernement du Canada, toutes les provinces et tous les territoires ne disposent pas de programmes d’indemnisation des victimes et les programmes d’indemnisation existants sont incomplets et incohérents. Si les programmes d’indemnisation visent à aider les victimes à guérir, ils doivent distribuer des ressources aux victimes en fonction de leurs besoins. Une distribution fondée sur les besoins donne la priorité aux besoins fondamentaux des victimes, à commencer par leurs besoins physiologiques et leur besoin de sécurité et de protection. Les programmes existants semblent poursuivre davantage les objectifs de la justice pénale que de favoriser le rétablissement des victimes. Les programmes d’indemnisation ont le potentiel d’aider les victimes à guérir et peuvent leur donner un sentiment de justice même lorsque le système de justice pénale ne le peut pas. La plupart des victimes comprennent que l’argent provient de fonds publics et non du délinquant, et pourtant elles considèrent l’indemnisation comme une forme de justice. Les programmes d’indemnisation de l’État peuvent aider les victimes à se remettre d’un crime et à rétablir leur confiance envers l’État. Toutefois, cela exige que le Canada mette en œuvre la Déclaration des Nations Unies et honore sa responsabilité envers les victimes en favorisant l’accès à une indemnisation juste et appropriée.
I INTRODUCTION
Dès 1955, les défenseurs des victimes ont fait valoir que les tribunaux civils, qui permettent aux victimes d’obtenir une indemnisation de la part de leurs agresseurs, ne constituent pas un recours adéquat pour les victimes d’actes criminels et que l’État devrait offrir une indemnisation financière aux victimes. Le premier pays à introduire ce programme a été la Nouvelle-Zélande, qui a mis en place son programme national d’indemnisation des victimes d’actes criminels en 1963. Au fil des ans, de nombreux pays industrialisés ont mis en place des programmes d’indemnisation des victimes, notamment le Canada. En 1985, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté la Déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux victimes d’abus de pouvoir. Le Canada a joué un rôle clé dans l’adoption de la Déclaration et il a été un leader mondial pour la promotion des droits des victimes. (Waller 2011). La Déclaration des Nations Unies consacre une section entière à l’indemnisation des victimes, ce qui reflète l’importance accordée à l’indemnisation des victimes par l’État. Selon la Déclaration des Nations Unies, « les États doivent s’efforcer d’assurer une indemnisation financière » aux victimes qui ont subi un préjudice et à la famille, en particulier aux personnes à la charge des victimes qui sont décédées ou qui ont été frappées d’incapacité ou qui ont subi un préjudice par « l’établissement, le renforcement et l’expansion de fonds nationaux d’indemnisation des victimes » (articles 12 et 13).
À la suite de l’adoption de la Déclaration des Nations Unies, le gouvernement canadien a mis en place diverses initiatives pour garantir la justice et l’aide aux victimes. En 1988, les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux ont appuyé la Déclaration canadienne des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et, en 2003, ils ont publié une mise à jour de cette déclaration. Plus récemment, en 2015, le gouvernement fédéral a introduit la Charte canadienne des droits des victimes. Tandis que la Charte canadienne des droits des victimes reprend bon nombre des thèmes abordés dans la Déclaration des Nations Unies comme l’information, la participation et la restitution, elle ne mentionne pas les programmes d’indemnisation des États. Il s’agit d’une omission notable compte tenu de l’importance des programmes d’indemnisation des victimes.
Dans le présent rapport, nous examinons les objectifs de l’indemnisation et présentons des recherches sur les expériences des victimes. Nous analysons et comparons les programmes d’indemnisation au Canada et examinons les développements et les pratiques exemplaires à l’échelle internationale. Le document se termine par des recommandations concernant l’indemnisation des victimes au Canada.
II L’OBJECTIF DE L’INDEMNISATION
L’indemnisation peut servir de nombreux objectifs différents. L’un des objectifs est d’aider les victimes à se remettre d’un crime. La tenante de la réforme pénale et magistrate britannique, Margery Fry, a été l’une des premières personnes à se prononcer en faveur de l’indemnisation des victimes. Selon Mme Fry (1959), l’État ne pouvait pas se dégager de toute responsabilité pour son échec en matière de protection, et il avait donc l’obligation d’aider les victimes. La responsabilité de l’État de protéger ses citoyens contre la criminalité et, en particulier, contre les effets néfastes de la criminalité, a trouvé écho chez Victim Support Europe (2019b). Cependant, l’obligation de l’État d’aider les victimes n’est pas acceptée par tous. Au Canada, par exemple, alors que les délinquants sont considérés comme ayant l’obligation légale d’indemniser leurs victimes et que les victimes peuvent poursuivre leur agresseur pour la réparation des préjudices, l’État n’a pas la même obligation.
Si l’État n’a pas la responsabilité légale d’aider les victimes, il a une responsabilité morale de le faire. Une société civilisée ne peut laisser les victimes impuissantes face à leur misère alors qu’elles sont sans revenu et qu’elles ont de nombreuses dépenses,. C’est la position de la théorie du bien-être social, selon laquelle l’État a une obligation humanitaire envers les victimes d’actes criminels (Goldsheid, 2004). C’est pourquoi des programmes d’indemnisation financés par l’État sont mis en place pour apporter une aide humanitaire et pour aider les victimes à se rétablir et à guérir des effets dévastateurs de la victimisation. Cette perspective se reflète dans la Stratégie de l’Union européenne relative au droit des victimes (2020‑2025), selon laquelle « l’objectif général de l’indemnisation est de reconnaître les victimes de la criminalité intentionnelle violente et de participer au processus de guérison » (p. 20).
Un deuxième objectif est la cohésion sociale. Soulignant l’importance de la solidarité envers les victimes et du maintien de bonnes relations sociales au sein de la société, Margery Fry a encouragé la création d’un système d’indemnisation étatique. Elle croyait que les sociétés modernes devraient partager les risques résultant de la criminalité, tout comme elles partagent d’autres risques, tels que les frais médicaux et le chômage. Les victimes peuvent subir de nombreuses conséquences financières comme une perte de revenus due à une incapacité à travailler, à des frais médicaux pour des dépenses non couvertes par l’assurance, ainsi qu’à des pertes matérielles pour la réparation et le remplacement de biens volés ou endommagés. Bien que l’indemnisation financière ne puisse jamais réparer entièrement la douleur et la souffrance causées par la victimisation, elle peut apporter aux victimes un soutien essentiel. Faisant référence au philosophe britannique Jeremy Bentham, Mme Fry affirme que [traduction] « la satisfaction doit être tirée du trésor public parce qu’il s’agit d’un objet de bien public et de la sécurité de tous ceux qui y sont intéressés » (1959, p. 192). Selon cette approche, l’objectif principal de l’indemnisation est de favoriser la cohésion ou l’harmonie sociale.
Un autre objectif de l’indemnisation est de soutenir le système de justice pénale (Elias, 1993; Goldscheid, 2004). Le raisonnement qui sous-tend cette approche est que la possibilité de recevoir une indemnisation encouragerait la collaboration de la victime avec la police et, par conséquent, augmenterait le nombre de signalements, ce qui permettrait à son tour de punir le délinquant. Les victimes sont considérées comme des intervenants dans le système de justice pénale. Les États imposent des critères stricts d’admissibilité, notamment le signalement à la police et la coopération avec la poursuite, ce qui a pour effet de priver d’indemnisation les victimes les plus « méritantes » (Kirchengast, 2016). Le non-signalement est une préoccupation importante, car il diminue la capacité de l’État à punir les auteurs des actes criminels. Cependant, les victimes peuvent avoir de bonnes raisons de ne pas vouloir signaler leur victimisation à la police, et ces victimes sont pénalisées en suivant ce raisonnement.
Les arguments ci-dessus révèlent trois objectifs différents des programmes d’indemnisation de l’État : 1) aider les victimes à guérir, 2) promouvoir la cohésion sociale et 3) punir les délinquants. Chaque objectif est associé à des valeurs différentes en ce qui concerne l’indemnisation juste et appropriée des victimes. La recherche sur la répartition équitable des ressources (c.‑à‑d. la justice distributive) révèle que trois valeurs essentielles peuvent être utilisées comme base de la justice : le besoin, l’égalité et l’équité. L’objectif de la répartition détermine les valeurs qui seront utilisées comme base de la justice (Deutsch, 1985). Lorsque la norme morale ou éthique relative à une répartition équitable est violée, une injustice est commise (Byrnes & Cropanzano, 2001; Deutsch, 2011).
La façon dont les ressources sont distribuées a un impact sur le sentiment d’équité des victimes ainsi que sur leur bien-être. Il est donc important d’identifier l’objectif d’un programme et d’évaluer si les ressources sont réparties conformément à la norme morale d’une répartition équitable. Si l’objectif de l’indemnisation est d’aider la victime à guérir, alors une répartition équitable des ressources publiques d’indemnisation est fondée sur le besoin (Deutsch, 1975). Si l’objectif est l’harmonie sociale et des relations sociales positives, alors une répartition équitable est une distribution basée sur l’égalité, qui traite les gens de manière égale. Une répartition équitable est proportionnelle à l’apport, aux coûts ou aux pertes de chacun. Si l’on applique ce raisonnement aux victimes, une répartition équitable consiste à verser une indemnisation plus importante aux victimes qui ont subi des pertes plus importantes, sans tenir compte des besoins. La proportionnalité est également un principe clé en matière de sanctions. Les répartitions équitables favorisent la productivité économique au sein de la société. Cependant, à long terme, ce principe d’équité risque d’être dysfonctionnel pour le bien-être du groupe, car les répartitions équitables ont tendance à favoriser l’introduction de valeurs économiques dans tous les aspects de la vie sociale, ce qui entraîne une diminution de la qualité de vie (Deutsch, 1975). Une répartition proportionnelle peut être équitable, mais elle peut ne pas favoriser la guérison collective ou individuelle et, au contraire, encourager la compétitivité, l’égoïsme et éventuellement conduire à des affrontements. En revanche, les systèmes de distribution fondés sur l’égalité et les besoins sont associés à des sentiments plus coopératifs (Deutsch, 1975; 1983).
Selon monsieur Kirchengast (2016), au fil des ans, l’objectif des programmes d’indemnisation des États est passé de l’aide sociale ou de l’aide à la guérison des victimes à la prestation de services, tout en mettant l’accent sur la responsabilité du délinquant de dédommager la victime. Les programmes d’indemnisation sont coûteux et les contraintes budgétaires ont exercé une pression sur les modèles traditionnels d’indemnisation par l’État, ce qui a incité les gouvernements à cesser les paiements financiers aux victimes et à transférer la responsabilité de l’indemnisation au délinquant. Monsieur Kirchengast cite les exemples de l’Australie et du Royaume-Uni, où les tribunaux qui déterminent la peine ont reçu des pouvoirs accrus pour ordonner au délinquant de verser une indemnisation à sa victime.
Une tendance similaire est observée au Canada, où la Charte des droits des victimes d’actes criminels de 2015 comprenait un formulaire simplifié que les victimes pouvaient utiliser pour demander qu’une ordonnance de dédommagement soit imposée par le tribunal lors de la détermination de la peine. Si beaucoup de choses ont changé depuis les premiers appels de Margery Fry en faveur d’une indemnisation des victimes par l’État, une chose n’a pas changé : les délinquants sont souvent inconnus des autorités et, s’ils sont connus, ils sont souvent pauvres et n’ont pas les moyens d’indemniser leurs victimes, ce qui fait de l’indemnisation étatique une ressource vitale pour les victimes. Par conséquent, la restitution par le délinquant n’est pas une option pour la plupart des victimes et, si le délinquant n’est pas en mesure d’indemniser la victime, l’État a l’obligation d’aider les victimes.
III BESOINS, INDEMNISATION ET GUÉRISON DES VICTIMES
Une approche axée sur la victime
Les victimes sont des personnes et toutes les personnes ont des droits de la personne qui sont fondamentaux pour notre capacité à nous épanouir en tant que personne. La victimisation criminelle constitue une violation des droits de la personne de la victime ainsi qu’un tort causé à la société. Il s’agit d’une distinction importante par rapport au droit pénal, qui tend à traiter les crimes exclusivement comme des violations de l’ordre public ou de l’État. Reconnaître les victimes comme des personnes signifie qu’elles doivent être traitées avec dignité et respect (Wemmers, 2012; Milquet, 2019). En outre, en tant que titulaires de droits, les victimes peuvent raisonnablement s’attendre à ce que l’État défende leurs droits (Holder, 2017).
Une approche axée sur la victime se concentre sur les effets de la criminalité sur les victimes et, par conséquent, reconnaît que les conséquences de la criminalité ont une grande portée. En utilisant cette approche, quatre catégories de victimes peuvent être identifiées en fonction de leur proximité émotionnelle ou psychologique avec la victimisation : 1) les victimes directes 2) les victimes indirectes 3) les victimes secondaires et 4) les victimes tertiaires. La victime directe est la personne qui est illégalement tuée, portée disparue, blessée, agressée, volée, torturée, etc. Les victimes indirectes sont celles qui sont liées aux victimes directes de telle manière qu’elles souffrent elles aussi du fait de cette relation, comme les membres de la famille de la victime directe. Les victimes secondaires sont les personnes qui ont subi un préjudice en intervenant pour aider des victimes en détresse ou qui ont été témoins de la victimisation. Les victimes tertiaires sont les membres de la communauté. Tous ces différents groupes de victimes peuvent souffrir de traumatismes et de nombreuses autres conséquences à la suite de la victimisation (Wemmers, 2017). Par conséquent, si les programmes visent à promouvoir la guérison, ils doivent être ouverts à d’autres catégories de victimes ainsi qu’aux victimes directes.
Si l’on se concentre sur les effets de la criminalité sur les victimes, il est évident que les victimes peuvent être touchées de différentes manières. Si les conséquences de la victimisation dépendent en partie du type de crime commis, les recherches montrent que les effets psychologiques de la victimisation, tels que le traumatisme et la peur, ne sont pas uniquement ressentis par les victimes de crimes violents. Les victimes de crimes contre les biens, tels que les cambriolages, ne subissent pas seulement des pertes matérielles, mais sont aussi souvent touchées psychologiquement par le crime. (Waller et Okihiro 1978; Maguire, 1984). De même, des crimes tels que la fraude et le vol d’identité peuvent être à l’origine d’une anxiété et d’un stress importants pour les victimes, ce qui a des répercussions non seulement sur leur santé mentale, mais aussi sur leur santé physique (Golladay & Holtfreter 2017). De ce fait, les programmes ne devraient pas être limités aux crimes violents.
Il est important de noter qu’une des conséquences possibles de la victimisation est qu’elle augmente le risque de victimisation dans le futur. Les enquêtes sur la victimisation ont montré à plusieurs reprises qu’une petite partie de la population subit beaucoup de crimes. Ce phénomène est appelé victimisation multiple. Au Canada, 2 % des citoyens (âgés de 15 ans ou plus) qui ont déclaré avoir été victimes de plus d’un crime violent au cours des 12 mois précédents ont subi 60 % de tous les crimes violents. De plus, parmi les personnes qui ont déclaré avoir été victimes au cours des 12 mois précédant le sondage sur la victimisation, 38 % ont déclaré avoir été victimes plus d’une fois : la moitié a été victime deux fois, tandis que l’autre moitié a été victime trois fois ou plus (Perreault, Sauvé, Burns, 2010).
La victimisation pendant l’enfance, comme les mauvais traitements infligés aux enfants, est également associée à plusieurs autres facteurs de risque de victimisation violente à l’âge adulte, notamment la consommation d’alcool et de drogues (Perreault, 2015). Les recherches sur la victimisation des enfants et des jeunes indiquent que non seulement la victimisation directe, mais aussi le fait d’être témoin de la violence, sont traumatisants pour les enfants et constituent une forme de victimisation (Finkelhor et al., 2011). Une forte prévalence de la violence physique ou sexuelle dans l’enfance est liée à un niveau plus élevé de violence physique à l’égard des femmes à l’âge adulte (Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, 2014). Au Canada, les enfants et les jeunes de 2 à 17 ans qui ont subi une victimisation ont déclaré avoir subi 3,3 types de victimisation différents au cours de leur vie. Plus l’âge augmente, plus la victimisation au cours de la vie augmente également et, en moyenne, les jeunes plus âgés (de 15 à 17 ans) ont déclaré avoir subi 4,3 types de victimisation différents (Cyr, Clément et Chamberland, 2014). La recherche sur la polyvictimisation des enfants et des jeunes et sur la victimisation au cours de la vie souligne l’importance d’une approche tenant compte des traumatismes. La victimisation augmente le risque de victimisation à l’avenir, ce qui fait des personnes ayant subi une victimisation et, en particulier, des victimisations multiples, une cible clé pour les mesures d’intervention et de prévention de la criminalité.
Besoins des victimes
Quels sont les besoins des victimes et quelles sont les conséquences, tant pour la victime individuelle que pour la société, de ne pas répondre aux besoins des victimes? Les besoins des victimes sont fonction des conséquences de leur victimisation et de leurs ressources (Parmentier et Weitekamp 2007). En général, les besoins des victimes se répartissent en six catégories : 1) soutien; 2) protection; 3) information; 4) réparation; 5) besoins pratiques et 6) besoin de reconnaissance (Wemmers, 2003; Herman 2005; Ten Boom et Kuijpers, 2012).
Plusieurs auteurs ont souligné les similitudes entre les besoins des victimes et les besoins humains fondamentaux (Wemmers et De Brouwer, 2011; Ten Boom et Kuijpers, 2012; Wemmers et Manirabona, 2014). Le cadre des besoins humains nous aide à comprendre l’importance relative de ces besoins et met en évidence leur signification pour le bien-être des victimes et leur rétablissement après un crime. Cette approche donne la priorité à certains besoins, ce qui signifie que les besoins spécifiques viennent en premier et que ce n’est que lorsque les besoins inférieurs, plus élémentaires, d’une personne sont satisfaits que les besoins de niveau supérieur se manifestent (Maslow, 1968; Staub, 2004).
Au niveau le plus fondamental, les gens doivent d’abord satisfaire leurs besoins physiologiques de base, tels que le besoin de nourriture et de logement ainsi que de soins médicaux. Les blessures subies à la suite de la victimisation peuvent nécessiter une assistance spécialisée de la part de professionnels tels que des spécialistes médicaux. Cependant, l’accès à la nourriture et au logement est tout aussi important. Le soutien financier offert par les programmes d’indemnisation peut permettre aux victimes d’avoir accès à des services essentiels et de répondre à leurs besoins les plus élémentaires.
Une fois les besoins physiologiques de base des victimes satisfaits, la priorité suivante est leur besoin de sécurité ou de protection. Si ces besoins fondamentaux ne sont pas satisfaits, l’individu ne peut pas progresser dans son rétablissement. À la suite d’une victimisation, les victimes peuvent ressentir de la peur : au Canada, une victime sur dix a déclaré que sa victimisation l’avait rendue craintive (Perreault et Brennan, 2010). Les victimes peuvent être préoccupées par leur propre sécurité ainsi que par celle de leurs proches. La peur peut empêcher les victimes de se présenter à la police ou, au contraire, les inciter à contacter les autorités. Lorsque l’agresseur est un membre de la famille ou un proche de la victime, celle-ci ressent souvent un plus grand besoin de protection et de sécurité (Ten Boom, 2016). L’une des raisons pour lesquelles les victimes signalent leur victimisation à la police est qu’elles cherchent à se protéger de l’agresseur (Gannon et Mihorean, 2005; Dichter et al, 2011). Si les besoins fondamentaux des victimes sont satisfaits, elles peuvent alors passer à d’autres besoins de plus haut niveau. Par conséquent, les besoins ressentis par une victime peuvent changer au fil du temps.
Le besoin d’information est l’un des besoins les plus fréquemment exprimés par les victimes (Maguire, 1985; Wemmers et Cyr, 2006; Davis et Mulford, 2008; Ten Boom et Kuipers, 2012). L’information peut fortifier les victimes et leur redonner du pouvoir, car elle leur donne le sentiment de contrôler leurs affaires et peut réduire leur sentiment d’incertitude (Morissette et Wemmers, 2016). L’information est essentielle, car, sans elle, les victimes risquent de ne pas pouvoir accéder à des services pour satisfaire leurs autres besoins. Par exemple, sans information sur les programmes d’indemnisation disponibles, une victime qui a besoin d’un soutien financier peut ne pas être en mesure d’accéder au programme. Fournir de l’information aux victimes, c’est aussi reconnaître leur victimisation et cette acceptation peut apporter aux victimes une validation et une confirmation qui sont importantes pour leur estime de soi.
Le besoin de réparation des victimes peut prendre de nombreuses formes différentes, notamment la restitution des biens volés; une indemnisation financière à la victime ou aux membres de sa famille; des excuses de la part du délinquant; la reconnaissance de la culpabilité; et la reconnaissance de la responsabilité de la souffrance de la victime (Wemmers, 2014). Outre le soutien financier évident, la réparation a une valeur symbolique puissante, car elle offre aux victimes une validation et envoie un message sur leur valeur sociale. L’indemnisation est un aspect essentiel de la réparation et ses effets vont bien au-delà des avantages matériels (Milquet, 2019).
Les besoins pratiques comprennent une grande variété de tâches appliquées pour lesquelles les victimes peuvent avoir besoin d’aide, comme la réparation d’une serrure cassée, le nettoyage d’une scène de crime, le remplacement de documents volés, etc. Le soutien financier fourni par les programmes d’indemnisation peut contribuer à payer ces services.
Le besoin des victimes d’être reconnues par les autres comprend la reconnaissance par les autorités, comme la police, ainsi que les programmes d’indemnisation gérés par l’État. Souvent, les victimes ne recevront pas de validation du système de justice pénale, soit parce que la police n’est pas en mesure d’identifier un suspect, soit parce que les preuves sont insuffisantes pour justifier une condamnation pénale. En l’absence de condamnation pénale, la reconnaissance d’un programme d’indemnisation géré par l’État peut être très importante pour les victimes. Les victimes veulent et ont besoin que les autorités se montrent respectueuses, positives et compréhensives, en particulier lors de leurs premiers contacts avec elles (Shapland, et al, 1985; Wemmers et Cyr, 2006). Effectuée correctement, l’indemnisation peut avoir un impact réparateur et curatif. Cependant, lorsqu’elle est mal faite, elle peut augmenter la souffrance des victimes et constituer une victimisation secondaire (Feldthusen, Hankivsky et Greaves, 2000; Milquet, 2019).
Répondre aux besoins des victimes ne relève pas de la générosité d’un État bienveillant envers ses citoyens les moins fortunés. Au contraire, en reconnaissant les victimes en tant que personnes, l’État devient un débiteur d’obligations, redevable aux citoyens en tant que titulaires de droits (Holder, 2017; Milquet, 2019). Ainsi, la reconnaissance des droits de la personne dont disposent les victimes a des conséquences importantes sur la relation entre les victimes et l’État et, par conséquent, sur l’indemnisation par l’État. Comme le souligne Milquet (2019), l’indemnisation est plus qu’une question de solidarité avec les victimes, il s’agit d’assurer aux victimes un accès effectif à leurs droits.
Le sens de l’indemnisation des victimes
L’indemnisation est une première étape essentielle sur le chemin de la guérison des victimes. Les fonds fournis aux victimes par les programmes d’indemnisation peuvent leur permettre d’accéder à des services vitaux qu’elles n’auraient pas les moyens de payer autrement. Selon les victimes, recevoir une indemnisation leur apporte un soutien émotionnel, adoucit la douleur et les aide à se remettre de leur victimisation (Mulder, 2010).
L’indemnisation est plus qu’un paiement financier et elle a une fonction symbolique importante pour les victimes. Les principales raisons pour lesquelles les victimes demandent une indemnisation sont qu’elles cherchent à faire reconnaître leur statut de victime et veulent recevoir une indemnité (Kunst et al., 2017). Lorsqu’une indemnisation est accordée aux victimes, cela envoie le message qu’elles sont reconnues comme des victimes innocentes et cela reconnaît leurs souffrances (Mulder, 2010). L’indemnisation peut avoir des conséquences thérapeutiques pour les victimes qui se sentent ainsi validées et acceptées. En revanche, lorsque les victimes se voient refuser une indemnisation, cela peut être vécu comme un rejet, ce qui ajoute encore à la souffrance de la victime (Feldthusen, Hankivsky et Greaves, 2000). Cependant, la satisfaction des victimes à l’égard des programmes de l’État est plus fortement influencée par la façon dont elles ont été traitées par les agents du programme que par l’approbation ou non de leur demande (Kunst et al., 2017).
Ironiquement, alors que nous savons que la victimisation peut avoir un impact sur la santé mentale des victimes, les victimes ayant reçu un diagnostic de trouble de la santé mentale peuvent être moins susceptibles de recevoir une indemnité (Daigle et al., 2016). Les victimes qui demandent une indemnisation reçoivent souvent un diagnostic de problèmes de santé mentale multiples. Les recherches sur la victimisation multiple indiquent qu’une victimisation antérieure accroît la vulnérabilité de l’individu et, par conséquent, augmente son risque d’être victime d’un nouveau crime (Cyr et al., 2014; Wemmers, 2020). De plus, la poly-victimisation, ou la victimisation par plusieurs types de crimes, comme on l’appelle parfois, c’est-à-dire le fait qu’une personne subisse plusieurs victimisations, chacune impliquant différents types de crimes, est un meilleur prédicteur de traumatisme et de dépression chez les victimes que tout type de crime particulier, y compris l’agression sexuelle (Cyr et al., 2014). En d’autres termes, plus une personne est victimisée, plus elle est susceptible de souffrir d’un traumatisme psychologique, mais moins elle a de chances d’obtenir une indemnisation.
Lorsqu’elle est accordée, la validation et la reconnaissance fournies par l’indemnisation peuvent contribuer à restaurer la foi et la confiance des victimes à l’égard du système de justice et de l’État, indépendamment de sa capacité à obtenir une condamnation (Victim Support Europe 2019a). Parmi les victimes qui ont obtenu une indemnisation, 80 % ont estimé que recevoir une indemnisation était une forme de justice, que l’auteur de l’infraction soit connu ou non (Mulder, 2009). Lorsque les programmes d’indemnisation ne reposent pas sur une condamnation, ils sont en mesure de rendre justice aux victimes lorsque la justice pénale ne peut pas le faire. La plupart des victimes comprennent que l’argent provient de fonds publics et non du délinquant, et pourtant elles considèrent l’indemnisation comme une forme de justice. Cependant, l’indemnisation par l’État n’exonère pas les délinquants de leur responsabilité et les victimes sont favorables à ce que l’État poursuive le délinquant pour toute indemnité qu’il a versée à la victime (subrogation) (Mulder, 2009).
IV L’INDEMNISATION DES VICTIMES AU CANADA
Au Canada, le premier programme d’indemnisation des victimes d’actes criminels a été introduit en Saskatchewan en 1967 (Burns, 1992). Dans les années qui ont suivi, d’autres provinces ont emboîté le pas, mais il n’y avait pas de couverture nationale. En 1973, le gouvernement fédéral a mis en place un système de paiements de transfert, comme il l’a fait pour les soins de santé publics et l’aide juridique, afin de s’assurer que les citoyens de tout le pays aient accès à certains programmes sociaux. Cet accord de partage des coûts avec les provinces et les territoires a été efficace et, en 1990, toutes les provinces et tous les territoires du Canada avaient établi des programmes d’indemnisation (Burns, 1992).
La présence généralisée de programmes d’indemnisation des victimes dans tout le pays était un élément important des efforts déployés par le gouvernement fédéral pour faire en sorte que le Canada respecte les normes internationales relatives aux victimes d’actes criminels établies par les Nations Unies. Si, au départ, le gouvernement fédéral s’est efforcé de mettre en œuvre la Déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité des Nations Unies, notamment en créant des programmes d’indemnisation des victimes dans tout le pays, les choses ont changé en 1992 lorsqu’il a mis fin à son programme de partage des coûts. Cela signifiait que les provinces et les territoires canadiens devaient assumer tous les coûts de ces programmes coûteux et, par conséquent, ils ont ensuite introduit des réductions importantes dans leurs programmes. Dans certains cas, comme à Terre-Neuve et dans les Territoires, ils ont aboli leur programme. Les Territoires du Nord-Ouest et le Yukon n’offrent désormais qu’une aide financière d’urgence limitée et à court terme, et le Nunavut dispose d’un programme d’aide aux déplacements pour les victimes. (Allen, 2014). Les programmes d’indemnisation restants varient considérablement les uns des autres, leur objectif n’est pas clairement défini et l’application des droits des victimes dans l’ensemble du pays est incohérente. L’absence de directives et d’obligations claires relatives aux programmes a entraîné de grandes différences entre les systèmes provinciaux.
Les règles ou les normes canadiennes en matière d’indemnisation des victimes n’existent pas et l’indemnisation par l’État n’est pas incluse dans la Charte canadienne des droits des victimes. Cependant, le gouvernement fédéral a introduit deux programmes limités pour certaines victimes : 1) les Canadiens victimisés à l’étranger et 2) les parents d’enfants assassinés ou disparus. Depuis 2007, le gouvernement offre une aide financière pouvant atteindre 10 000 $ aux victimes ou aux membres de la famille de certaines victimes de violence (homicide, agression sexuelle, voies de fait graves, agression avec violence grave sur la personne) commise à l’étranger. Le fonds ne prévoit pas l’indemnisation des victimes d’actes criminels, mais si la victime n’a pas d’autre source de soutien financier, il peut contribuer à couvrir les frais médicaux à l’étranger, le remplacement des documents volés, l’accompagnement psychologique et, en cas de décès, les frais funéraires. Depuis 2013, le gouvernement fédéral offre l’Allocation canadienne aux parents de jeunes victimes de crimes[1]. Ce programme offre un soutien du revenu aux parents admissibles qui ont subi une perte de revenu en raison d’une absence du travail pour composer avec le décès ou la disparition de leur enfant mineur à la suite d’une infraction probable au Code criminel. Dans le cadre de ce programme, les parents peuvent recevoir un paiement de 450 $ par semaine (avant les taxes), pour un maximum de 35 semaines. En l’absence de normes fédérales, ces programmes viennent s’ajouter à la mosaïque disparate de services disponibles pour les victimes.
Dans les paragraphes ci-après, nous examinerons les programmes provinciaux d’indemnisation des victimes au Canada. Neuf des dix provinces canadiennes disposent de programmes d’indemnisation. Plutôt que de présenter chaque province individuellement[2], nous suivrons le parcours d’une victime au cours de la procédure d’indemnisation. Ce parcours se décompose en six étapes clés : 1) la criminalité; 2) le signalement; 3) le soutien ; 4) la demande ; 5) les indemnités ; 6) l’exécution.
Criminalité
Tous les programmes au Canada exigent que le crime ait été commis dans la province. Les visiteurs de l’extérieur de la province qui sont victimes d’un acte criminel sont donc tenus de demander une indemnisation dans la province où le crime a été commis. Cependant, au Québec, le gouvernement a récemment présenté le projet de loi no 84 qui, s’il est adopté, remplacera le programme d’indemnisation existant. La proposition comprend les dispositions suivantes pour les résidents du Québec qui sont victimes de violence à l’extérieur du Québec (Chapitre XII). Plus précisément, si le crime a été commis ailleurs au Canada, la victime doit utiliser le programme de l’autre province, mais le Québec peut compléter ses services pour qu’ils soient égaux à ceux qu’elle recevrait ici. Si le crime a eu lieu dans un autre pays et que ce pays dispose d’un programme d’indemnisation, la victime doit choisir le programme qu’elle veut utiliser (l’un ou l’autre).
Cependant, tous les crimes ne sont pas admissibles et toutes les provinces limitent l’indemnisation aux crimes violents. Les crimes contre les biens sont catégoriquement exclus de tous les programmes au Canada. Dès le début, les programmes d’indemnisation des États ont eu tendance à se concentrer exclusivement sur les crimes violents. Selon Fry (1959), les crimes contre les biens pourraient être exclus de l’indemnisation par l’État en raison des risques de fraude qu’ils comportent. Selon Fry, les crimes violents étaient moins susceptibles de fraude, car il était peu probable qu’une personne « se blesse volontairement pour obtenir une modeste indemnité » (Fry, 1959, p. 193) et, par conséquent, elle pensait qu’une indemnisation par l’État devrait être disponible pour les victimes d’actes criminels violents. En d’autres termes, Fry craignait que les victimes de crimes contre les biens ne fraudent le système afin d’obtenir un avantage financier. Toutefois, si l’indemnisation est fondée sur la responsabilité des États à l’égard des victimes, alors toutes les victimes qui ont subi un préjudice du fait d’un crime devraient être incluses.
La Déclaration des Nations Unies sur les principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux victimes d’abus de pouvoir (1985) précise que les États doivent assurer une indemnisation financière « aux victimes qui ont subi un préjudice corporel ou une atteinte importante à leur intégrité physique ou mentale par suite d’actes criminels graves »[3]. Si cette définition inclut certainement les victimes de violence, elle ne se limite pas aux crimes violents. Les crimes non violents comme l’usurpation d’identité et le cambriolage visent les biens, mais ils peuvent avoir un impact énorme sur les victimes, en leur causant un stress et une anxiété considérables. Une victime souffrant d’un préjudice psychologique à la suite d’un crime, y compris les crimes contre les biens tels que l’usurpation d’identité, devrait, selon les Nations Unies, pouvoir bénéficier d’une indemnisation étatique.
Bien qu’il n’existe qu’un seul code criminel pour l’ensemble du Canada, tous les crimes violents ne sont pas admissibles à une indemnisation et il n’y a pas d’uniformité entre les provinces quant aux crimes qui sont inclus et ceux qui ne le sont pas. Par exemple, le vol qualifié n’est pas inclus dans la liste des infractions visées en Ontario, alors qu’il est inclus dans de nombreuses provinces comme le Manitoba et l’Alberta. Six des neuf programmes au Canada limitent l’admissibilité au programme à une liste d’infractions proscrites, et chaque province utilise une liste différente.
Au Québec, le programme existant, l’Indemnisation des victimes d’actes criminels (IVAC), n’est accessible qu’aux victimes qui ont subi un crime figurant à l’annexe de la loi. Cependant, la loi a été créée en 1971, ce qui signifie que de nouveaux crimes, comme le trafic de personne, qui a été prévu au Code criminel en 2005, ne sont pas inclus dans l’annexe et les victimes ne sont donc pas admissibles à l’aide. La province a récemment présenté le projet de loi no 84 qui, s’il est adopté, remplacera le programme d’indemnisation existant. Le projet de loi no 84 ne comprend pas de liste d’infractions admissibles et se limite plutôt à toute « infraction criminelle qui porte atteinte l’intégrité physique ou psychique d’une personne; ainsi n’est pas visée une infraction criminelle perpétrée contre un bien »[4]. Cependant, il ne s’agit pas à proprement parler d’une catégorie juridique de crimes et, par conséquent, il subsiste une certaine ambiguïté quant aux crimes qui sont inclus et à ceux qui ne le sont pas.
De plus, il existe une certaine disparité à travers le Canada en ce qui concerne la signification du mot « victime » et la question de savoir si les victimes indirectes devraient être considérées comme des victimes. Comme nous l’avons vu, l’impact de la criminalité va bien au-delà des victimes directes de la criminalité. La Déclaration des Nations Unies précise qu’en plus des victimes directes de la criminalité, les victimes indirectes de la criminalité doivent pouvoir bénéficier d’une indemnisation. Selon l’article 12b, l’indemnisation devrait être assurée « À la famille, en particulier aux personnes à la charge des personnes qui sont décédées ou qui ont été frappées d’incapacité physique ou mentale à la suite de cette victimisation. » Bien que tous les programmes existants au Canada offrent une certaine indemnisation aux membres de la famille en cas de décès, seules deux provinces, la Colombie-Britannique et le Québec, offrent des services aux membres de la famille des victimes directes lorsque la victime directe n’est pas décédée. Pourtant, nous savons que le traumatisme et le stress subis par un proche après une victimisation violente peuvent également avoir un impact sur la vie de sa famille et de ses amis.
Bien que tous les programmes excluent les victimes jugées responsables de leur victimisation, comme le criminel qui a été blessé en commettant une infraction, les limites de ce critère varient considérablement d’une province à l’autre. En particulier, il s’agit de savoir si la personne doit être activement engagée dans la criminalité au moment de l’infraction ou si le simple fait d’avoir des antécédents criminels est une raison suffisante pour l’exclure. Deux provinces, l’Alberta et le Manitoba, ont des règles spécifiques concernant les victimes qui ont un casier judiciaire. En vertu de la Déclaration des droits des victimes du Manitoba, l’indemnisation pour des frais funéraires peut être réduite ou même refusée si la victime a été condamnée pour une infraction visée au cours des dix dernières années. En Alberta, la victime est pénalisée si, dans les cinq années précédant la victimisation, elle a été condamnée pour une infraction visée. La Victims’ of Crime Act de l’Alberta comprend une liste d’infractions visées (annexe 2) et, ce qui est frappant, c’est le type d’infractions énumérées : la liste comprend des infractions mineures comme le vagabondage, mais n’inclut pas les infractions graves comme l’agression sexuelle et l’homicide.
La plupart des provinces n’excluent pas une victime simplement parce qu’elle a un casier judiciaire. Cependant, même si les condamnations antérieures ne sont pas officiellement un motif d’exclusion, les programmes peuvent refuser des victimes s’ils pensent que leur passé criminel peut être lié à leur victimisation. Par exemple, au Québec, un ancien membre d’un gang s’est vu refuser une indemnisation lorsqu’une fusillade en voiture l’a laissé handicapé de façon permanente, même s’il n’avait plus participé à des activités de gang depuis 10 ans (Wemmers, 2017). L’exclusion des victimes ayant des antécédents criminels des programmes suggère un fort accent sur la justice pénale et un manque d’intérêt pour le rétablissement des victimes.
Signalement
La plupart des programmes exigent que la victime signale le crime à la police pour être admissible. Le rapport de police est considéré comme la preuve qu’un crime a été commis. Le Québec est la seule province qui n’oblige pas les victimes à signaler leur victimisation à la police. Le projet de loi no 84 nouvellement présenté n’oblige pas non plus les victimes à signaler leur victimisation à la police. Cependant, dans la pratique, les autorités québécoises utiliseront le rapport de police comme preuve d’une infraction criminelle et si la victime omet de signaler le crime à la police, elle peut voir sa demande rejetée au motif qu’il n’y a pas suffisamment de preuves établissant qu’un crime a été commis. (Lippel et Doyen, 2000). Ainsi, même si les victimes ne sont pas formellement obligées de signaler les crimes à la police, cela peut se produire dans la pratique.
Alors que les programmes d’indemnisation exigent généralement que les victimes fassent un signalement à la police, les sondages sur la victimisation révèlent que deux victimes sur trois au Canada ne signalent pas leur victimisation à la police (Perreault, 2015). Les taux de signalement varient selon les types de crimes. La violence sexuelle est communément l’infraction la moins signalée et seulement 5 % des agressions sexuelles sont signalées à la police (Perreault, 2015). Il est important de se demander pourquoi les victimes choisissent souvent de ne pas signaler leur victimisation. Les victimes de violence sexuelle déclarent qu’elles ont choisi de ne pas contacter la police par crainte de représailles (68 %) ou qu’elles ne voulaient pas que d’autres personnes (57 %), et en particulier les membres de leur famille, soient au courant (59 %) (Wolitzky-Taylor, et al., 2011). Au Canada, environ 12 % des victimes d’agressions sexuelles ont déclaré ne pas avoir porté plainte parce qu’elles ne voulaient pas jeter la honte ou le déshonneur sur leur famille (Perreault, 2015). Par conséquent, obliger les victimes à signaler leur victimisation à la police peut ajouter à leur souffrance.
Les groupes vulnérables, tels que les immigrants sans papiers qui craignent d’être expulsés s’ils se rendent à la police, ainsi que les personnes dépendantes, comme les enfants et les personnes âgées, sont également peu susceptibles de signaler leur victimisation à la police. Ces victimes se trouvent souvent dans une relation de pouvoir abusive, dans laquelle l’auteur exerce un contrôle coercitif sur elles (Aronowitz, 2009).
Le sous-signalement peut également être dû à des macrovariables telles que la perception de la police, ainsi que la peur du blâme et de la stigmatisation de la victime. Le défaut de lever ces obstacles laisse les victimes vulnérables et sans aide. Si les programmes visent à aider les victimes à guérir, alors exiger qu’elles signalent leur victimisation à la police semble illogique. Toutefois, si les programmes sont destinés à encourager la collaboration avec les autorités de justice pénale, cette exigence est alors logique.
Avant qu’une victime puisse demander une indemnisation, elle doit d’abord savoir que le programme existe. La Déclaration des Nations Unies exige que les États membres fournissent aux victimes des renseignements sur les services disponibles. Cette exigence est réitérée dans la Charte canadienne des droits des victimes, qui précise que les victimes ont le droit d’être informées des services de soutien disponibles. Cependant, les victimes ne sont pas toujours informées des services disponibles, notamment en matière d’indemnisation. Par exemple, une étude réalisée au Québec par Wemmers et Cyr (2006) a révélé que seulement 38 % des victimes qui ont signalé leur crime à la police ont déclaré que la police leur avait parlé des services d’aide aux victimes, alors que 64 % ont déclaré qu’elles auraient aimé recevoir de l’information sur le soutien disponible. Bien que l’indemnisation des victimes existe au Québec depuis 1971 et que les victimes aient le droit d’être informées, 44 % des victimes d’un crime violent ont déclaré qu’elles avaient effectivement été informées du programme, tandis que 47 % ont déclaré qu’elles n’avaient pas été informées et 9 % étaient incertaines.
L’information sur l’indemnisation doit être fournis aux victimes par de multiples sources, et les victimes doivent avoir accès à l’information le plus rapidement possible après leur victimisation. Dans l’étude susmentionnée de Wemmers et Cyr (2006), parmi les victimes qui ont été informées, seulement 8 % ont déclaré avoir reçu de l’information de la police et 13 % des services de soutien aux victimes. La source la plus fréquemment citée par les victimes est le tribunal, mais elle n’a été mentionnée que par 23 % des répondants. Lorsque la cause de la victime arrive devant les tribunaux, il peut être trop tard pour qu’elle puisse présenter une demande d’indemnisation. Si les victimes sont obligées de signaler les crimes à la police, celle-ci devrait être obligée de les informer des services disponibles. La police est souvent la première à intervenir en cas de crime et devrait donc être chargée de fournir aux victimes des renseignements de base sur les possibilités d’indemnisation (Davis et al., 2021).
Soutien
L’accès aux services de soutien est important pour toutes les victimes, mais il est particulièrement important pour les victimes qui demandent une indemnisation, car les conséquences du traumatisme peuvent avoir un impact sur leur capacité à préparer et à soumettre une demande réussie. Les conséquences d’un traumatisme peuvent avoir un impact sur la capacité d’une personne à traiter l’information et à effectuer des tâches administratives. À la suite d’un traumatisme, les victimes peuvent éprouver de la difficulté à comprendre et à retenir l’information ainsi qu’à se concentrer, ce qui peut avoir un impact négatif sur leur capacité à présenter une demande d’indemnisation.
Selon les données fédérales, en 2011-2012, on comptait 760 fournisseurs de services aux victimes au Canada, qui ont desservi 460 000 victimes directes et indirectes. En un jour donné, ces 760 services ont apporté leur aide à 10 000 victimes (Allen, 2014). Cependant, si l’on garde à l’esprit que, chaque année, quelque 5,6 millions de Canadiens âgés de 15 ans et plus subissent une victimisation (Perreault, 2015), il est évident que la plupart des victimes ne sont pas en contact avec les services de soutien.
Au Canada, les services aux victimes sont offerts par les services de police (36 %), les organismes communautaires sans but lucratif (24 %), les centres d’aide immédiate aux victimes d’agression sexuelle ou de viol (14 %), les tribunaux (10 %) ou d’autres organismes axés sur le système (7 %) (Allen, 2014). Ensemble, les services basés sur le système, y compris les services de police et les services judiciaires, représentent plus de la moitié des services disponibles au Canada. Cependant, parce qu’ils sont basés sur le système, ils ne sont pas ouverts aux victimes qui ont choisi de ne pas faire appel au système de justice pénale et qui ne signalent pas leur victimisation à la police. Ainsi, alors que la plupart des victimes ne signalent pas leur victimisation à la police, la plupart des services de soutien exigent que la victime fasse appel au système de justice pénale afin d’accéder aux services. En d’autres termes, la majorité des ressources ciblent une minorité de victimes.
En outre, l’accès au soutien est inégal dans tout le pays. En particulier dans les zones rurales du Canada, il y a souvent des écarts dans l’accès aux services de santé, y compris les services de santé mentale (Hay et al., 2006). Cela signifie que les personnes devront soit se passer d’aide, ce qui peut aggraver leur état, soit parcourir de longues distances à leurs propres frais pour obtenir de l’aide. L’accès à des services adaptés sur le plan culturel (par exemple, pour les Autochtones) ou sur le plan linguistique (par exemple, anglais et français) est un autre défi d’autant plus difficile à surmonter dans les zones rurales. Les victimes qui n’ont pas accès à du soutien sont considérablement désavantagées lorsqu’elles demandent une indemnisation, ce qui peut avoir un impact négatif sur leurs chances de recevoir une indemnisation. L’impact du traumatisme sur la concentration et la mémoire des victimes peut rendre difficile la présentation d’une demande réussie. Les obstacles structurels au soutien créent des désavantages systématiques pour les victimes vulnérables. Le défaut de fournir du soutien aux victimes peut avoir un impact durable sur leur santé, leur emploi et bien plus encore.
Le financement est peut-être le principal obstacle à l’accès aux services. Dans tout le pays, les services communautaires de soutien aux victimes ne sont généralement pas financés par les ressources publiques et dépendent plutôt de la suramende compensatoire pour leur financement. Tout comme une amende, la suramende compensatoire est une somme d’argent imposée aux contrevenants, qu’ils doivent payer à l’État. Cependant, à la différence d’une amende, l’argent de la suramende compensatoire est destiné à être dépensé pour les services aux victimes. Par conséquent, le financement disponible pour les services aux victimes dépend du taux de condamnation, ainsi que de la richesse relative des personnes condamnées, plutôt que des besoins des victimes (Wemmers, 2017). Afin de limiter les coûts, de nombreux services d’aide aux victimes font appel à des bénévoles, qui reçoivent une courte formation de base avant d’entrer en contact avec les victimes (Allen, 2014). Des services professionnels d’aide aux victimes sont disponibles au Québec, mais les victimes peuvent être confrontées à des retards dans l’accès à un travailleur de soutien en raison d’un manque de ressources. Les contraintes budgétaires semblent déterminer les services plutôt que les besoins des victimes et la responsabilité de l’État à leur égard.
Demande
Avant de pouvoir accéder aux avantages, les victimes doivent d’abord faire une demande d’indemnisation. Il est important que les programmes d’indemnisation offrent un accès facile à des renseignements clairs et complets sur le programme. En fin de compte, la qualité de l’information disponible peut avoir un impact sur la capacité des victimes à soumettre une demande réussie. Toutefois, les renseignements figurant sur les sites Web gouvernementaux sont souvent incomplets. Par exemple, une étude du Protecteur du citoyen du Québec (2016) a constaté que les renseignements disponibles pour les victimes du programme de la province, l’IVAC, étaient incomplets et non exhaustifs. L’étude recommande à la province d’améliorer son site Web et ses formulaires et de créer un guide pour les victimes.
Une autre limite importante est l’absence d’information en plusieurs langues sur de nombreux sites Web gouvernementaux. Bien que le Canada soit officiellement bilingue, les programmes d’indemnisation sont provinciaux et toutes les provinces n’ont pas de sites Web bilingues. Par exemple, l’Alberta et la Colombie-Britannique n’ont pas de sites Web bilingues, la Saskatchewan n’offre que des renseignements limités en français et, bien que l’Île-du-Prince-Édouard ait un site Web bilingue, les renseignements sur son programme d’indemnisation des victimes ne sont disponibles qu’en anglais[5]. L’accès à l’information sur les programmes dans l’une des nombreuses langues autochtones ou minoritaires du Canada n’est disponible sur aucun des sites Web provinciaux. Bien que les programmes relèvent clairement de la compétence des provinces et se limitent aux crimes commis sur leur territoire, les victimes ne sont pas uniquement des résidents locaux et peuvent inclure des touristes ainsi que des travailleurs temporaires, qui ne maîtrisent peut-être pas la langue locale et qui seraient plus à même de préparer et de soumettre une demande réussie si l’information étaient disponible dans leur propre langue. Si l’indemnisation des victimes a pour but de les aider, elle doit tenir compte de leurs besoins et leur fournir de l’information dans plusieurs langues.
Les victimes et les organisations de soutien aux victimes se plaignent souvent de la complexité et de la lourdeur des procédures de demande d’indemnisation. Les victimes qui ont enduré le processus de demande se plaignent que le processus lui-même peut être traumatisant et il est parfois vécu comme une victimisation secondaire. Dans l’étude précitée de 2016 du Protecteur du citoyen du Québec, les fonctionnaires travaillant pour le programme ont été décrits comme étant formalistes et manquant d’empathie. Les victimes ont fait face à de longs retards, ont reçu peu d’information et n’ont eu que peu de contacts personnels avec le fonctionnaire chargé de leur demande. Les victimes ont eu l’impression d’être victimisées une nouvelle fois.
Compte tenu des difficultés auxquelles sont confrontées les victimes qui souffrent d’un traumatisme dû à une victimisation violente, il est important que les personnes qui s’occupent des victimes soient des professionnels formés qui comprennent l’impact du traumatisme. En Ontario, les services de soutien aux victimes désignés ont pour mandat d’évaluer l’admissibilité des victimes au programme et de les aider à présenter leur demande. Cela transfère au travailleur de l’aide aux victimes une partie du fardeau de remplir la demande des victimes, qui peuvent avoir des difficultés à se concentrer et à mettre l’accent sur des tâches administratives complexes.
Dates limites de dépôt des demandes
Une autre considération importante pour les victimes qui demandent une indemnisation est de savoir combien de temps après la victimisation, elles peuvent encore demander une indemnisation. Bien que les victimes puissent avoir besoin de soutien immédiatement après la victimisation, l’impact du traumatisme, comme la dissociation, peut rendre difficile l’action des victimes. La plupart des programmes au Canada exigent que la victime présente une demande d’indemnisation dans un délai d’un ou deux ans après la victimisation. Cependant, trois provinces (C.‑B., N.‑É., Qc) offrent une certaine souplesse en ce qui concerne les délais pour des crimes spécifiques, comme les crimes sexuels, reconnaissant ainsi que, dans certaines circonstances, il peut s’écouler plus de temps avant que la victime soit en mesure d’agir.
Le délai imparti aux victimes pour demander une indemnisation est relativement court par rapport aux délais utilisés en droit civil. Au Québec, le droit civil de la province prévoit pour les plaideurs un délai de prescription de trois ans pour présenter une demande, alors que les victimes d’actes criminels n’ont que deux ans pour demander une indemnisation. La question évidente est de savoir pourquoi il devrait en être autrement pour les victimes d’actes criminels. Le nouveau projet de loi no 84 de la province propose d’harmoniser le délai de demande avec le droit civil, en accordant aux victimes un délai de trois ans pour présenter une demande. En outre, dans certains cas, tels que les victimes de crimes sexuels et les victimes de violence conjugale, une période plus longue peut être accordée[6].
En revanche, lorsque l’Ontario a instauré son Programme d’intervention rapide auprès des victimes de 2019, il a supprimé le délai précédent de deux ans et a introduit des délais plus courts. La procédure de demande est d’autant plus compliquée que le programme prévoit des délais différents selon les services demandés et le type de crime commis. Par exemple, pour avoir accès à un soutien pour des besoins immédiats, les victimes doivent avoir signalé l’incident à la police et faire une demande au programme dans les 45 jours suivant la date de la perpétration du crime. Pour les services de consultation psychologique, les victimes doivent faire leur demande dans les 6 mois suivant la date de la perpétration du crime. Toutefois, les victimes adultes d’abus sexuels du passé disposent de 90 jours à compter de la date de la révélation pour demander des services de consultation. Par rapport aux autres types de victimes, les victimes de la traite de personnes bénéficient de la plus grande souplesse dans le cadre de ce programme : elles peuvent présenter une demande au programme jusqu’à un an après la date de l’infraction, sauf si elles ont moins de 18 ans, auquel cas elles peuvent présenter une demande à tout moment, jusqu’à ce qu’elles atteignent 18 ans. La brièveté du délai offert aux victimes est surprenante si l’on considère que la province maintient un délai de base de deux ans pour intenter une action civile. Plus important encore, les courts délais constituent un sérieux désavantage pour les victimes : les victimes qui n’ont pas eu connaissance du programme à temps pour présenter une demande parce que la police ne les a pas informées sont automatiquement disqualifiées pour du soutien.
Si l’objectif des programmes d’indemnisation est de favoriser la guérison, les délais ne sont pas logiques. Toutefois, si l’objectif de l’indemnisation est de promouvoir les objectifs de la justice pénale et de faire en sorte que la police soit rapidement informée lorsque des crimes sont commis, les délais, et surtout les délais courts, sont logiques. Au minimum, les délais doivent être harmonisés avec le droit civil, afin de renforcer la cohérence et de ne pas désavantager déraisonnablement les victimes. En outre, des renseignements doivent être mis à la disposition des victimes afin de garantir qu’elles ont la possibilité de demander une indemnisation.
Indemnités
Au Canada, il existe des différences importantes entre les provinces en ce qui concerne l’étendue des services offerts. Les principales catégories d’indemnités sont les frais médicaux, la perte de revenu, les services de santé mentale, ainsi que les besoins pratiques, qui comprennent divers éléments tels que les frais funéraires, le nettoyage de la scène d’un crime et le remplacement de lunettes cassées. Lorsque l’on examine les différents services offerts, il est important de garder à l’esprit les services sociaux qui sont disponibles pour tous les résidents de chaque province. Les programmes d’indemnisation sont souvent considérés comme un filet de sécurité, destiné à absorber les coûts de la victimisation non couverts par d’autres programmes sociaux. En outre, il est important de rappeler les besoins des victimes et d’examiner dans quelle mesure les services offerts répondent à leurs besoins.
Frais médicaux
Les victimes de violence peuvent souffrir de blessures qui nécessitent un traitement médical. Le soutien offert par les programmes d’indemnisation peut permettre aux victimes d’accéder à un traitement vital pour répondre à leurs besoins physiologiques fondamentaux. Bien que toutes les provinces et tous les territoires du Canada disposent d’un système de santé public, la couverture disponible varie d’un bout à l’autre du pays. Cela signifie que les victimes peuvent encore être tenues de payer certains frais médicaux tels que les médicaments sur ordonnance.
Il existe une grande diversité entre les programmes existants en ce qui concerne les frais médicaux. D’un côté, il y a des provinces, comme la Nouvelle-Écosse, qui n’offrent aucune indemnisation pour les frais médicaux en dehors de ce qui est déjà disponible dans son programme d’assurance maladie provincial. Les frais médicaux qui ne sont pas couverts par le système de santé provincial, comme les médicaments prescrits, doivent être pris en charge par la victime. Certains programmes couvrent certains frais médicaux qui ne sont pas couverts par l’assurance maladie publique de la province. Par exemple, en Ontario, les victimes doivent compter sur l’assurance maladie publique pour les frais médicaux, mais les victimes admissibles peuvent obtenir une indemnisation pour les frais dentaires, les prothèses et la physiothérapie. À l’autre extrémité du continuum se trouve le Québec, qui remplace entièrement son assurance maladie publique par son programme d’indemnisation. Le programme d’IVAC du Québec prend en charge les frais médicaux et dentaires ainsi que les médicaments d’ordonnance des victimes admissibles.
D’autres programmes, comme celui de l’Alberta, ne couvrent pas spécifiquement le coût des services médicaux et utilisent un système de points. L’indemnisation est entièrement déterminée par la gravité des dommages. Chaque type de dommage est associé à un certain nombre de points, qui déterminent le montant de l’indemnisation à laquelle la victime peut prétendre. À titre d’exemple, l’irritation des voies respiratoires a une cote de gravité de 1,408, tandis que l’amputation d’un membre inférieur au‑dessus du genou est cotée 80,103 et qu’une lésion de la moelle épinière sans préservation des fonctions motrices ou sensorielles est cotée 217,299. Les blessures psychologiques ont une cote de 19,23, mais celle-ci peut varier en fonction de l’âge de la victime et de l’implication ou non de plusieurs agresseurs. Une victime dont la cote est comprise entre 2,5 et 4,99 peut recevoir 500 $, soit l’indemnité la plus basse possible. L’indemnité la plus élevée possible est de 110 000 $, pour laquelle la personne doit obtenir une cote de 210 ou plus. Les indemnités sont donc basées sur les conséquences de la victimisation et non sur les besoins des victimes.
Prestations pour perte de revenus
Si une victime est incapable de travailler en raison de sa victimisation, elle peut perdre son revenu. Cependant, quatre des neuf programmes provinciaux n’offrent pas de prestations pour la perte de revenu. Si les victimes ne disposent pas d’une assurance privée, par exemple par l’entremise de leur employeur, elles peuvent être obligées de recourir à l’aide sociale pour survivre. Comme nous l’avons vu, le besoin de nourriture et celui de logement sont des besoins humains fondamentaux et, sans revenu, les besoins les plus élémentaires des victimes peuvent être menacés.
Les cinq autres programmes offrent une certaine aide pour compenser la perte de salaire, mais il existe des différences considérables quant à l’étendue des prestations offertes aux victimes. Par exemple, au Québec, le programme d’IVAC existant offre aux victimes qui souffrent d’une invalidité permanente un revenu à vie jusqu’à ce qu’elles atteignent 65 ans et puissent bénéficier d’une pension de l’État. C’est coûteux pour la province et elle le supprime dans son programme nouvellement proposé, le projet de loi no 84, qui est actuellement examiné par l’Assemblée nationale. D’autres programmes, comme celui du Manitoba, imposent une limite maximale au montant de l’indemnité qui peut être versée pour couvrir la perte de salaire.
Si la victime n’est plus en mesure de continuer à faire le même type de travail qu’avant sa victimisation, certaines provinces paieront pour son recyclage dans un autre travail. Ainsi, elles aident la victime à retrouver son indépendance.
La perte d’un revenu peut avoir des répercussions sur toute une famille. La déclaration inclut explicitement les personnes à charge des victimes qui sont décédées ou qui ont été blessées, ainsi que les victimes directes de la violence. Certains programmes, comme ceux de la Colombie-Britannique et du Québec, offrent un soutien au revenu aux personnes qui dépendaient financièrement du défunt en tant que victimes. Actuellement, le programme d’IVAC du Québec offre au conjoint d’une victime décédée un supplément de revenu jusqu’à l’âge de 65 ans. Les enfants de la victime décédée peuvent bénéficier d’un supplément de revenu jusqu’à l’âge de 19 ans ou, s’ils poursuivent des études postsecondaires, jusqu’à l’âge de 25 ans. Cependant, dans le projet de loi no 84, ces suppléments de revenu sont remplacés par des paiements forfaitaires et, par conséquent, ils cesseront probablement d’être offerts aux victimes indirectes à l’avenir si le projet de loi est adopté.
Santé mentale
L’impact psychologique de la victimisation peut être important et la Déclaration des Nations Unies prévoit expressément qu’une indemnisation doit être prévue pour les personnes dont la santé mentale a été affectée par la violence. La santé mentale est vitale pour le fonctionnement d’une personne. Une mauvaise santé mentale peut rendre la victime incapable de fonctionner, ce qui peut avoir une incidence sur sa capacité à travailler et à être un membre productif de la société. Bien que la plupart des programmes provinciaux offrent une indemnisation pour les services de consultation psychologique, ils imposent souvent une limite au montant de l’aide qu’une victime peut recevoir, indépendamment de ses besoins. Par exemple, en Nouvelle‑Écosse, le seul service offert aux victimes par le biais de son programme provincial est la consultation psychologique, et ce service est plafonné à 2 000 $ pour les victimes individuelles.
Outre les victimes directes, la victimisation violente peut avoir un impact sur la santé mentale des proches de la victime. Reconnaissant l’impact des traumatismes sur les victimes indirectes, en 2013, les autorités ont révisé la définition du trouble de stress post-traumatique (TSPT) afin d’inclure les personnes ayant appris qu’un parent ou un ami proche avait été exposé à un traumatisme (DSM-V). En Nouvelle‑Écosse, le programme provincial offre jusqu’à 4 000 $ en services de consultation psychologique aux membres de la famille d’une victime décédée. Cependant, la plupart des programmes n’offrent pas de prestations aux victimes indirectes, à moins que la victime directe ne soit décédée. Une exception est le Québec, où certains membres de la famille des victimes d’agression sexuelle (par exemple, un parent ou un partenaire) peuvent avoir accès à des services de consultation psychologique.
Une autre question importante est l’accès aux services de santé mentale. Les taux de crimes violents sont beaucoup plus élevés dans le Nord rural du Canada que dans le reste du pays (De Léséleuc et Brzozowski, 2006; Perreault et Simpson, 2016). Cependant, dans les régions rurales, en particulier dans le Nord, l’accès aux services de santé mentale peut être un défi. Environ 30 % de la population du Canada vit dans des régions rurales (Hay et al., 2006).
Besoins pratiques
Les victimes peuvent éprouver divers besoins pratiques et ces besoins apparaissent souvent peu après la victimisation. Par exemple, le nettoyage d’une scène de crime après une enquête de police. Le simple fait de retourner sur une scène de crime peut être difficile pour les victimes. Cependant, il ne revient pas à la police de nettoyer une scène de crime et les services de nettoyage professionnels sont coûteux. Bien qu’il soit particulièrement cruel de s’attendre à ce qu’un membre de la famille nettoie le sang de son proche décédé, ce travail peut incomber à la famille et aux amis de la victime. C’est pourquoi certaines provinces offrent une indemnisation pour couvrir le coût du nettoyage professionnel d’une scène de crime si quelqu’un a été blessé. Cependant, la victimisation violente n’inclut pas toujours des blessures physiques, par exemple dans le cas d’un braquage à domicile et, lorsque cela se produit, aucun des programmes existants n’offre d’aide pour le nettoyage, ce qui laisse à la victime le soin de le faire.
Si la victime directe meurt, la décence humaine exige qu’elle ait des funérailles pour honorer sa vie et permettre à ses proches de tourner la page. Cependant, les funérailles sont coûteuses et, à moins que le défunt n’ait eu une assurance, les coûts peuvent retomber sur les épaules de sa famille, ce qui lui ajoute un stress financier alors qu’elle pleure déjà la mort de la victime. De nombreuses provinces offrent une indemnisation limitée pour couvrir le coût des funérailles, ce qui peut offrir un certain soulagement aux proches de la victime.
Besoin de sécurité
Comme nous l’avons vu, les êtres humains ont un besoin fondamental de sûreté et de sécurité, ce qui est particulièrement important pour les victimes de violence, qui peuvent ressentir de la peur et de l’insécurité à la suite du crime. Les programmes d’indemnisation ne sont pas des tribunaux pénaux et ils ne peuvent pas détenir les délinquants violents. Néanmoins, les programmes d’indemnisation peuvent répondre au besoin de protection des victimes et leur apporter un certain réconfort en reconnaissant leur droit au statut de victime. Les programmes peuvent également offrir une indemnisation pour des mesures spécifiques qui ont un impact sur le sentiment de sécurité des victimes.
La plupart des programmes d’indemnisation au Canada n’offrent pas de services spécifiques pour assurer la sécurité des victimes. Cela est surprenant compte tenu de l’importance de la protection des victimes de la violence (Ten Boom, 2016). Néanmoins, certains programmes répondent aux besoins de sécurité de certaines victimes. En Colombie‑Britannique, par exemple, les victimes qui risquent d’être revictimisées par leur agresseur (par exemple, en cas de violence domestique) peuvent recevoir jusqu’à 3 000 $ de prestations supplémentaires pour couvrir le coût d’un équipement de sécurité (par exemple, une alarme) ou pour suivre des cours d’autodéfense. La peur et l’insécurité causées par les crimes violents conduisent souvent les victimes à déménager (Xie et McDowall, 2008). En Colombie‑Britannique, les victimes peuvent recevoir des prestations pour couvrir les frais de déménagement ainsi qu’une allocation pour les aider à survivre au début (jusqu’à 7 000 $) si elles doivent déménager pour des raisons de sécurité.
Exécution
Les nombreux critères et conditions imposés à l’égard de l’indemnisation signifient qu’en pratique, il peut s’écouler des semaines voire des mois avant qu’une victime ne reçoive une décision concernant sa demande. Comme nous l’avons vu, les longs délais font partie des plaintes soulevées par le Protecteur du citoyen du Québec en 2016. Afin de contrer les longs délais de traitement, certains programmes offrent un financement d’urgence ou provisoire afin de fournir aux victimes un accès rapide et facile à des fonds pour certains coûts immédiats, tels que les frais funéraires.
Lorsque la province de l’Ontario a remplacé sont d’indemnisation des victimes d’actes criminels par le Programme d’intervention rapide auprès des victimes en 2019, elle a mis l’accent sur la réduction des retards et sur l’offre d’une réponse rapide aux victimes. Bien qu’il ait réduit de manière drastique les fonds disponibles pour les victimes, le nouveau programme garantit aux victimes de recevoir une réponse à leur demande dans les jours suivant la présentation de leur demande au programme.
Les programmes d’indemnisation sont coûteux à gérer et, comme l’observe Kirchengast (2016), ces dernières années, les gouvernements ont délaissé la responsabilité de l’État envers les victimes pour mettre en avant la responsabilité du délinquant de dédommager la victime. Au Canada, la Charte des droits des victimes d’actes criminels de 2015 prévoit le droit de demander un dédommagement au délinquant. À cette fin, un formulaire standard a été créé et il est utilisé dans l’ensemble du pays. Cependant, les délinquants sont souvent pauvres, ce qui signifie qu’il est peu probable que le juge impose une ordonnance de dédommagement (Wemmers, 2020). De plus, si un délinquant ne respecte pas une ordonnance de dédommagement, le seul recours de la victime est de faire enregistrer l’ordonnance au tribunal civil à titre de jugement. Les procédures civiles sont coûteuses, prennent du temps et il n’y a aucune certitude que la victime verra effectivement son argent.
L’indemnisation par l’État n’élimine pas la responsabilité du délinquant d’indemniser la victime. Comme nous l’avons vu, l’indemnisation par l’État est destinée à combler le vide lorsque l’indemnisation par le délinquant n’est pas disponible. Les victimes comprennent que l’argent provient de fonds publics et non du délinquant, mais elles considèrent l’indemnisation comme une forme de justice. Les victimes sont favorables à ce que l’État poursuive le délinquant pour toute indemnisation qu’il a versée à la victime (Mulder, 2009). Le terme juridique de cette opération est la subrogation et bien que les programmes incluent souvent une disposition relative à la subrogation, elle est rarement exécutée.
V NORMES ET RÈGLES INTERNATIONALES
Le Conseil de l’Europe, où le Canada est un observateur officiel, a été le premier à publier des recommandations à l’intention des États concernant l’indemnisation des victimes. En 1983, il a publié sa Convention européenne relative au dédommagement des victimes d’infractions violentes, qui souligne la responsabilité des États de fournir une indemnisation aux victimes d’infractions violentes, lorsqu’elle n’est pas entièrement disponible auprès d’autres sources. Les recommandations ont suivi une définition limitée des victimes et des blessures, en se concentrant sur les victimes directes de crimes violents qui ont subi des blessures corporelles ou dont la santé a été altérée en raison de crimes violents, et en cas de décès, sur leurs personnes à charge.
Comme nous l’avons vu, l’indemnisation par l’État a également été incluse dans la Déclaration des Nations Unies de 1985 dans le but d’encourager les États membres à mettre en place des régimes d’indemnisation étatique des victimes. Contrairement aux recommandations de 1983 susmentionnées, la Déclaration des Nations Unies utilise une définition plus large des victimes en ce qui concerne l’indemnisation par l’État. Outre les victimes directes de la violence et les membres de la famille des victimes décédées, la Déclaration des Nations Unies inclut également les membres de la famille des victimes qui ont subi des dommages physiques ou psychologiques (article 12b). La Déclaration des Nations Unies reconnaît que la victimisation n’affecte pas seulement les membres de la famille lorsque leur proche est tué, mais aussi lorsqu’ils sont blessés.
En 2004, le Conseil de l’Union européenne a adopté la Directive 2004/80/CE relative à l’indemnisation des victimes de la criminalité. Un aspect important sur lequel sera axée la Directive est l’indemnisation des victimes transfrontalières, au sein de l’Union européenne. La Directive indique que les victimes de la criminalité « doivent avoir droit à une indemnisation juste et appropriée pour les préjudices qu’elles ont subis, quel que soit l’endroit de la Communauté européenne où l’infraction a été commise » (préambule, paragraphe 6). La Directive invite donc les États membres à mettre en place un programme d’indemnisation des victimes de la criminalité, accessible aux victimes de la criminalité violente commise sur leurs territoires respectifs (préambule, paragraphe 7).
La langue constitue un défi important pour les personnes victimes de violences en dehors de leur pays. Ce sujet est particulièrement intéressant pour le Canada, qui a deux langues nationales officielles, le français et l’anglais, ainsi que de nombreuses langues autochtones. En outre, le Canada compte de nombreux immigrants qui ne parlent pas couramment le français ou l’anglais et pour lesquels la langue est un problème. La Directive de l’UE demande aux États de mettre en place un système de coopération entre les autorités des États membres afin de faciliter l’accès à l’indemnisation des victimes transfrontalières (préambule, paragraphe 11). À cette fin, la Directive indique que les victimes doivent pouvoir s’adresser à leur programme national d’indemnisation, qui communique à son tour, au nom de la victime, avec l’organisme partenaire dans l’État où la victimisation a eu lieu (article 1). Les États sont invités à faciliter et à éliminer au maximum les formalités administratives (article 3.3). Afin de faciliter la communication, l’UE recommande l’établissement d’un formulaire de demande type (article 14) et chaque État membre est tenu d’offrir des services dans au moins une des langues des institutions en plus de sa propre langue nationale (article 11). Par exemple, aux Pays-Bas, les renseignements sont disponibles en anglais et en néerlandais.
En 2012, l’Union européenne a franchi une nouvelle étape importante en adoptant la Directive établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes de la criminalité. La Directive renforce les droits des victimes en prévoyant des règles contraignantes pour toutes les victimes de la criminalité. Les États membres avaient jusqu’à 2015 pour se conformer aux normes minimales. Suivant une approche de la victimisation fondée sur les droits de l’homme, la directive reconnaît explicitement que la criminalité n’est pas seulement une violation contre l’État, mais aussi une violation des droits de l’homme des victimes (paragraphe 9). Par conséquent, les victimes sont des titulaires de droits et les États sont des titulaires de devoirs ayant l’obligation de respecter les droits des victimes.
La Directive reconnaît l’importance du droit à l’information des victimes, car il leur permet d’exercer leurs autres droits, tels que la demande d’indemnisation. Plus précisément, les organismes de services d’aide aux victimes sont tenus de fournir « des informations, des conseils et un soutien pertinents concernant les droits des victimes, notamment en ce qui concerne l’accès aux régimes d’indemnisation nationaux des victimes d’infractions pénales […] » (article 9). Toutefois, il s’agit de la seule référence à l’indemnisation par l’État dans la Directive, et toutes les autres références à l’indemnisation renvoient au dédommagement par le délinquant. Cela reflète un changement d’orientation, identifié par Kirchengast (2016), qui s’éloigne des programmes d’indemnisation étatiques coûteux qui visent à aider les victimes à guérir, pour s’orienter vers la prestation de services et la responsabilité du délinquant de verser un dédommagement.
L’UE a continué à surveiller et à évaluer l’application de ses directives. En 2020, la Commission européenne a publié sa première Stratégie de l’UE en matière des droits des victimes 2020‑2025 (COM/2020/258 final). Les principales priorités décrites dans la stratégie comprennent la surveillance et l’évaluation, ainsi que l’octroi de fonds de l’UE afin de promouvoir les droits des victimes au sein de l’UE. En outre, l’UE vise à renforcer la coopération avec des partenaires internationaux tels que les Nations Unies et le Conseil de l’Europe, ce qui devrait se traduire par un engagement renouvelé en faveur des droits des victimes et par la création de nouvelles normes et règles internationales pour les victimes de la criminalité.
VI CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
Le Canada ne respecte plus les normes et les règles énoncées dans la Déclaration des Nations Unies de 1985 en ce qui concerne l’indemnisation par les États. Au Canada, les victimes d’actes criminels ont un accès inégal aux services et ne sont pas traitées de la même manière. Certaines provinces et certains territoires n’ont pas de programme d’indemnisation étatique, d’autres offrent des services très limités à certaines victimes, et d’autres encore offrent des services substantiels et reconnaissent les effets du crime sur les victimes directes et indirectes. Bien qu’il n’y ait qu’un seul Code criminel au Canada, il y a un manque de cohérence à travers le pays en ce qui concerne les types de crimes inclus et exclus des programmes d’indemnisation. Les critères d’admissibilité à l’indemnisation dépendent des exigences du programme, lesquelles sont établies par la province et chaque province utilise des critères différents. En conséquence, l’application des droits des victimes et leur accès à l’indemnisation dans tout le pays sont disparates.
Les programmes semblent souvent privilégier les objectifs de la justice pénale au détriment d’autres objectifs tels que la guérison et la cohésion sociale. Les victimes qui demandent une indemnisation, en quête de validation, de reconnaissance et de soutien, peuvent se sentir à nouveau victimisées lorsqu’elles sont confrontées à un système froid et bureaucratique, quel que soit le résultat (Kunst et al., 2017). Le fait de se concentrer sur les conséquences de certains crimes tout en ignorant la dévastation causée par d’autres crimes peut conduire à la frustration et promouvoir la concurrence entre les victimes, ce qui peut être dysfonctionnel pour la société à long terme. Cela alimente l’idée que certaines victimes et victimisations sont plus dignes que d’autres. Si l’indemnisation vise réellement à aider les victimes à guérir, elle doit répondre à leurs besoins. La reconnaissance de l’égale valeur et de la dignité de tous les êtres humains favorise l’harmonie sociale (Deutsch, 2015) et la validation apportée par l’indemnisation étatique peut contribuer à restaurer la foi et la confiance des victimes dans le système de justice pénale et le gouvernement.
Si les programmes doivent véritablement servir les victimes et promouvoir la guérison, il est essentiel qu’ils soient fondés sur des preuves et qu’ils tiennent compte des traumatismes. La recherche sur la victimologie a beaucoup progressé depuis les années 1960 et 1970, époque à laquelle les programmes d’indemnisation ont été créés. L’introduction d’enquêtes sur la victimisation a permis d’étudier les facteurs de risque ainsi que les conséquences de la victimisation, et a révélé des phénomènes tels que la victimisation multiple et la victimisation secondaire. Les programmes d’indemnisation par l’État doivent reconnaître la science et s’adapter en conséquence.
L’approche actuelle des programmes d’indemnisation, centrée sur le crime, est en contradiction avec la recherche sur la victimisation multiple et l’impact cumulatif des traumatismes. Les programmes doivent adopter une approche globale, fondée sur les traumatismes, à l’égard des victimes, en se concentrant sur les besoins d’une personne plutôt que d’essayer d’isoler les conséquences d’une victimisation particulière. Une victimisation antérieure peut augmenter le risque d’une victimisation grave à l’avenir. L’intervention rapide est importante, mais tant que l’accès à l’information et au soutien n’est pas parfait, il est tout aussi important que les programmes reconnaissent la possibilité que les victimes ne signalent pas leur victimisation à la police et que, si elles le font, ce soit longtemps après la perpétration du crime. Dans le cadre d’une approche tenant compte des traumatismes, les programmes ne doivent pas utiliser les délais ou le signalement à la police comme critères d’exclusion.
Dans le cadre d’une approche tenant compte des traumatismes, il est important de reconnaître l’impact de la victimisation sur l’individu. La victimisation pendant l’enfance, par exemple, peut avoir un impact profond sur le comportement, y compris sur des infractions telles que la consommation de drogues illégales et le vagabondage. Conscients de l’impact des traumatismes, les programmes ne doivent pas exclure les victimes simplement parce qu’elles ont été condamnées pour un crime dans le passé. De même, les programmes devraient reconnaître l’impact important des victimisations non violentes telles que la fraude. L’exclusion de certains types de crimes graves des programmes d’indemnisation ne tient pas compte de l’expérience des victimes. L’exclusion des victimes qui sont clairement touchées par le crime semble arbitraire et est difficile à justifier si l’objectif de l’indemnisation est d’aider les victimes à se remettre du crime.
L’information est essentielle pour que les victimes sachent qu’une aide est disponible et puissent y accéder. Afin de s’assurer que les renseignements sont accessibles aux victimes, les programmes doivent offrir des informations dans plusieurs langues, y compris les deux langues officielles du Canada et les langues autochtones locales. Au minimum, les sites Web des programmes devraient offrir de l’information en anglais et en français. Afin de servir la population locale, les sites Web pourraient également proposer des informations dans d’autres langues et rejoindre les minorités ethniques de la province. Les sites Web peuvent également inclure de courtes vidéos pour les personnes qui ne savent pas lire. En général, un effort doit être fait pour sensibiliser le public aux programmes. Tous les professionnels en contact avec les victimes de crimes graves, tels que la police et les services de soutien aux victimes, devraient être tenus d’informer les victimes des services disponibles. Dans l’idéal, les victimes devraient recevoir des renseignements à plusieurs reprises et de plusieurs sources.
Les programmes d’indemnisation doivent donner la priorité aux besoins les plus fondamentaux des victimes et garantir qu’au minimum, les services disponibles répondent aux besoins humains élémentaires des victimes. Concrètement, cela signifie qu’il faut veiller à ce que les besoins physiologiques directs et indirects des victimes soient satisfaits, non seulement en fournissant des soins médicaux, y compris des soins de santé mentale, mais aussi en apportant une aide financière afin de protéger les victimes de la pauvreté et de veiller à ce qu’elles aient accès à une alimentation et à un logement adéquats. Outre la satisfaction des besoins physiologiques fondamentaux des victimes, les programmes d’indemnisation doivent répondre aux besoins de sécurité des victimes. Cela comprend l’argent pour les dispositifs de sécurité, mais aussi l’argent pour rompre un bail et déménager, si nécessaire, afin de répondre au besoin de sécurité des victimes. Le défaut de s’assurer que les besoins humains fondamentaux des victimes soient satisfaits entravera leur rétablissement après un crime.
Compte tenu de l’impact du traumatisme sur la capacité d’une personne à traiter et à retenir l’information, il est essentiel que le gouvernement fournisse des services de soutien pour aider les victimes à demander une indemnisation. Les programmes d’indemnisation par l’État devraient fournir aux services de soutien aux victimes un portail d’accès à leur programme afin de permettre aux travailleurs de soutien d’aider les victimes à remplir leur demande. En outre, les personnes chargées de l’exécution des programmes doivent avoir une solide connaissance des traumatismes et de leur impact sur les individus, afin de mieux servir les victimes qui demandent une indemnisation et de réduire le risque de victimisation secondaire.
Les contraintes budgétaires constituent une limite majeure pour les programmes existants. Bien que la Déclaration des Nations Unies exige que les États assurent « l’établissement, le renforcement et l’expansion de fonds nationaux d’indemnisation des victimes », le gouvernement fédéral ne finance pas actuellement les programmes d’indemnisation provinciaux. La disparition de plusieurs programmes d’indemnisation dans les années 1990, après que le gouvernement fédéral a mis fin à son programme de partage des coûts avec les provinces et les territoires, montre que ce sont les coûts qui déterminent l’indemnisation plutôt que les besoins des victimes. Par conséquent, le Canada ne remplit plus son obligation en vertu de la Déclaration de l’ONU.
Il est important de reconsidérer le mode de financement des programmes. Plutôt que de dépendre des suramendes perçues auprès des délinquants, les services aux victimes devraient être financés par l’État afin de garantir un accès suffisant à ces services. Les provinces et les territoires ont montré qu’ils n’étaient pas en mesure d’assumer seuls les coûts associés à l’indemnisation des victimes. Le partage des coûts avec les provinces et les territoires est régulièrement utilisé par le gouvernement fédéral afin de promouvoir l’accès aux services, tels que les soins de santé. Un système de paiements de transfert garantit que, dans tout le pays, les résidents du Canada ont un accès raisonnable aux services de soins de santé, indépendamment de leur situation géographique ou économique[7]. De 1973 à 1992, le gouvernement fédéral a utilisé avec succès les paiements de transfert afin d’encourager la création de programmes d’indemnisation des victimes à travers le pays. C’est lorsque ce programme a pris fin que les provinces et les territoires ont commencé à fermer ou à réduire leurs programmes d’indemnisation des victimes. Les paiements de transfert se sont avérés efficaces et le gouvernement fédéral devrait rétablir le financement des programmes d’indemnisation des victimes.
En vertu de la Déclaration des Nations Unies, le Canada a la responsabilité de veiller à ce que les victimes de tout le pays, quel que soit leur lieu de résidence, aient un accès égal aux programmes d’indemnisation. Actuellement, il n’y a pas d’orientation ou d’obligations claires concernant les programmes et, par conséquent, il existe d’énormes différences entre les programmes existants, les objectifs des programmes ne sont pas clairement définis et leur application n’est pas uniforme dans tout le pays. Grâce à la création de paiements de transfert, le gouvernement fédéral pourrait établir des normes minimales concernant les programmes d’indemnisation, afin de s’assurer que, dans tout le pays, les victimes ont accès à des services essentiels. Une fois établies, ces normes minimales doivent être régulièrement surveillées et évaluées afin de s’assurer que le Canada respecte son obligation envers les victimes.
Dans cet article, nous avons exposé les éléments fondamentaux d’un programme d’indemnisation centré sur la victime. Il s’agit notamment de mettre l’accent sur les effets de la criminalité sur les victimes, y compris les victimes indirectes, et de répartir les ressources en fonction des besoins, en respectant l’égalité de valeur sociale et la dignité des victimes. Les programmes d’indemnisation par l’État ont le potentiel d’aider les victimes à se remettre du crime, de leur donner un sentiment de justice et de restaurer leur confiance dans l’État, même lorsque le système de justice pénale ne peut pas les aider. Toutefois, cela exige que le gouvernement du Canada mette en œuvre la déclaration des Nations Unies et honore sa responsabilité envers les victimes en favorisant l’accès à une indemnisation équitable.
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Droit international
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Conseil de l’Europe, Directive 2004/80/EC du Conseil du 29 avril 2004 relative à l’indemnisation des victimes de la criminalité.
Union européenne, Directive 2012/29/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes de la criminalité et remplaçant la décision-cadre 2001/220/JAI du Conseil.
La Déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux victimes d’abus de pouvoir, Résolution A/RES/40/34, 29 novembre 1985.
[1] https://www.canada.ca/fr/emploi-developpement-social/services/parents-jeunes-victimes-crimes.html
[2] Pour une ventilation et une comparaison province par province, voir Wemmers, J. (2017). PUQ, « Victimologie : Une perspective canadienne », pages 231 à 253.
[3] Article 12a.
[4] Section I, article 13.
[5] Ces sites Web provinciaux ont été vérifiés le 3 février 2021.
[6] Article 20
[7] La Loi canadienne sur la santé et le Transfert canadien en matière de santé (https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/systeme-soins-sante/systeme-sante-canadien-assurance-sante/loi-canadienne-sante.html )