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SAWBONNA : LA JUSTICE RÉPARATRICE AXÉE SUR LES VICTIMES


[Le Sawbonna est un modèle de justice réparatrice primé qui met l’accent sur l’humanité commune, les droits de la personne, la notion de bonne relation et la capacité d’agir.]

 

 

Par Margot Van Sluytman, poète, B.A., M.A.


Mars 2020


 

RÉSUMÉ

Le présent document traite de la justice réparatrice axée sur les victimes. On y aborde la question suivante : Comment se fait il que même lorsque des processus de justice réparatrice et de réparation sont offerts aux victimes, ils soient, dans leur ensemble, rejetés? La méthode de l’autoethnographie sera utilisée pour répondre à cette question. Des définitions et des applications courantes de la justice réparatrice seront présentées, en expliquant comment elles sont utilisées, par qui et à quelle fin. Le Sawbonna, qui est un nouveau modèle de justice réparatrice, sera également décrit en le situant dans le cadre de la justice réparatrice et de la justice pénale et en le mettant en adéquation avec la justice sociale, afin de démontrer que ce modèle remet non seulement en question les définitions et les processus courants de justice réparatrice, mais qu’il permet aussi de faire avancer l’important débat sur le pardon et les excuses en mettant en évidence le traumatisme que revivent les victimes lorsqu’elles doivent remplir des formulaires et suivre des procédures pour que leurs points de vue et leur expérience soient entendus et soient considérés comme valables. La place du Sawbonna dans le contexte de l’établissement de relations avec les peuples autochtones sera également étudiée, en insistant sur le fait que la réconciliation est une question urgente, difficile et vitale qui est caractérisée par la méfiance, la colère et la peur et qui, du point de vue du Sawbonna, ne peut être réglée au moyen de solutions rapides. En d’autres termes, il faut déployer des efforts pour maintenir le cap vers la réconciliation, et ce, quels que soient les problèmes qui se posent. Le Sawbonna montre également comment transformer les défis en opportunités. On trouve aussi à la fin du présent document des recommandations sur la manière concrète de mettre en place des mesures sûres, inclusives et remarquablement efficaces pour que les victimes d’actes criminels souhaitent avoir recours au système judiciaire du point de vue du Sawbonna, qui repose sur le vécu des victimes, qui, lui, est intrinsèquement lié aux droits de la personne.


TABLE DES MATIÈRES

La voix, cette participation nécessaire
Qu’est ce que la justice réparatrice?
Autoethnographie : Vous croyez encore en la justice réparatrice?
La victime a voix au chapitre
Les Autochtones en détention sont aussi victimes d’un système de justice défaillant
Recommandations : La maison de guérison Theodore’s Place et les alliés
Que faire dès maintenant pour les victimes?
Conclusion : La justice a une dimension personnelle et politique
RÉFÉRENCES

 

« Sur une montagne de désespoir, une pierre d’espoir. »
- Martin Luther King Jr


~~~

« À mon humble avis, il est primordial que nous travaillions tous en synergie pour remédier aux inégalités systémiques permanentes découlant de nos positions respectives quant aux privilèges ou aux enjeux sociaux, économiques, raciaux et autres » [TRADUCTION]
- Sénatrice Kim Pate


 

La voix, cette participation nécessaire

Notre voix, notre histoire, notre récit sont ce qu’il y a de plus important dans notre humanité.

L’expression de notre identité façonne notre liberté, qui, à son tour, influe sur notre recherche et notre quête de sens. L’injustice et le crime peuvent décimer notre capacité à nous faire entendre, ce qui a pour effet de reléguer notre histoire et notre récit au rang de minuscules fragments de besoins, de désirs et d’aspirations non exprimés qui se manifestent sous la forme d’angoisse, de problèmes de santé et de traumatismes.

Il est difficile de s’orienter dans le système de justice et le cadre juridique après un crime, ce qui pose des problèmes urgents qui, souvent, accentuent la négation de la voix en mettant en évidence les moyens limités et contraignants par lesquels les victimes se retrouvent davantage blessées, meurtries et réduites au silence. Il nous incombe donc d’orienter, de réformer et de transformer la manière dont nous, en tant que société, nous engageons et agissons dans la vie après un crime.

La justice réparatrice a été présentée comme un moyen d’aider les victimes d’actes criminels à se remettre du crime qu’elles ont subi. Certes, elle peut être un moyen efficace de faire face aux conséquences d’un crime, mais, pour l’instant, elle exige qu’un plus grand nombre de voix se fassent entendre; des voix qui insistent sur l’importance d’un discours non tronqué, où le pouvoir, les fonds et les bailleurs de fonds ont souvent une incidence sur les personnes qui peuvent participer aux processus de justice réparatrice, et même sur la manière de le faire.

Dans le présent document, on décortiquera et examinera ces domaines d’une importance cruciale en plaçant la justice réparatrice, ainsi que ses nombreuses définitions et interprétations, dans le creuset de l’autonomisation et de la résilience. On démontrera également les liens qui existent entre l’autonomisation et la justice, qui est un labyrinthe de mots, d’idées, de définitions et de concepts. Tous ces éléments sont en étroite symbiose avec la voix, le récit et l’histoire et la personne qui décide de la façon dont ces moyens d’expression [TRADUCTION] « devraient » être utilisés

L’objectif principal du présent document consiste à se demander pourquoi la justice réparatrice n’est pas acceptée massivement si elle est à ce point enrichissante et essentielle et qu’elle permet aux victimes d’actes criminels, et à la société dans son ensemble, de trouver de l’espoir et un sens dans le système de justice.

Le présent document est divisé en sections bien définies où l’on explique l’approche de justice réparatrice, décrit la méthode utilisée pour rédiger ce document, définit le terme « victime », présente les Autochtones en détention comme des victimes d’un système de justice défaillant, et énonce des recommandations qui comprennent des mesures concrètes qui peuvent être immédiatement mises en place pour aider les victimes d’actes criminels. Ces deux dernières sections traitent également des raisons pour lesquelles et de la manière dont la justice réparatrice axée sur les victimes et inspirée du Sawbonna permet et permettra de continuer d’offrir des alternatives concrètes aux personnes ayant vécu des expériences atrocement douloureuses et horribles, ainsi qu’aux personnes qui travaillent avec et pour les victimes ou les contrevenants, ou les deux, et aux universitaires, aux chercheurs et aux décideurs politiques, afin qu’ils deviennent des alliés. Le présent document conclut en soulignant que l’établissement de relations et l’humanité commune sont non seulement les piliers du Sawbonna, mais aussi un moyen extrêmement précieux d’inclure un grand nombre de voix diversifiées qui doivent être entendues.


Qu’est ce que la justice réparatrice?

En dépit de la longue et riche expérience des sociétés autochtones avec la justice réparatrice, [TRADUCTION] « la justice réparatrice reprend les pratiques autochtones anciennes qui ont été utilisées dans les cultures du monde entier, que ce soit dans les communautés amérindiennes et des Premières Nations du Canada ou dans les communautés africaines, asiatiques, celtiques, hébraïques, arabes et bien d’autres » (International Institute for Restorative Practices). Le travail d’Howard Zehr dans le domaine de la justice réparatrice continue d’être considéré comme l’un des plus importants, voire le plus important, dans les recherches sur ce sujet. Sa thèse voulant que la justice réparatrice soit [TRADUCTION] « un processus destiné à impliquer, autant qu’il est possible, ceux qui sont touchés par une infraction donnée [les victimes, les contrevenants, la communauté] et à identifier collectivement les torts ou dommages subis, les besoins, les obligations, afin de parvenir à une guérison et de redresser la situation quand il est possible de le faire1 » est un important indice des raisons pour lesquelles les victimes et une grande partie de la société estiment que la justice réparatrice est, au mieux, une adorable naïveté et, au pire, une déclaration péremptoire pernicieuse sur l’humanité et son fonctionnement. Cette thèse présente en effet la justice réparatrice, ainsi que l’idée de rencontres en personne qu’elle sous tend, comme une façon de tout régler en une seule fois et de pouvoir tourner la page. Qui plus est, même si M. Zehr a écrit que la justice réparatrice vise [TRADUCTION] « à répondre aux besoins immédiats, en particulier à ceux des victimes2», il affirme en outre que la [TRADUCTION] « justice pénale est intrinsèquement axée sur les contrevenants3 », ce qui est à l’origine d’une faille du processus de justice réparatrice qui fait en sorte que les victimes et la société continuent d’être marginalisées. Cette faille tient au fait que les victimes ne sont qu’un accessoire au service d’un système juridique qui considère leurs besoins comme insignifiants, si tant est que leurs besoins soient pris en compte.

Howard Zehr et la chercheuse Mary Achilles font remarquer que même si la justice réparatrice prétend favoriser la participation et l’autonomisation accrues des victimes, la réalité est tout autre. L’une des préoccupations importantes relatives à la justice réparatrice est le peu de considération que les praticiens accordent aux inquiétudes des victimes et des défenseurs des droits des victimes, ainsi que l’absence de prise en compte des opinions des victimes dans l’élaboration et la surveillance des programmes4.

Le renforcement de l’autonomisation et de la résilience est encore plus important compte tenu des besoins des victimes et de leur lien avec la justice réparatrice, car les praticiens bien intentionnés viennent le plus souvent de [TRADUCTION] « milieux de défense des contrevenants5».

Le fait d’attendre des victimes d’actes criminels qu’elles se sentent vues, entendues et soutenues et qu’elles soient conscientes que la justice réparatrice est encore étroitement liée à la défense des droits des contrevenants s’avère très problématique, voire profondément malheureux. Cette problématique est une autre raison pour laquelle la majeure partie des victimes ne demandent pas encore d’avoir recours à la justice réparatrice.

Bien que la plupart des universitaires, des chercheurs et des principaux médias estiment que la justice réparatrice consiste en des rencontres en personne entre la victime et le contrevenant6, M. Zehr, qui croit aux mêmes principes que ceux privilégiés par le Sawbonna, affirme que [TRADUCTION] « elle [la justice réparatrice] ne vise pas d’abord à susciter le pardon et la réconciliation; elle n’est pas destinée en premier lieu à prévenir la récidive ou la répétition des infractions; et elle n’est pas une panacée et elle ne constitue pas nécessairement une alternative au système juridique»7. Qui plus est, la croyance très répandue voulant que la justice réparatrice repose sur des rencontres en personne et sur le pardon peut être considérée comme l’une des raisons les plus importantes pour lesquelles les victimes choisissent très peu souvent d’avoir recours à ce processus. C’est également pour cette raison si la justice réparatrice ne suscite pas de l’intérêt et n’est pas communément acceptée au sein du système juridique.

Comme le souligne M. Zehr, le pardon n’est pas du tout le but de la justice réparatrice. Il faut continuer de contester les préjugés omniprésents dans le contexte de la justice réparatrice selon lesquels les bonnes victimes pardonnent et les mauvaises victimes ne pardonnent pas. Le processus de justice réparatrice axée sur les victimes et inspirée du Sawbonna ne repose point sur les notions limitées et contraignantes qui ont été décrites précédemment. Le Sawbonna n’est pas non plus fondé sur l’action. Le pardon est une action. Le Sawbonna est une façon d’être, et faire partie de l’humanité commune n’exige pas de faire preuve d’héroïsme. L’humanité commune est simplement ce qu’elle est. Pour que les principes d’éthique nécessaires au fonctionnement des systèmes de justice et aux cadres juridiques puissent être appliqués dans le contexte du Sawbonna, les droits de la personne et les droits de l’homme l’emporteront toujours sur les attentes fondées sur la déshumanisation, la culpabilité et la honte.

Le Sawbonna repose entièrement sur le pilier et la perspective de l’être, et l’humanité commune en est la trame. Les antécédents ou les attentes des praticiens ne proviennent pas seulement de leurs expériences de défense des droits des contrevenants, mais sont aussi fréquemment fondés sur des règles et des résultats spécifiques liés à des règles et à des critères rigoureux qui visent à atteindre des objectifs définis par des [TRADUCTION] « experts » et des bailleurs de fonds, de sorte que le fait de remplir certains formulaires, qui sont eux mêmes frappés de délais de prescription, revient à ignorer les très nombreux besoins des victimes.

Autoethnographie : Vous croyez encore en la justice réparatrice?

En 2007, après avoir longtemps souffert du meurtre brutal et impitoyable de mon père qui remontait à 1978, un revirement de situation intéressant s’est produit. L’un des trois meurtriers, celui qui purgeait une peine d’emprisonnement à perpétuité pour avoir assassiné mon père, est entré en contact avec moi. Ce n’est que peu de temps après être sorti de nouveau de prison, où il purgeait une peine pour un tout autre crime, qu’il a communiqué avec moi. J’ai choisi de le rencontrer dans un processus qui serait plus tard appelé un processus [TRADUCTION] « non formel » de justice réparatrice (le fait que les médias et le milieu universitaire considèrent, à tort, la justice réparatrice comme un synonyme de médiation sera également traité dans le présent document). Nous n’avons rempli aucun formulaire. Nous n’avons pas non plus reçu de fonds d’un quelconque organisme gouvernemental même si, à l’époque, j’ignorais que cet homme tirait la majeure partie de son revenu du travail qu’il effectuait pour Service correctionnel Canada auprès de contrevenants qui avaient retrouvé leur liberté.

Jusqu’à cette époque et par la suite, mon travail a consisté à rédiger et publier des livres et à présenter des ateliers et des cours axés sur les traumatismes qui portent sur l’écriture thérapeutique, l’écriture comme moyen de guérison et l’expression personnelle. Le meurtrier de mon père a communiqué avec moi peu de temps après que j’ai remporté un prix de la National Association for Poetry Therapy pour ce travail et pour mon ouvrage intitulé Dance With Your Healing: Tears Let Me Begin to Speak, Poetry and Workbook for Your Healing Words. Faire entendre ma voix, mon histoire et mon récit m’a été salutaire après le meurtre de mon père et continue de me permettre, et de permettre également à mes étudiants et aux participants de mes ateliers, de faire preuve de résilience et d’autonomisation dans un monde de vastes souffrances, de pertes et de trahisons.

Ma rencontre avec cet homme m’a incité à enfin terminer, à l’âge de 50 ans, ma thèse de maîtrise qui s’intitule Sawbonna : Justice as Lived Experience. J’ai utilisé l’autoethnographie comme méthode de recherche, car, comme l’affirme la professeure Kim Etherington, [TRADUCTION] « l’authoethnographie est un style d’écriture et de recherche autobiographique […] qui comprend des éléments du vécu de la personne [et] un certain récit personnel où l’auteur se place lui même dans un contexte social8». C’est précisément ce que j’ai fait dans ma thèse de maîtrise. Jamais je n’aurais pensé qu’une thèse sur l’utilisation du Sawbonna comme un nouveau modèle de justice réparatrice mettrait en lumière l’utilité du Sawbonna pour démontrer qu’une justice réparatrice axée sur les victimes permettrait de résoudre les nombreuses préoccupations complexes, urgentes, importantes et justifiées des victimes, des systèmes judiciaires et de la société dans son ensemble en ce qui a trait à la justice réparatrice et aux avantages qu’elle semble offrir aux victimes, aux contrevenants et à la société.

Ayant passé sa vie à se présenter comme un meurtrier réhabilité et ayant été grassement rémunéré par Service correctionnel Canada, l’homme que j’ai rencontré a essayé de me convaincre que ce n’est pas sa balle qui a tué mon père. Au delà de cette déclaration troublante, il est apparu évident que cet homme n’était plus en phase avec la façon dont nous nous étions connus et qu’il n’avait pas conscience des dommages terribles qu’il avait causés. Il me l’a d’ailleurs démontré en choisissant de monter sur scène pour donner une conférence, qu’il prévoyait présenter avec moi, où il a parlé de lui même sans faire mention de mon père ni de moi. À sa demande, j’étais présente à cette conférence pour le soutenir dans ce que je croyais alors être sa quête pour combler le fossé entre les victimes et les contrevenants.

Cet événement a mis en évidence l’une des raisons pour lesquelles la justice réparatrice en tant que solution miracle consistant en des rencontres joyeuses et en une [TRADUCTION] « bonne utilisation » des fonds publics rompt et limite en fait le champ des possibilités en ce qui concerne la dignité humaine et pour ce qui est de la diversité des motivations et du fait qu’une simple excuse, une possible étreinte et une poignée de main ne constituent pas de l’autonomisation. De plus, l’autonomisation ne doit pas être accordée; elle doit plutôt être choisie. D’ailleurs, de nombreux chercheurs qui soutiennent la justice réparatrice, avec toutes ses définitions et ses interprétations, saluent avec enthousiasme ces [TRADUCTION] « rencontres précieuses ». La rencontre de médiation, qui est souvent fondée sur le fait d’accorder, de recevoir ou de chercher le pardon, est la méthode la plus courante qui fait le plus grand tort à la justice réparatrice (d’où la nécessité d’implanter le modèle inspiré du Sawbonna). Cette rencontre, qui se veut un aboutissement, ne tient pas compte du fait que la vie ne se résume pas au souvenir statique d’un moment dans le temps, mais qu’elle est un processus sans cesse renouvelé de deuil, de perte, de honte et de douleur atroce. Le fait de mettre la théorie en pratique démontre à maintes reprises qu’aucune statistique ou recherche ne peut nous préparer à ce que la théorie ne s’applique pas à la vie réelle.

Récemment, le meurtrier de mon père est décédé et un journaliste a communiqué avec moi pour faire une entrevue sur l’incroyable expérience de justice réparatrice que j’ai vécue avec cet homme. Lors de notre rencontre, à laquelle j’ai choisi de participer parce que je savais que ce journaliste était crédible, je lui ai raconté ce qui s’était passé. Il était abasourdi et surpris. À la fin de notre entretien, il m’a demandé si je croyais encore en la justice réparatrice. Je lui ai alors répondu que j’y croyais et que je croyais en le Sawbonna, mais que je ne croyais pas en le principe qu’il faut ou faudrait faire quelque chose ou aux possibilités de financement, ou encore aux explications et expressions toutes faites en ce qui concerne les mauvaises personnes qui deviennent bonnes et les bonnes personnes qui donnent leur absolution aux mauvaises personnes. Le Sawbonna est en étroite symbiose avec la manière d’inciter la société dans son ensemble à tenir compte de l’humanité commune. Et ce faisant, il démontre comment et pourquoi les dimensions personnelle et politique se recoupent. Le rédacteur en chef de ce journaliste a décidé de ne pas publier son article. Selon le journaliste, son rédacteur en chef s’intéressait à la justice réparatrice axée sur les victimes et à ses alliés, dont il sera question un peu plus loin dans le présent document.

La victime a voix au chapitre

Il est essentiel de comprendre, de définir et de reformuler le sens du terme « victime ». Il appartient à la société de le faire, car la définition actuelle de la notion de victime dans le contexte de la justice réparatrice a une portée et un objectif limités et restrictifs. Les conséquences de cette conception sont perceptibles dans les droits, s’il en est, qui sont conférés aux victimes ou mis à leur disposition. Or, bénéficier de droits sans avoir la capacité de les exercer s’avère futile. Cet argument est d’ailleurs exprimé clairement dans l’ouvrage de Jo Anne M. Wemmers, où la citation suivante de l’écrivain J.L. Dunn est reproduite : « Le statut de victime n’est guère valorisé, en raison de la connotation négative de souffrance et de sacrifice qui lui est associée9.» La souffrance et le sacrifice sont considérés comme une faiblesse, une incapacité et une ignorance, voire une idiotie. Chacun de ces éléments nécessite l’aide et les conseils d’experts qui [TRADUCTION] « savent » ce qui est nécessaire, comment, où et pourquoi. Les victimes d’actes criminels, qui, trop souvent, sont sujettes à la condescendance, réduites au silence et considérées comme non crédibles, à moins, bien sûr, qu’elles pardonnent ou qu’elles soient acceptées par les praticiens de la justice réparatrice, ont choisi de faire entendre leur voix dans les milieux universitaires et politiques afin de redéfinir la dialectique et d’éclairer l’élaboration de politiques.

Deux définitions du terme « victime » seront utilisées pour mettre en contexte la manière dont ce terme est interprété et employé dans le présent document. La première définition est tirée de la Déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux victimes d’abus de pouvoir qui a été rédigée par les Nations Unies :

« On entend par “victime” des personnes qui, individuellement ou collectivement, ont subi un préjudice, notamment une atteinte à leur intégrité physique ou mentale, une souffrance morale, une perte matérielle, ou une atteinte grave à leurs droits fondamentaux, en raison d’actes ou d’omissions qui enfreignent les lois pénales en vigueur dans un État Membre, y compris celles qui proscrivent les abus criminels de pouvoir.

[…] Le terme “victime” inclut aussi, le cas échéant, la famille proche ou les personnes à la charge de la victime directe et les personnes qui ont subi un préjudice en intervenant pour venir en aide aux victimes en détresse et pour empêcher la victimisation10

La deuxième définition du terme « victime » est tirée de la Charte canadiennes des droits des victimes :

« Particulier qui a subi des dommages — matériels, corporels ou moraux — ou des pertes économiques par suite de la perpétration ou prétendue perpétration d’une infraction11. »

Bien que la formulation de ces définitions du terme « victime » soit claire et précise, le plus important est ce qui suit :

« […] Au cours des siècles, son rôle de participant actif, responsable de la plainte et de la poursuite, s’est transformé en celui de témoin. En soulageant la victime du fardeau de la poursuite au criminel, l’État a généralement transformé l’objectif de la poursuite. Le délit n’est plus considéré comme un acte contre la victime, mais plutôt comme un crime commis contre l’État 12. »

Même si la justice réparatrice s’attaque à cette tendance pernicieuse, parce qu’elle a émergé elle aussi du système de justice pénale comme un processus où les liens établis avec les actes criminels commis sont axés sur les contrevenants, les victimes continuent d’être traitées comme des éléments utiles à la réhabilitation des contrevenants au lieu d’être prises en compte et mises à profit dans le but de leur accorder du pouvoir, une voix au chapitre, une capacité d’agir et une capacité de résilience. De plus, une erreur cruciale et troublante est commise, soit celle de travailler dans les limites des délais de prescription, où le temps dont dispose une personne pour surmonter un préjudice et une douleur atroces est traité comme s’il dépendait des dates et des délais fixés par le système juridique.

La justice réparatrice axée sur les victimes et inspirée du Sawbonna met en évidence que ni les délais imposés par les systèmes juridiques ni les délais fixés par les bailleurs de fonds, en vertu desquels les rencontres de médiation et les entretiens formels se tiennent (lesquels sont appelés à tort et compris comme un processus de justice réparatrice), ne s’avèrent utiles pour les victimes. Le pouvoir est intrinsèquement lié aux délais imposés. Le Sawbonna montre comment les victimes choisissent non seulement de trouver et créer l’autonomisation, mais aussi de contester, de réorienter et d’influencer les modifications apportées aux politiques qui restreignent leur capacité d’agir.

Les systèmes de justice et les cadres juridiques reposent sur les concepts juridiques existants, qui s’appuient fermement sur des principes constitutionnels selon lesquels il faut faire preuve de résilience, de ténacité et d’une détermination infaillible pour surmonter tout défi. D’ailleurs, chacune de ces aptitudes est soutenue et nourrie par une communauté de personnes qui choisissent de mettre en pratique les valeurs d’humanité commune et de droits de la personne. Il faut savoir que [TRADUCTION] « le domaine de l’élaboration de politiques est […] là où la psychologie humaine et les systèmes politiques se chevauchent et créent un processus dynamique13 ». Et c’est exactement là que commence la justice réparatrice axée sur les victimes et inspirée du Sawbonna, où la voix, la capacité d’agir, la résilience et l’autonomisation prennent corps. Comme les dimensions personnelle et politique se recoupent, quels que soient les droits qui leur sont « conférés », les victimes vivant leur peine à perpétuité après la perpétration d’un crime peuvent participer activement au processus d’orientation, de reformulation et de transformation de la manière dont la justice vivante est appliquée et de sa signification.

Les Autochtones en détention sont aussi victimes d’un système de justice défaillant

Le présent document est le fruit d’un fascinant exercice où des interactions personnelles, professionnelles, sociétales et politiques ont été étudiées – un exercice complexe qui s’est avéré intéressant. La prise en compte des appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation, ainsi que du Rapport final de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, est au cœur du processus de justice réparatrice inspirée du Sawbonna, qui met l’accent sur les droits de la personne. Ces deux documents font explicitement état des effets effroyables, brutaux et persistants du colonialisme et du génocide des peuples des Premières Nations. Ce faisant, ils indiquent clairement que la surreprésentation odieuse des membres des Premières Nations incarcérés dans les prisons canadiennes est une dure réalité et que le système juridique, tel qu’il est, ne tient pas encore compte de ce phénomène pernicieux.

M. Ivan Zinger a publié récemment un document dans lequel il mentionne que la proportion d’Autochtones purgeant une peine de ressort fédéral dépasse les 30 % et que les femmes autochtones représentent plus de 42 % de la population carcérale féminine. Ces tendances sont qualifiées de « déséquilibres troublants et enracinés » par M. Zinger. Ce dernier a également affirmé ce qui suit : « Il est inacceptable que les Autochtones du pays connaissent des taux d’incarcération de six à sept fois supérieurs à la moyenne nationale. Il faut prendre des mesures audacieuses et urgentes pour régler l’un des problèmes les plus persistants et les plus urgents en matière de droits de la personne au Canada14. »

Une partie de ceux qui causent des préjudices ont été eux mêmes victimisés brutalement et emprisonnés en raison de l’héritage colonial et du génocide culturel. Les victimes font des victimes, et la roue tourne. De plus, si les victimes ne peuvent pas ou ne veulent pas participer à des rencontres en personne, aussi appelées des rencontres de médiation ou des entretiens, le processus de justice réparatrice axée sur les victimes et inspirée du Sawbonna offre quant à lui une autre solution. Le Sawbonna est le fait et l’acte d’une humanité commune. Il sous entend la prise en compte des appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation.

Dans les appels à l’action nos 25 à 42, sous la rubrique « Justice », la Commission de vérité et réconciliation explique clairement ce qu’il faut faire pour remédier au problème de la surreprésentation des membres des Premières Nations dans les populations carcérales. Dans l’appel à l’action no 30, il est clairement demandé ce qui suit : « Nous demandons aux gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux de s’engager à éliminer, au cours de la prochaine décennie, la surreprésentation des Autochtones en détention et de publier des rapports annuels détaillés sur l’évaluation des progrès en ce sens15. »

D’ailleurs, la section 5.11 des appels à la justice contenus dans le rapport final de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées indique ce qui suit : « Nous demandons à tous les gouvernements de favoriser l’accès à des pratiques juridiques efficaces et adaptées à la culture en élargissant la portée des programmes de justice réparatrice et le nombre de tribunaux populaires autochtones16. »

Un grand pourcentage de ceux qui causent des préjudices ont été eux mêmes victimisés brutalement et emprisonnées en raison de l’héritage colonial et du génocide culturel. Ce fait marquant et préoccupant mérite d’être répété : les victimes qui font des victimes créent un cercle vicieux et douloureux qui doit être rompu. De plus, si les victimes ne veulent pas ou ne peuvent pas participer à des rencontres en personne, aussi appelées des rencontres de médiation ou des entretiens, le processus de justice réparatrice axée sur les victimes et inspirée du Sawbonna offre quant à lui une autre solution. Le Sawbonna est le fait et l’acte d’une humanité commune. Cette humanité commune signifie que l’on peut et l’on doit corriger un système de justice pénale défaillant et un système juridique qui relègue encore les victimes au rang d’acteurs au service d’un système qui les laisse tomber et les déçoit grandement. Cette faille a d’ailleurs des répercussions sur l’ensemble de la société, non seulement sur ceux qui ont été lésés et sur ceux qui ont causé des préjudices, mais aussi sur ceux qui doivent vivre avec les conséquences de l’ignorance, du rejet et de la dissimulation.

Dans ce contexte, la notion de réconciliation désigne une action simple et directe qui consiste en des mots simples, des cœurs heureux et des poignées de main. Or, la réalité est tout autre. Le temps, le processus et les petites démarches qu’il comporte doivent être commencés, puis arrêtés, ce qui exige des négociations et des renégociations sans fin et constitue un éternel recommencement. Le processus de justice réparatrice axée sur les victimes et inspirée du Sawbonna montre comment résoudre ce problème urgent d’une importance cruciale.

Recommandations : La maison de guérison Theodore’s Place et les alliés

Contrairement aux modèles, aux conceptions et aux définitions actuels de la justice réparatrice, la justice réparatrice axée sur les victimes et inspirée du Sawbonna est un processus complexe, dans lequel, strate par strate, les victimes parlent de droits de la personne et d’humanité commune au sein des systèmes juridiques et dans les contextes judiciaires, ce qui les place au premier plan et met en évidence la nécessité de leur demander ce qu’elles veulent.

La justice réparatrice axée sur les victimes et inspirée du Sawbonna prend du temps. Il ne s’agit pas d’une simple action ponctuelle dans le cadre de la procédure et des règles régissant les rencontres en personne. Toutefois, si les victimes souhaitent participer à une rencontre en personne, elles ne devraient pas avoir à respecter un délai obligatoire ou prescrit pour demander et tenir une telle rencontre. Qui plus est, d’autres mesures de soutien, dont le financement de programmes visant à permettre la tenue de ce type de rencontres, lorsque cela est possible, devraient également être mises en place. Le financement, les procédures pour remplir les formulaires requis et l’approbation des personnes autorisées à s’engager dans cette voie devraient être gérés par un grand nombre de personnes, de groupes et d’organismes diversifiés qui tiennent compte des traumatismes et qui sont axés sur la personne.

Le Sawbonna est une approche multidimensionnelle qui est axée sur la croissance et qui repose sur le récit, la voix et le vécu des victimes, qui, au fil du temps, se développent et évoluent sans cesse en fonction non seulement de la douleur et du traumatisme atroces découlant d’un crime, mais aussi en fonction de la relation qu’ont les victimes avec les systèmes juridiques et les paradigmes de la justice.

Les principaux facteurs qui déterminent la façon dont la justice réparatrice inspirée du Sawbonna se déroule et les éléments sur lesquelles elle repose comprennent, sans s’y limiter, les facteurs énumérés dans la liste suivante. Chacun de ces facteurs est tiré de ma thèse de maîtrise intitulée Sawbonna: Justice as Lived Experience :

  1. Le Sawbonna est une célébration de la résilience (p. 6).
  2. Le Sawbonna laisse entendre que le parcours d’un chercheur dépend grandement de la société et de la culture (p. 7).
  3. Le Sawbonna exprime concrètement comment la justice vient directement du cœur, des tripes et de l’intellect (p. 7).
  4. Le Sawbonna n’énonce pas de préceptes limitatifs, n’est pas lié à une histoire personnelle et à un moment précis dans le temps et n’est pas assujetti à des règlements rigoureux (p. 12).
  5. Le Sawbonna est un processus continu dans lequel l’autonomisation des relations est éclairée par la conception de contenus tels que des conférences, des ateliers, des cours et des exposés qui permettent d’étudier la manière dont nous pouvons vivre ensemble au quotidien (p. 12).
  6. Les moyens d’entamer un dialogue avec les adeptes du Sawbonna ou de discuter de ce modèle sont conçus en partie en fonction du fait que la confiance doit être gagnée (p. 12).
  7. La valeur fondamentale du Sawbonna est l’autonomisation (p. 12).
  8. L’acceptation des émotions intenses, des questions abondantes, des larmes, des rires et des injures, ainsi que le puissant sentiment de savoir que le processus de participation avec et sur la victimisation guident les interactions et sont l’une des forces du Sawbonna (p. 12).
  9. Parce que le Sawbonna est expérientiel et inclusif et parce qu’il invite et inspire le choix d’assumer une responsabilité personnelle, il ne dépend pas d’une rencontre en personne entre la victime et le contrevenant (p. 12).
  10. Le Sawbonna est un système dans lequel le dialogue est appelé à se développer parce qu’il est conceptualisé avec la vision de vivre en harmonie avec soi même (p. 13).
  11. La clé du Sawbonna réside dans le fait que même si vivre harmonieusement est un cadeau positif et enrichissant que nous nous offrons à nous mêmes et que nous offrons aux autres, cela ne signifie pas qu’il faut ignorer et nier la colère, la honte et la culpabilité. Cela signifie plutôt qu’il faut vraiment se connecter à nos émotions et sentiments authentiques et les exprimer dans des contextes ouverts, sûrs et favorables (p. 13).
  12. Le Sawbonna consiste à voir l’essence d’un autre individu, sa complexité, y compris la bonté, la valeur, la beauté, l’angoisse, la frustration et la colère. Il ne s’agit pas seulement d’une définition particulière ou d’une sanction sociétale (p. 13).
  13. Le Sawbonna tient compte du fait que les victimes, les contrevenants, les intervenants, la communauté, la société, c’est à dire tout le monde, sont responsables de leur relation avec ce qui constitue le pouvoir (p. 13).
  14. Le fondement du Sawbonna est que la justice nous concerne tous. Qui plus est, nos croyances et la manière dont nous choisissons de réagir à tous les types d’interactions quotidiennes façonnent les normes, les vérités et les attentes que nous avons dans nos relations les uns avec les autres, ainsi que nos attentes quant à la façon dont la justice (y compris la justice réparatrice axée sur les victimes) devrait être vécue (p. 13 14).
  15. Le Sawbonna préconise un engagement général et peu structuré ainsi qu’un dialogue permanent, afin que nous puissions explorer les profondeurs et les zones d’ombre et de richesse qui nous habitent en exposant et en élucidant ce que nous avons tous en commun en tant qu’êtres humains (p. 14).
  16. Le Sawbonna encourage les individus à réfléchir à des moyens précis d’assumer la responsabilité de leurs pensées et de leurs actions (p. 15).

L’autonomisation, la résilience et l’établissement de relations sont des aspects essentiels de la justice réparatrice axée sur les victimes et inspirée du Sawbonna. En effet, [TRADUCTION] « [l]e Sawbonna part du principe que la subjectivité est valable et utile sur le plan de la justice. Cependant, il ne s’agit pas de n’importe quel type de subjectivité; le Sawbonna fait référence à la subjectivité qui oriente, invite et inclut la valeur sous jacente de l’interrationalité17

Le fait que les progrès, les politiques et les ressources sont essentiels à la justice réparatrice axée sur les victimes et inspirée du Sawbonna signifie qu’il est indispensable de construire des lieux de rencontre pour les victimes. La maison de guérison pour les survivants d’actes criminels appelée Theodore’s Place est l’une de ces possibilités18. Theodore’s Place est actuellement une maison de guérison virtuelle pour les survivants d’actes criminels.

[TRADUCTION]
Theodore’s Place, une maison virtuelle de guérison pour les survivants d’actes criminels, se veut un lieu concret, un sanctuaire de guérison où l’on peut se rencontrer, un sanctuaire de guérison où toutes les émotions, toutes les idées et toutes les visions, les passions et les opinions se retrouvent, débordant de force vitale.

Parce que Theodore’s Place est synonyme de justice, de voix, de résilience et de guérison, la création d’une communauté est essentielle. La communauté de Theodore’s Place est une véritable mine de connaissances, pas de simples connaissances. Le savoir faire de Theodore’s Place est mis en pratique et communiqué dans le creuset du Sawbonna.  

Le Sawbonna invite, inspire et stimule la capacité d’agir en créant ce forum ouvert où la camaraderie est le carburant qui alimente notre passion pour la justice – la justice en tant qu’expérience vécue et vivante, où le cœur de l’intellect et l’intellect du cœur orientent toutes nos actions afin que le changement que nous souhaitons voir dans le monde devienne réalité19

Pour combler les gouffres de la douleur presque insurmontable, de l’angoisse, de la colère et de la rage, qui peuvent souvent imprégner et influencer la vie après un crime (tel qu’un crime dont on a soi même été victime ou dont un être cher a été victime, ou encore un crime que l’on a commis), il faut mettre l’accent sur l’établissement de relations, ainsi que sur la recherche et la création de lieux, d’espaces et de possibilités pour trouver des alliés et être soi même un allié. Qui plus est, des relations de base au sein d’une communauté de soutien dotée d’une vision et d’un engagement en faveur d’une humanité commune, sont d’une nécessité absolue.

L’établissement de relations personnelles dans le but de créer des espaces, des lieux et des possibilités pour parler du Sawbonna suppose que l’on puisse remettre en question la notion de « nous » par rapport à celle de « système juridique » et à la croyance en ce dernier, et que l’on soit capable de le faire. Cette remise en question est possible parce que la reconnaissance du recoupement entre les dimensions personnelle et politique, qui est ancrée dans le creuset de la confiance, encourage la diversité des voix, des récits, des connaissances et des expériences. Ainsi, il est possible de commencer à surmonter et de continuer à travailler pour briser, lentement et respectueusement, les barrières et les limites de la peur, de la honte, de l’angoisse, de la colère et de la souffrance, lesquelles barrières mettent en évidence les différences au lieu de favoriser les similitudes. Il s’agit d’un choix qui est fondé sur le soutien et sur des renseignements qui favorisent, et non exigent, des relations et des rapports, et ce, même s’ils sont difficiles et frustes. Le Sawbonna montre la voie. Comprendre que les dimensions personnelle et politique se recoupent nous permet de nous orienter dans le territoire des alliés.

Les dimensions personnelle et politique se recoupent. La poésie est un exercice à la fois personnel et politique. La poésie de Lee Maracle, de l’île de la Tortue, est le creuset dans lequel la justice réparatrice axée sur les victimes et inspirée du Sawbonna est profondément ancrée, porteuse de possibilités et d’espoir, à la fois pour ceux qui ont causé de graves préjudices et pour ceux qui ont souffert de la brutalité, de la criminalité et de la justice, où les générations portent le traumatisme et la possibilité d’agir de manière décisive en faisant preuve de clarté et d’engagement pour construire des ponts, franchir des gouffres et dire la vérité. Comme l’a déclaré le sénateur Murray Sinclair sur les ondes de CBC, [TRADUCTION] « la vérité vous libérera, mais elle vous mettra d’abord en colère ». Les victimes sont en colère, tout comme les contrevenants, les décideurs politiques, les universitaires et les chercheurs. La justice réparatrice axée sur les victimes et inspirée du Sawbonna perçoit cela comme un riche terreau dans lequel on peut puiser pour parler de ce que Lee Maracle écrit au sujet de la justice et pour que des alliés se forment :

[traduction]
La justice est une braise ardente
qui brûle lentement et facilement.
Un brasier rempli d’espoir,
d’espoir pour notre humanité.


Notre brasier est en quête de liens
avec tous les êtres.
La justice nous invite à nous embraser
vivement tous ensemble20.

Les alliés, qui s’efforcent d’orienter, de réformer et de transformer la manière dont le crime crée des gouffres dans des paradigmes d’opposition, dans lesquels les êtres humains et l’humanité commune sont confinés dans des couches de division et de déshumanisation, offrent un moyen efficace de faire face à la douleur, au chagrin et à l’injustice, même les plus pénibles.

Que faire dès maintenant pour les victimes?

Le processus de compréhension de la justice réparatrice comporte plusieurs niveaux. Tout au long du présent document, j’ai évoqué et décortiqué les significations et les relations diverses et variées de la justice réparatrice. J’ai également expliqué comment la justice réparatrice axée sur les victimes et inspirée du Sawbonna peut profiter aux victimes, aux décideurs politiques, aux universitaires et aux praticiens. J’ai mis en évidence plusieurs raisons importantes pour lesquelles la justice réparatrice n’est pas acceptée massivement même si elle est à ce point enrichissante et essentielle qu’elle permettrait aux victimes d’actes criminels, et à la société dans son ensemble, de trouver de l’espoir et un sens dans le système de justice. D’ailleurs, dans la dernière section du présent document, je me pencherai sur les mesures qui peuvent être prises dès maintenant – tout de suite – pour aider les victimes. La définition de la justice réparatrice que j’utiliserai est celle qui correspond à ce que l’on peut appeler des rencontres en personne ou de la médiation entre la victime et le contrevenant.

Les recherches menées tant par le gouvernement canadien que par des universitaires montrent que les victimes d’actes criminels peuvent bénéficier des processus de justice réparatrice. Une distinction claire est établie entre les processus de justice réparatrice et les processus généraux en soulignant la différence fondamentale qui existe entre la réparation et le châtiment21, puisque la capacité d’agir et de faire des choix fait partie des moyens que peuvent utiliser les victimes pour trouver la guérison et la satisfaction à différents degrés et de diverses façons.

Dans ce domaine, on observe un problème flagrant : les victimes d’actes criminels ne disposent pas de suffisamment d’information sur leur droit d’obtenir des renseignements sur les programmes de justice réparatrice auxquels elles ont accès, ainsi que sur la manière dont ces programmes sont mis en œuvre, le moment et le lieu où ils le sont, et les circonstances dans lesquelles ils sont offerts, le cas échéant. Selon la Charte canadienne des droits des victimes, « [t]oute victime a le droit, sur demande, d’obtenir des renseignements en ce qui concerne […] les services et les programmes auxquels elle a accès en tant que victime, notamment les programmes de justice réparatrice22. » À l’heure actuelle, il est nécessaire de fournir des renseignements sur la justice réparatrice axée sur les victimes et inspirée du Sawbonna et il est nécessaire d’exiger que de tels renseignements soient fournis. Dès leurs premières interactions avec le système de justice, les victimes devraient recevoir de l’information sur ce qu’est la justice réparatrice axée sur les victimes et inspirée du Sawbonna, sur la façon d’y avoir accès, sur la manière de l’utiliser et sur les endroits où trouver du soutien. En outre, un droit ne s’accompagne pas nécessairement d’une obligation de l’exécuter. Dès à présent, le gouvernement doit imposer par la loi non seulement le droit de demander des renseignements sur la justice réparatrice axée sur les victimes et inspirée du Sawbonna, mais aussi l’obligation juridique de fournir de tels renseignements. Comme l’affirme l’auteure Jo‑Anne M. Wemmers, « [l]es gouvernements aiment bien accorder des droits sans recours, mais ils ne font pas grand‑chose pour améliorer le sort des victimes23».

Cette situation est directement liée au fait qu’il est nécessaire d’injecter des fonds dans les programmes de justice réparatrice axée sur les victimes et inspirée du Sawbonna, les programmes actuels et la création de programmes et d’installations dans les différents comtés pour ces programmes. D’ailleurs, selon la quatrième recommandation formulée lors de la réunion fédérale provinciale territoriale des ministres responsables de la justice et de la sécurité publique, qui s’est tenue à Terre Neuve et Labrador en 2018, il est effectivement nécessaire de former et d’éduquer les gens sur la justice réparatrice. Il est non seulement possible d’offrir une telle formation dès maintenant, mais, dans le contexte de la justice réparatrice axée sur les victimes et inspirée du Sawbonna, cette formation doit mettre l’accent sur les droits de la personne et la notion de bonne relation et faire disparaître la problématique de la justice réparatrice axée sur le contrevenant.

Il a été démontré que les victimes d’actes criminels tirent des avantages de leur participation aux processus de justice réparatrice ou de médiation24, lesquels avantages sont étroitement liés à leur capacité d’agir et de faire des choix. Cette capacité est d’ailleurs l’un des éléments essentiels pour qu’une victime d’actes criminels puisse commencer à retrouver un sens à sa vie. Il est essentiel que les victimes connaissent les processus de justice réparatrice ou de médiation et qu’elles soient en mesure de se renseigner sur ceux‑ci. La capacité de choisir de participer ou non à de tels processus a une double signification : des ressources sont mises à la disposition des victimes pour leur permettre d’accéder à cette possibilité et d’en prendre connaissance, et le fait d’apprendre à connaître le Sawbonna signifie que les victimes comprennent qu’elles font partie d’une vision des droits de la personne selon laquelle elles ne sont pas obligées d’être ou de faire une action en particulier pour que leurs besoins soient comblés. Pour que chacun de ces besoins puisse être satisfait, il faut disposer d’un financement, d’un financement uniforme dans l’ensemble du Canada.

À l’heure actuelle, la construction d’un centre de guérison pour les victimes d’actes criminels est non seulement possible, mais aussi grandement nécessaire. Après un traumatisme causé par un crime, « […] [l]a victime a souvent besoin d’une aide […] pour réussir à intégrer l’expérience à sa vie […] [et] tout ceci nécessite l’investissement de ressources substantielles afin que toutes les victimes reçoivent l’assistance médicale, psychologique et sociale [dont elles ont besoin]25». Les centres de guérison qui tiennent compte des traumatismes emploient un personnel qualifié qui comprend que les rencontres en personne ou de médiation ne sont pas le but de la justice réparatrice. Le but doit plutôt être d’adopter des « approches […] [qui] s’efforcent de traiter les traumatismes et les résultats de santé connexes de façon réfléchie par l’entremise de modalités de soins de santé précises26».

Conclusion : La justice a une dimension personnelle et politique

La vision de la justice réparatrice axée sur les victimes et inspirée du Sawbonna est claire. Ce processus ne prescrit pas les actes que devraient ou doivent poser les victimes d’actes criminels ou la façon dont elles doivent s’y prendre. Selon ce processus, les acteurs du système de justice pénale doivent d’abord demander aux victimes ce qu’elles veulent et ce dont elles ont besoin pour guérir et obtenir justice. Si cette démarche requiert une rencontre en personne avec l’auteur ou les auteurs du crime, il convient d’organiser une telle rencontre, car celle ci est susceptible d’entraîner une véritable transformation et des résultats qui pourraient être moins punitifs. La justice réparatrice axée sur les victimes et inspirée du Sawbonna est claire : le châtiment, la vengeance et le fait de reléguer des êtres humains au rang d’objets en punissant le contrevenant et en façonnant un programme politique axé sur l’ignorance et la négation des droits des contrevenants et en considérant ces moyens de lutter contre la criminalité comme des services rendus aux victimes ne peuvent être tolérés et sont tout à fait injustes.

Il est primordial de mettre l’accent sur le renforcement des mesures de soutien qui sont mises à la disposition des victimes, comme les centres de guérison où les traumatismes sont traités, ainsi que les services d’aide en santé mentale offerts gratuitement à long terme. Les victimes d’actes criminels sont des décideurs politiques et des acteurs du changement, mais aussi des citoyens d’un pays. Les principes d’éthique sur lesquels repose la justice réparatrice axée sur les victimes et inspirée du Sawbonna reconnaissent qu’en demandant aux victimes ce qu’elles veulent, certaines pourraient répondre qu’elles veulent que les auteurs de crimes soient enfermés et qu’on jette la clé ou que la peine de mort soit rétablie. Or, en raison des principes d’éthique fondamentaux sur lesquels s’appuie une nation, ces demandes, bien que comprises et respectées, ne sont pas acceptables. Le Sawbonna insiste sur les valeurs d’humanité commune et de droits de la personne que toute société doit respecter et mettre en pratique.

[TRADUCTION]
La résilience ne dormira pas

Dans mon armure lourde,
victime de ton sang versé prématurément,
le renouveau chuchote. Pendant de trop, trop
longues années, l’injustice m’a tenue prisonnière.
Maintenant, un autre appel se fait entendre.
Je ne peux plus accepter le silence.27


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1 Zehr, Howard. Little Book of Restorative Justice: A Bestselling Book by One Of The Founders Of The Movement. Intercourse, PA: Good Books, 2002. Page 65

2 Zehr, Howard, Changing Lenses: Restorative Justice for Our Times. Kitchener, ON: Herald Press, 2015. Page 203

3 Zehr, Howard, Changing Lenses: Restorative Justice for Our Times. Kitchener, ON: Herald Press, 2015. Page 233

4 Achilles, Mary. “Can restorative justice live up to its promise to victims?”, in H. Zehr and B. Towes, (eds) Critical Issues in Restorative Justice. Monsey, NY: Criminal Justice Press, 2004. Page 49

5 Achilles, Mary. “Can restorative justice live up to its promise to victims?”, in H. Zehr and B. Towes, (eds) Critical Issues in Restorative Justice. Monsey, NY: Criminal Justice Press, 2004. Page 49

6 Johnstone, Gerry and Daniel W. Van Ness. Eds. Handbook of Restorative Justice. Portland, OR: Willan Publishing, 2007. Page 399

7 Zehr, Howard. Little Book of Restorative Justice: A Bestselling Book by One Of The Founders Of The Movement. Intercourse, PA: Good Books, 2002. Page 65

8 Etherington, Kim. Becoming a Reflexive Researcher: Using Our Selves in Research. London, England: Jessica Kingsley Publishers, 2004. Page 140

9 Wemmers, Jo-Anne M. Victimology: A Canadian Perspective.  Toronto, ON: University of Toronto Press, 2017. Page 2

10 UN General Assembly, 1985, Art 1-2, in Victimology, 4

11 Department of Justice Canada, 2015a, in Victimology, 4

12 Wemmers, Jo-Anne M. Victimology: A Canadian Perspective.  Toronto, ON: University of Toronto Press, 2017. Page 16

13 Ferrara, Nadia. In Pursuit of Impact: Trauma and Resilience Informed Policy Development. Maryland, US: Lexington Books, 2018. Page 7

14 Zinger, Ivan. Indigenous People in Federal Custody Surpasses 30%. Ottawa, ON: Government of Canada, 2020.

15 The Truth and Reconciliation Commission of Canada. Calls to Action. Report, Winnipeg: The Truth and Reconciliation Commission of Canada, 2012.

16 The Final Report of the National Inquiry into Murdered and Missing Indigenous Girls and Women. Calls to Action. Report, Ottawa: The Final Report of the National Inquiry into Murdered and Missing Indigenous Girls and Women, 2019.

17 Van Sluytman, Margot. Dance With Your Healing, Tears Let Me Begin to Speak: Poetry and Workbook for Your Healing Words. Peterborough, ON: Palabras Press, 2006. Page 37

18 Van Sluytman, Margot. “Theodore’s Place Healing Home for Crime Survivors: A Promise Kept”, The Justice Report, Volume 34, November 2019. Page 48-49

19 Theodore’s Place Healing Home for Crime Survivors: http://theodoresplace.org/open-table/

20 Maracle, Lee, Columpa Bobb, Tania Carter. Hope Matters. Toronto: ON: Book*Hug Press, 2019. Page 77

21 Glynes Elliott, Kari. Restorative Justice: Research and Statistics Division, Research Brief. Justice Canada: 2019. Page 1

22 Canadian Victims Bill of Rights: http://canlii.ca/t/53gxx

23 Wemmers, Jo-Anne M. Victimology: A Canadian Perspective.  Toronto, ON: University of Toronto Press, 2017. Page 136

24 Department of Justice, Canada. Restorative Justice: The Experiences of Victims and Survivors. https://www.justice.gc.ca/eng/rp-pr/cj-jp/victim/rd11-rr11/p5.html, 2018.

25 Wemmers, Jo-Anne M. Victimology: A Canadian Perspective.  Toronto, ON: University of Toronto Press, 2017. Page 152

26 Department of Justice, Canada. Trauma-(and Violence-) Informed Approaches to Supporting Victims of Violence: Policy and Practice Considerations. https://www.justice.gc.ca/eng/rp-pr/cj-jp/victim/rd9-rr9/p2.html, 2018.

27 Van Sluytman, Margot. The Other Inmate: Mediating Justice, Mediating Hope: Poetry and Workbook for Restorative Practices. Calgary, AB: Palabras Press, 2008. Page 17