Canada's Justice System

Qu’est-ce qu’une infraction contre l’administration de la justice?

Une infraction contre l’administration de la justice est un type précis de violation de la loi. Ce type d’infraction est habituellement commis lorsque des conditions imposées avant la tenue d’un procès ou des peines associées à une déclaration de culpabilité précédente ne sont pas respectées. En voici des exemples : ne pas respecter les conditions d’une mise en liberté, ne pas comparaître en cour et ne pas se conformer à une ordonnance d’un tribunal.

Il est important d’établir une distinction entre les conditions visant expressément un accusé et les conditions imposées pour assurer la sécurité d’une victime ou de la société en général.

Le débat public concernant les infractions contre l’administration de la justice porte principalement sur le délinquant et l’accumulation des types de manquements aux conditions qui, en apparence ou dans les faits, n’ont pas d’incidence sur la victime, par exemple le défaut de comparaître en cour. Toutefois, dans toute discussion sur les infractions contre l’administration de la justice, il est important de se rappeler que les victimes peuvent aussi subir les conséquences des manquements aux conditions et qu’il faut tenir compte de leur bien-être. Un manquement à une ordonnance de non-communication ou à d’autres formes de conditions de protection peut certes avoir une incidence sur la victime, mais il faut également reconnaître que d’autres types de manquements, par exemple le fait de ne pas se présenter en cour, peuvent aussi avoir des répercussions sur la victime. La préparation à une comparution en cour est exigeante pour une victime, notamment sur le plan émotionnel. La victime doit se remémorer le crime et consacrer du temps à se préparer, ce qui peut l’obliger à s’absenter du travail et lui occasionner une perte de revenus. Quand une victime se prépare et prend congé inutilement, cela perturbe sa vie et ses émotions. De plus, le fait de ne pas se présenter en cour représente un fardeau pour le système de justice pénale, qui est déjà surchargé.

En cas de manquement aux conditions imposées pour assurer la sécurité d’une victime, il faut agir de façon décisive. Lorsqu’un tel manquement se produit et qu’une personne est accusée et déclarée coupable d’une infraction contre l’administration de la justice, cela peut servir à mettre en place les conditions nécessaires pour assurer la sécurité de la victime ou à justifier la détention de la personne coupable.

Considérations
  • En 2014-2015, il y avait environ 75 000 causes d’infractions contre l’administration de la justice devant les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes, ce qui représente 23 p. 100 de toutes les causes1
  • Selon l’établissement des coûts préparé par le ministère de la Justice du Canada en 2009, le coût annuel total subi par le système pour ces infractions s’élève à environ 730 millions de dollars.
    • Cette estimation comprend les coûts relatifs aux services de police, aux poursuites, à l’aide juridique, aux tribunaux et aux établissements correctionnels. Cependant, elle ne tient pas compte des coûts supportés par les victimes (par exemple, les soins de santé, les pertes de productivité, les frais d’avocat et les services d’aide).2
  • Certaines infractions contre l’administration de la justice peuvent avoir un lien avec les problèmes auxquels font face les populations marginalisées ou vulnérables au sein du système de justice pénale. Par exemple, les peuples autochtones habitant dans les collectivités éloignées peuvent ne pas être en mesure de se rendre dans une ville distante où se trouve le tribunal, ce qui occasionne un nombre disproportionné d’infractions liées au défaut de comparaître.3 Ces types d’accusations alourdissent considérablement le casier judiciaire d’une personne. Selon certaines recherches, ces infractions peuvent être considérées comme un facteur lié à la surreprésentation des peuples autochtones dans le système de justice pénale.4
  • Une partie considérable du temps des tribunaux sert à traiter des accusations liées à l’administration de la justice.
  • Certains soutiennent que des conditions standards peuvent imposer un fardeau irréaliste si on ne met pas en place des mesures d’aide adéquates (par exemple, exiger que la personne ne consomme pas de substances illicites alors qu’elle a un problème de dépendance).
  • Certains recommandent la possibilité d’avoir recours à la déjudiciarisation et aux mesures de soutien pour les infractions contre l’administration de la justice, comme mesure de rechange au dépôt de nouvelles accusations criminelles.5
Participant Perspective

    La section Points de vue des participants donne un aperçu des commentaires que nous avons reçus en personne, par écrit ou au téléphone.

IMPOSITION DE CONDITIONS PERTINENTES
  • Les victimes et les intervenants avec qui nous nous sommes entretenus ont dit comprendre que les infractions contre l’administration de la justice touchent de façon disproportionnée les populations marginalisées qui sont déjà aux prises avec plusieurs obstacles socioéconomiques connexes liés à la pauvreté, à l’invalidité et à la santé mentale.
  • Bien que les conditions puissent servir à protéger la population et à assurer la sécurité du public en général, les participants ont souligné qu’il est important que notre système ne laisse pas de côté les causes fondamentales du crime, comme les problèmes de toxicomanie et de santé mentale, et n’amplifie pas ces causes par une suite sans fin d’accusations pour non-respect des conditions. Cette multiplication des accusations ne fait qu’imposer un fardeau supplémentaire à un système de justice déjà engorgé.
  • Le système de justice pénale doit être mieux outillé afin de comprendre pourquoi les manquements ont été commis. Par exemple, la personne qui a commis le manquement a-t-elle agi ainsi parce qu’elle n’avait pas l’argent ou le moyen de transport requis pour s’acquitter d’une obligation, ou parce qu’elle souhaitait maintenir son comportement nocif?
SÉCURITÉ DES VICTIMES ET CONFIANCE DU PUBLIC
  • « Ne sous-estimons pas la gravité des infractions contre l’administration de la justice. »
  • Les participants nous ont dit que dans les cas de crimes graves contre la personne, les victimes aimeraient pouvoir donner leur avis sur les conditions (par exemple, la mise en liberté sous caution et la libération conditionnelle) et avoir la possibilité de demander au tribunal la modification des conditions nécessaires à leur sécurité.
  • Les victimes et les intervenants ont affirmé que les conditions peuvent jouer un rôle important dans la sécurité des victimes et du public, et que les manquements à ces conditions doivent faire l’objet de mesures, en particulier dans les cas de violence grave contre la personne. Sans mesures d’application fiables, la confiance envers le système de justice et la volonté de signaler les manquements ou d’autres actes criminels pourrait être compromises.
  • « À moins que le système démontre qu’il les comprend et qu’il les protégera adéquatement, beaucoup de victimes hésitent à signaler les manquements répétés parce que [la personne qui leur a fait du mal] sait que la victime doit détenir une preuve abondante, ce qui n’est pas toujours possible sur le moment. »
  • Nous devons être conscients des conditions imposées en ce qui concerne la victimisation des enfants. L’examen de la jurisprudence et des affaires devant les tribunaux, ainsi que des conditions et des résultats, révèle que lorsque les gens sont accusés de nouveau en raison d’un manquement à des conditions dans les cas de cette nature, il s’agit d’un signal d’alarme et d’un indicateur important de risque supplémentaire (par exemple, dans les cas où la personne n’a pas respecté une condition en se trouvant dans des parcs et à proximité d’écoles parce qu’elle tentait encore de s’approcher d’enfants).
INFORMATION FOURNIE AUX VICTIMES
  • « …un manquement important et prouvable (survenu après la déclaration de culpabilité, pendant que le délinquant attendait la détermination de la peine)… Malgré ce que je percevais comme très menaçant, et en dépit de la preuve abondante dont il disposait, un procureur de la Couronne a inexplicablement décidé de ne pas intenter de poursuite concernant le manquement. L’absence de sensibilité de la Couronne m’a aussi troublée lorsque je n’ai pas été informée à l’avance : A) de la décision de la Couronne relativement à ce manquement ni de la raison de cette décision et B) de la date du procès. De plus, j’ai appris les résultats du procès d’un ami qui avait lu un article à ce sujet (dans le journal). »
  • Les participants nous ont indiqué clairement que le système doit être plus proactif pour aviser les victimes dans les cas où l’information est essentielle à leur sécurité, entre autres :
    • les manquements aux ordonnances de protection (par exemple, les engagements à ne pas troubler l’ordre public et les ordonnances de protection civile);
    • les manquements aux conditions de mise en liberté sous caution assorties de dispositions visant la protection des victimes;
    • les manquements aux ordonnances de probation assorties de dispositions visant la protection des victimes.
  • En particulier, dans les cas de violence familiale et d’agression sexuelle, les manquements doivent être perçus comme présentant un degré de risque suffisant pour justifier la prise de mesures d’application.
  • Les victimes doivent être avisées de façon proactive de tout changement aux conditions imposées à une personne accusée ou déclarée coupable.
TRANSFORMATION DU SYSTÈME
  • Les participants ont souligné que le système n’est pas suffisamment souple et uniforme pour assurer la sécurité des victimes.
    • Dans les cas de violence familiale, nous avons souvent entendu que les victimes jugent que le système de justice est imprévisible et incohérent. Lorsque des femmes souhaitaient réellement que des accusations soient portées pour des manquements à des conditions administratives, aucune accusation n’était portée. Par contre, lorsque des femmes ne voulaient pas que le délinquant aille en prison, les tribunaux poursuivaient activement le délinquant pour violation du droit de visite.
  • Personne ne défend les intérêts des victimes.
  • « Puisque la Couronne fait uniquement valoir l’intérêt du public et n’est pas l’avocat personnel de la victime, la victime est traitée comme un simple témoin… La Couronne s’appuie seulement sur le témoignage de la police et ne va pas plus loin… Il faut mettre en place une entité légale disposant de pouvoirs égaux à ceux de la Couronne pour assurer la sécurité et la défense des victimes, au lieu de laisser la police, la Couronne ou le juge de paix déterminer ce qui est sécuritaire ou non pour les victimes en ce qui concerne les restrictions et les manquements aux conditions. »
Recommendations and otpions

Cette section présente des recommandations et propose des options au gouvernement fédéral en ce qui concerne les infractions contre l’administration de la justice. Les recommandations ont été élaborées après avoir examiné attentivement diverses sources de données, y compris les points de vue des participants, l’expérience et les travaux antérieurs du Bureau, des rapports de recherche et des analyses documentaires.

INFORMER LES VICTIMES ET SENSIBILISER LE PUBLIC
  • Veiller à ce que la victime soit informée des conditions imposées à la personne accusée ou condamnée, et qu’elle soit avertie en cas de manquement.
  • Faire en sorte qu’il soit obligatoire d’informer la victime de tous les manquements aux conditions de mise en liberté imposées pour assurer sa sécurité.
  • Financer l’éducation et la formation du public sur les ordonnances de protection et les violations de ces ordonnances, y compris l’éducation sur la coordination entre les ordonnances civiles et pénales et sur la façon d’obtenir et de signifier des ordonnances de protection ex parte. Financer aussi l’éducation sur la marche à suivre pour obtenir des ordonnances de protection d’urgence dans les réserves.
PRÉVOIR DES SOLUTIONS DE RECHANGE DANS CERTAINES CIRCONSTANCES
  • Permettre aux victimes de demander au tribunal et à la commission des libérations conditionnelles de modifier certaines conditions pour assurer leur sécurité.
  • Permettre à la police de ramener directement devant le tribunal les personnes qui ne respectent pas des conditions de mise en liberté sous caution ou une ordonnance de probation, afin de déterminer la raison du manquement. S’il existe une explication valable justifiant le manquement (par exemple, un changement d’emploi qui empêche la personne mise en liberté de se présenter à un agent de la paix au moment voulu pour faire rapport), donner la possibilité au tribunal d’examiner et de modifier les conditions pour qu’elles soient appropriées et raisonnables.
  • Envisager des solutions de rechange pour les jeunes et certains adultes – en particulier ceux faisant partie des populations vulnérables – afin que certaines infractions ne soient pas portées devant les tribunaux, mais soient dirigées vers des services d’aide mieux adaptés pour traiter les problèmes de santé mentale et de toxicomanie et d’autres facteurs socioéconomiques. Par exemple, examiner la possibilité d’élargir des modèles comme les tribunaux de la santé mentale afin de diriger les personnes vers l’aide dont elles ont besoin.
  • Permettre aux collectivités de participer à l’élaboration des conditions.
FAIRE EN SORTE QUE LES CONDITIONS DE PROBATION TIENNENT COMPTE DE LA SÉCURITÉ DES VICTIMES
  • Certaines dispositions du Code criminel sur les conditions de probation pourraient traiter expressément de la question de la sécurité des victimes. Si le juge chargé de déterminer la peine était tenu de prendre en considération la sécurité de la victime, et s’il était indiqué que ces conditions visaient à assurer la sécurité de la victime, cela permettrait de déterminer plus facilement les manquements aux conditions devant être considérés comme une infraction criminelle.
RECUEILLIR ET PARTAGER DES DONNÉES
  • Mettre en place un registre national des ordonnances de protection auquel les services de police, les organismes de justice pénale et les organismes de protection de l’enfance auraient accès. Grâce à un tel registre, les intervenants de partout au Canada seraient au courant des conditions de protection en vigueur et pourraient prendre des mesures en cas de manquement.
  • Mieux coordonner la collecte de données sur le nombre d’ordonnances de protection en vigueur dans les cas de violence familiale et sur l’efficacité de ces ordonnances dans la prévention d’autres actes violents.

Endnotes

1 Statistique Canada, Jordan : Statistiques relatives aux délais au sein du système de justice pénale, avril 2017, consulté en juillet 2017 http://www.justice.gc.ca/fra/pr-rp/jr/pf-jf/2017/apr01.html.

2 Ministère de la Justice du Canada, Les coûts du système de justice liés aux infractions contre l’administration de la justice au Canada, 2009, Division de la recherche et de la statistique, janvier 2013.

3 Canada, Groupe sur les tendances, p. 8.

4 Mylène Magrinelli Orsi et Sébastien April, Les infractions contre l’administration de la justice chez les Autochtones : la perspective des fonctionnaires de la Cour, ministère de la Justice du Canada, 2013.

5 Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, Sénat du Canada, Justice différée, justice refusée : L’urgence de réduire les longs délais dans le système judiciaire au Canada (rapport final), juin 2017, p. 138-141.