Recommandations au gouvernement
Une partie importante du mandat du BOFVAC
est de conseiller directement le gouvernement
fédéral. Pour ce faire, nous comparaissons devant
des comités parlementaires et donnons des
recommandations aux ministres du Cabinet.
Cette année, nous avons présenté 35 mémoires
et lettres au gouvernement, qui comprenaient
80 recommandations distinctes. Nous avons
également soumis un mémoire à la rapporteuse
spéciale des Nations Unies sur la violence
contre les femmes concernant l’augmentation
des cas de violence familiale causée par la
pandémie de COVID-19.
Nos recommandations appuient l’objectif
de notre mandat qui consiste à cerner les
problèmes systémiques et émergents qui ont
des répercussions négatives sur les victimes
d’actes criminels. Ces recommandations
mettent l’accent sur les droits des victimes,
la violence fondée sur le sexe, la prévention
de la violence et la réconciliation.
Renforcement des droits des
victimes au Canada
Les victimes d’actes criminels nous font
souvent part de leurs plaintes relatives à des
violations de leurs droits. En plus d’apporter
un soutien direct aux victimes, l’ombudsman
porte certaines questions liées à ces violations
à l’attention de hauts fonctionnaires au
moyen de lettres.
Cette année, l’ombudsman a écrit aux
personnes suivantes.
- La commissaire de la Gendarmerie royale
du Canada. L’ombudsman a indiqué que
la GRC ne faisait pas le suivi du nombre
de renvois à des services d’aide aux
victimes ni des plaintes des victimes au
sujet de l’atteinte à leurs droits par des
membres de la force. L’ombudsman a
souligné la nécessité d’une surveillance
communautaire renforcée des enquêtes
sur les agressions sexuelles par la GRC et
ses comités d’examen des enquêtes sur les
agressions sexuelles.
- La présidente de la Commission des
libérations conditionnelles du Canada.
L’ombudsman a souligné que les victimes
ont le droit de savoir pourquoi la CLCC
n’impose pas de restrictions géographiques
à un délinquant lorsque les victimes le
demandent pour des raisons de sécurité.
L’ombudsman a recommandé que la CLCC
offre de la formation à ses membres sur la
nécessité de fournir par écrit les raisons de
leur décision dans les cas où une condition
demandée n’est pas imposée.
- Le ministre de la Sécurité publique et
de la Protection civile. L’ombudsman
a informé le ministre que le BOFVAC
avait reçu de nombreuses plaintes selon
lesquelles la CLCC ne tenait pas compte
du bien-être psychologique des victimes lors de l’imposition des conditions de
libération conditionnelle. L’ombudsman
a recommandé que le nom de la victime
figure dans les ordonnances de noncommunication.
L’ombudsman a également
recommandé qu’on impose des restrictions
géographiques aux délinquants afin de
protéger les victimes.
- En plus de souligner les violations des
droits des victimes prévus dans la CCDV,
l’ombudsman a souvent fait remarquer
la portée limitée de la CCDV. Pour cette
raison, les besoins de nombreuses victimes
ne sont pas pris en considération. En
2020, l’ombudsman a écrit à de hauts
fonctionnaires quant à la nécessité de tenir
compte des préoccupations des victimes
lors de l’élaboration des politiques et de
l’intervention en situation de crise. Par
exemple, le BOFVAC a écrit une lettre au
conseiller spécial du premier ministre
relativement au vol PS752 d’Ukraine
International Airlines, après l’écrasement
tragique du vol, causé par des missiles
iraniens. La lettre attirait son attention
sur les besoins et les préoccupations
des Canadiens qui sont victimes d’actes
criminels à l’étranger, et qui n’ont pas
accès aux mêmes mesures et services de
soutien que les victimes au Canada.
- Le ministre de la Sécurité publique et
de la Protection civile et le président de
la Commission de l’immigration et du
statut de réfugié. L’ombudsman leur a
écrit au sujet du manque de droits pour
les victimes de délinquants étrangers
faisant l’objet d’une mesure de renvoi. Le
BOFVAC a reçu de nombreuses plaintes de
victimes qui n’avaient pas été informées
du processus de renvoi dans pareils cas.
Le processus actuel cause des souffrances
inutiles et manque de transparence.
Par ailleurs, le dépôt du projet de loi C-3 a
donné à l’ombudsman l’occasion d’aborder
les problèmes généraux touchant les victimes
d’actes criminels qui déposent des plaintes. Le
projet de loi proposait des changements à la
Commission civile d’examen et de traitement
des plaintes relatives à la GRC, notamment
de lui confier la responsabilité de surveiller
les activités de l’Agence des services frontaliers
du Canada.
L’ombudsman a recommandé plusieurs
améliorations au projet de loi. L’ombudsman
a présenté au ministre de la Sécurité publique
et de la Protection civile un mémoire faisant
état de plusieurs problèmes liés au traitement
des victimes d’actes criminels par la GRC,
y compris le non-respect de leur droit à
l’information. Ces problèmes ont été mis en
évidence par les préoccupations exprimées
par des victimes de la fusillade de masse
survenue à Portapique, en Nouvelle-Écosse,
en avril 2020.
Finalement, le projet de loi n’a pas été adopté.
« À l’échelle fédérale, nous avons l’obligation de nous pencher surles façons d’adopter une approche plus compatissante en matière d’application de la loi, qui tient compte des traumatismes et de la violence. Ce faisant, nous pourrons humaniser le système de justice pénale, ce qui profitera à tous les Canadiens. »
— Heidi Illingworth,
Projet de loi C-3 : Loi modifiant laLoi sur la Gendarmerieroyale du Canadaet laLoi sur l’Agence des services frontaliers du Canadaet apportant des modificationscorrélatives à d’autres lois
Pandémie de COVID-19
La COVID-19 a obligé la plupart des Canadiens
à rester chez eux. Nos maisons sont censées
être des lieux de sûreté et de sécurité, mais
pour certains, elles sont des lieux de peur et
de violence. La COVID-19 a exacerbé la violence
fondée sur le sexe et la violence familiale, car le
confinement a obligé de nombreuses victimes
à rester à proximité de leurs agresseurs
pendant de longues périodes.
Cette année, nous avons présenté un mémoire
qui abordait cette question et mettait en
lumière la pandémie « fantôme » de la
violence fondée sur le sexe et de la violence
familiale. Ces types de violence ne sont pas
seulement un problème social. Il s’agit aussi
d’une question de santé publique. Au fur et
à mesure que le Canada élabore son plan de
rétablissement post-pandémie, il doit inclure
des stratégies de prévention de la violence.
Le BOFVAC a fait les recommandations suivantes
à l’administratrice en chef de la santé publique
du Canada, la Dre Theresa Tam, au ministre de la
Défense nationale, l’honorable Harjit Sajjan, et au
premier ministre de l’Alberta, Jason Kenny, ainsi
que dans un mémoire présenté à la rapporteuse
spéciale des Nations Unies sur la violence contre
les femmes, Dubravka Šimonovic :
- mettre en place des programmes de
sensibilisation communautaire qui
enseignent des mécanismes d’adaptation
plus sains et des stratégies de résolution
des conflits non abusives;
- mener des activités de sensibilisation du
public au moyen d’infographies, et faire
équipe avec les membres de l’Initiative de
lutte contre la violence familiale de l’Agence
de la santé publique du Canada et ceux du
Centre national d’information sur la violence
dans la famille pour fournir les connaissances
et les outils nécessaires à la prévention;
- appliquer une perspective sexospécifique
dans tous les efforts de préparation,
d’intervention et de rétablissement relatifs à
la COVID-19, y compris une solide analyse de
la diversité pour s’assurer que personne
n’est laissé pour compte;
- faire entendre les voix des femmes et
des enfants autochtones, des femmes
handicapées, des nouveaux arrivants, des
femmes et des enfants réfugiés et des
membres de la communauté 2SLGBTQIAA+.
« Cette pandémie a mis en évidence les
nombreuses inégalités auxquelles font face les
personnes les plus vulnérables à la violence, celles
qui sont marginalisées et surreprésentées en tant
que victimes. Ces circonstances constituent un
moment idéal pour renouveler notre engagement
à améliorer la façon dont les victimes sont traitées,
car le travail que nous effectuons pour améliorer
les résultats pour les victimes n’est pas terminé. »
— Heidi Illingworth,
Moment de réflexion : Semaine des victimes
et survivants d’actes criminels, 2020
Violence fondée sur le sexe
et violence familiale
La violence fondée sur le sexe et la violence
familiale concernent tout le monde. Le
BOFVAC s’est engagé à faire entendre la voix
des victimes et des survivants. Le Canada a
besoin de mesures législatives et de politiques
plus strictes pour minimiser la violence
fondée sur le sexe et la violence familiale.
L’année dernière, nous avons mis en lumière
certains des problèmes systémiques qui soustendent
ces types de violence. L’ombudsman
a envoyé des lettres à la ministre des Aînés,
l’honorable Deb Shulte, et au ministre de
la Justice et procureur général du Canada,
l’honorable David Lametti, et a comparu devant
le Comité permanent de la justice et des droits
de la personne de la Chambre des communes.
Le BOFVAC a soumis au Comité un mémoire
sur les répercussions du contrôle coercitif, car il
est souvent précurseur de comportements plus
violents dans les relations intimes. Les lettres,
la comparution et le mémoire portaient sur
les thèmes généraux suivants :
- élaborer une approche de santé publique
pour répondre à la maltraitance des
personnes âgées au Canada, y compris des
mesures de d’éducation et de prévention,
en plus d’adopter une loi stipulant que
la maltraitance des personnes âgées
constitue une infraction au Code criminel;
- créer une nouvelle infraction liée au
contrôle coercitif;
- former un groupe de travail fédéralprovincial-
territorial chargé d’examiner les
lois et les politiques relatives à la violence
entre partenaires intimes et de veiller à
ce qu’elles soient cohérentes dans tout le
Canada, dans la mesure du possible;
- abroger l’article 43 du Code criminel, qui
autorise un adulte à employer la force pour
corriger un enfant lorsque les circonstances
sont « raisonnables ».
« Les victimes et les survivants méritent
un accès à la justice qui leur fait souvent
défaut en raison des limites de notre
cadre législatif. En apportant
les modifications nécessaires au
Code criminel, nous améliorerons la
sécurité des femmes et des enfants.
De plus, nous éliminerons les
restrictions dans la reconnaissance des
comportements de contrôle coercitif
que vivent les policiers dans leurs
interventions lors de situations de
violence conjugale. Selon mon point de
vue et mon expérience de travail direct
auprès des victimes et des survivants,
il est temps de combler cette
lacune législative. »
— Heidi Illingworth,
Lettre adressée à l’honorable David Lametti au
sujet d’une mesure législative visant à faire du
contrôle coercitif une infraction au Canada
Femmes et filles autochtones
disparues et assassinées
Pour que le Canada progresse vers la
réconciliation, il doit veiller à ce que les
activités des organismes communautaires
et locaux dirigés par des Autochtones
reçoivent un financement adéquat. Cela
comprend la mise en oeuvre de pratiques
de guérison autochtones visant à restaurer
la culture et l’identité. En donnant la priorité
aux organismes, aux pratiques de guérison
et à l’identité autochtones, on améliorera
la relation brisée entre les collectivités
autochtones et le gouvernement fédéral.
Le BOFVAC a fait les recommandations
suivantes à la ministre des Relations Couronne-Autochtones, l’honorable Carolyn Bennett, et à la commissaire du SCC, Anne Kelly :
- mettre en place des sources de
financement durables pour les organismes
locaux et communautaires dirigés par des
Autochtones, qui soutiennent les victimes
d’actes criminels et les membres de leur
famille, afin de leur donner les moyens
d’agir et de répondre aux besoins de
leur collectivité;
- veiller à ce que les pavillons de ressourcement
aient une programmation régionale qui
reconnaît les détenus autochtones et les
aide véritablement à renouer avec leur
histoire, leur culture et leur identité
spirituelle spécifiques;
- offrir aux Aînés autochtones une
rémunération financière afin d’encourager
leur participation à la détermination
de l’aptitude du détenu à vivre dans
leur collectivité.
« C’est au coeur des collectivités
autochtones que se trouve la clé pour
garantir le bien-être des Autochtones.
L’approche qui consiste à veiller à ce que
les organismes autochtones disposent
des ressources dont ils ont besoin pour
fournir des services qui respectent la
culture est donc celle qui convient le plus,
compte tenu des traumatismes subis par
les Autochtones, puisqu’elle reconnaît la
nécessité de décoloniser les services et de
soutenir un changement systémique. »
— Heidi Illingworth,
Lettre adressée à l’honorable Carolyn Bennett
au sujet d’un financement durable pour les
organismes dirigés par des Autochtones
Prévention de la violence
On sait que les mesures de prévention et
d’intervention en matière de violence, comme les
organismes communautaires et les programmes
de sensibilisation, contribuent à réduire les
taux de violence et de haine. Le gouvernement
fédéral doit fournir un financement accru aux
organismes de prévention et d’intervention afin
de réduire les taux de violence liée aux armes à
feu et à la haine.
En plus de présenter des mémoires concernant
les discours haineux en ligne au ministre
de la Sécurité publique et de la Protection
civile, l’honorable Bill Blair, et au secrétaire
parlementaire du ministre de la Justice et
procureur général du Canada, Arif Virani, le
BOFVAC a fait les recommandations suivantes
à Brenda Lucki et Brian Brennan, respectivement
commissaire et sous-commissaire de la GRC,
et à l’honorable Bill Blair :
- établir un partenariat entre Sécurité
publique Canada et le Centre canadien
de la statistique juridique de Statistique
Canada dans le but d’investir dans la
collecte de données supplémentaires sur
les collectivités les plus à risque du Canada
relativement aux chemins qui mènent à
la violence, et plus particulièrement le lien
entre les facteurs socioéconomiques et la
violence commise à l’aide d’armes à feu;
- faire en sorte que Sécurité publique
Canada fournisse un financement durable
aux organismes communautaires pour
qu’ils puissent offrir un soutien aux
victimes par l’entremise de centres de
résilience qui traitent les victimes, les
survivants et les membres de leur famille,
leurs amis et les collectivités touchées par
la violence armée;
- accroître la collecte de données sur les
comportements en ligne afin de surveiller
les discours haineux.
« Nous devons prévenir les expériences
négatives pendant l’enfance et nous
attaquer aux conditions sociales qui
conduisent à la criminalité afin d’aider
les collectivités à renforcer leur résilience
et leur capacité à l’échelle locale. »
— Heidi Illingworth,
Lettre à l’honorable Bill Blair sur la prévention
de la victimisation attribuable à l’utilisation
d’armes de poing.