Breadcrumb trail

  1. Accueil
  2. Publications
  3. Réorienter la conversation

Réorienter la conversation

Comment recentrer le système de justice du Canada
Réorienter la conversation Réorienter la conversation
Au cours des années, et certainement au cours des derniers mois, on a assisté à un vaste débat public sur les avantages et les inconvénients d'un programme de répression sévère du crime, la question étant de savoir si un tel programme aurait une incidence positive concrète sur les victimes d'actes criminels au Canada.

Établir les priorités Établir les priorités
Quels sont donc les besoins et les préoccupations des victimes? Que peut-on faire pour y répondre? Par où commencer?

Information à l'intention des victimes Information à l'intention des victimes
L'un des droits les plus fondamentaux que devrait posséder une victime est celui d'être informée, notamment au sujet de ses droits, du système de justice pénale et du délinquant qui leur a causé un préjudice.

Véritable  participation des victimes au système de justice pénale Véritable participation des victimes au système de justice pénale
Le rôle des victimes est très limité dans le système correctionnel et de mise en liberté sous condition actuel.

Soutien concret aux victimes Soutien concret aux victimes
Selon des études récentes, les coûts économiques et sociaux tangibles des infractions prévues par le Code criminel au Canada ont totalisé environ 31,4 milliards de dollars en 2008...

Rééquilibrer le système de justice pénale du Canada La voie de l'avenir – Rééquilibrer le système de justice pénale du Canada
Le moment est venu au Canada de réorienter la conversation de façon à ce que l'accent ne soit plus mis sur la gestion des délinquants, mais sur des réponses directes aux besoins des victimes.
  • Qui sommes-nous

    Créé en 2007, le Bureau de l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels (BOFVAC) est un organisme fédéral indépendant qui vient en aide aux victimes d'actes criminels et à leur famille.

    Le BOFVAC répond directement aux appels téléphoniques, aux courriels et aux lettres des victimes d'actes criminels et veille à ce que le gouvernement fédéral s'acquitte de ses responsabilités envers les victimes. Nos tâches consistent donc à :

    • Informer les victimes au sujet des programmes et des services fédéraux mis à leur disposition;
    • Entendre les plaintes formulées par les victimes à l'endroit de ministères, organismes ou employés fédéraux ou concernant les lois ou les politiques fédérales;
    • Diriger les victimes vers les programmes et les services offerts dans leur ville ou leur province qui sont susceptibles de les aider;
    • Cibler les questions qui ont une incidence négative sur les victimes et formuler des recommandations à l'intention du gouvernement fédéral sur la façon d'améliorer ses politiques et ses lois afin de mieux répondre aux besoins des victimes;
    • Sensibiliser les responsables de l'élaboration des lois et des politiques fédérales aux besoins et aux préoccupations des victimes;
    • Promouvoir les principes établis dans la Déclaration canadienne de 2003 des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité auprès des décideurs et des responsables de l'élaboration des politiques.

    Les expériences dont les victimes et les autres Canadiens font part au BOFVAC aident ce dernier à mieux comprendre les problèmes auxquels sont confrontées les victimes au Canada.

    Si vous êtes victime d'un acte criminel ou si vous aidez une victime et que vous avez des questions ou une plainte à formuler concernant une loi, une politique, un programme ou un service fédéral, n'hésitez pas à communiquer avec nous.

    [TRADUCTION]
    Notre système de justice pénale est une réponse de la société à un délinquant à qui elle dit : « Vous avez contrevenu à la loi et nous vous tiendrons responsable, nous vous punirons et nous vous offrirons des services pour vous aider à vous réadapter, à vous réintégrer dans la société et à retourner dans la collectivité en tant que membre productif de la société. » Laissée à l'écart, la victime se demande : « Et moi alors? » Les victimes d'actes criminels ne reçoivent aucune réponse comparable de la part de la société. Il n'y a aucune déclaration de responsabilité de la collectivité qui indique : « Ce qui vous est arrivé est condamnable et nous vous aiderons à rebâtir votre vie. » Leurs besoins étant rarement satisfaits, les victimes ont le sentiment d'être victimes également du processus lui-même et d'être oubliées.

    —Marjean Fichtenberg, mère d'une victime de meurtre et militante des droits des victimes

  • Réorienter la conversation

    Au cours des années, et certainement au cours des derniers mois, on a assisté à un vaste débat public sur les avantages et les inconvénients d'un programme de répression sévère du crime, la question étant de savoir si un tel programme aurait une incidence positive concrète sur les victimes d'actes criminels au Canada.

    Certains soutiennent que l'imposition de jugements plus sévères et de peines d'emprisonnement plus longues réduirait le nombre de criminels dans les rues et, par conséquent, le nombre de futures victimes, tout en rendant justice aux victimes qui ont déjà souffert.

    Femme sur les escaliers avec la tête dans ses bras.

    D'AUTRES, qui favorisent un modèle axé sur la prévention et la réadaptation, estiment qu'il faut augmenter le nombre de programmes pour les délinquants et accorder plus d'importance aux problèmes de santé mentale. Ils appellent à la prudence quant à la logique de la création d'un modèle trop semblable à celui des États-Unis, qui n'a pas permis jusqu'à maintenant de dissuader les criminels ou d'améliorer la sécurité des collectivités. On fait également valoir qu'il ne suffit pas de gérer les délinquants et que, en dépit des déclarations publiques, le système de justice ne répond pas aux véritables besoins et préoccupations des victimes ni ne les prend sérieusement en considération.

    Peu importe les arguments invoqués des deux côtés, il reste que, malgré toutes les bonnes intentions, la discussion sur les victimes tourne principalement autour des délinquants. Les enjeux concernant ces derniers sont importants, mais ils ne touchent pas les besoins fondamentaux des victimes. Nous devons recentrer notre attention et aborder de front la question du traitement des victimes et du soutien qui leur est offert au lieu de nous demander en quoi la gestion et la condamnation des délinquants peuvent – ou ne peuvent pas – répondre aux besoins des victimes.

    Le fait de mettre l'accent sur les victimes ne signifie pas qu'il faut négliger les autres parties du système. En fait, cette façon de faire peut et devrait renforcer l'ensemble du système de justice pénale. À tout le moins, il est possible que les victimes qui ont confiance dans le système soient plus susceptibles de signaler des crimes, ce qui favorise le processus. De plus, cette véritable participation des victimes peut servir à éclairer et à renforcer les décisions importantes prises en matière de peines et de mise en liberté sous condition. Après tout, le système de justice pénale devrait défendre les valeurs canadiennes de respect, d'équité, de dignité et d'inclusion. Dans cette optique, nous devons nous demander si nous respectons ces normes lorsqu'il s'agit des victimes.

    Jeune femme en dehors à regarder au loinPersonne ne choisit d'être une victime. La victime qui décide de dénoncer le délinquant qui s'en est pris à elle se retrouve dans le système de justice pénale sans vraiment savoir comment il fonctionne. Or, contrairement aux délinquants, les victimes ont peu de droits au sein du système et encore moins de possibilités d'y participer véritablement. Les très rares droits dont elles jouissent existent seulement dans les textes législatifs sur les services correctionnels, lesquels sont axés sur le délinquant. Il n'y a pas de loi fédérale distincte qui vise le traitement et l'inclusion des victimes au Canada. En d'autres termes, aucune loi ne vise précisément à assurer que les victimes soient traitées équitablement et avec dignité. En conséquence, certaines victimes ont le sentiment de devenir victimes du processus lui-même. Dans les faits, le système est adapté à la gestion des délinquants et à la sécurité communautaire et, bien que ces aspects soient extrêmement importants, la victime doit se démener pour obtenir plus de renseignements, de droits, de soutien et de possibilités de participer au système.

    La création d'un système correctionnel fédéral efficace est un élément clé de toute collectivité sûre. Cet important exercice ne peut être réalisé sans tenir compte des besoins des victimes. Il faut cependant un meilleur équilibre. À tout le moins, le traitement et les droits des victimes devraient être équivalents à ceux des délinquants. Or, ce n'est pas le cas actuellement au Canada. En effet, les droits, les privilèges et l'attention dont jouissent les délinquants dépassent largement ceux dont bénéficient les victimes. Pour remédier à ce déséquilibre, nous devons accorder une plus grande importance aux préoccupations et aux besoins de celles-ci.

    EN FAIT, NOUS DEVONS RÉORIENTER LA CONVERSATION.


    [TRADUCTION]
    L'idée de punir pour punir repose sur la notion que la société doit se venger du délinquant, peu importe que les torts causés à la victime soient réparés ou que la collectivité soit rendue plus sûre et plus forte. Le système de justice pénale doit plutôt rétablir les victimes et les collectivités dans la situation où elles se trouvaient avant le crime et leur donner des moyens d'action tout en tenant les délinquants responsables de leurs actes et en favorisant la réadaptation .

    —Marc Levin, Esq., Treating Texas Crime Victims as Consumers of Justice (Austin, Tex.: Texas Public Policy Foundation, Center for Effective Justice, mars 2010), p. 3. Voir www.texaspolicy.com/pdf/2010-03-PP03-victimsconsumers-ml.pdf.

  • Établir les priorités

    Quels sont donc les besoins et les préoccupations des victimes?
    Que peut-on faire pour y répondre?
    Par où commencer?

    Des chercheurs, des universitaires et des groupes de victimes de partout dans le monde se sont employés à mieux définir les besoins des victimes.

    Femme regardant par la fenêtre.

    BIEN QUE CES BESOINS PUISSENT VARIER LÉGÈREMENT SELON LA SOURCE, les catégories définies par l'Association internationale des chefs de police en donnent un aperçu utile Footnote 1 :

    • la sécurité
    • l'information
    • la continuité
    • la justice
    • le soutien
    • l'accès
    • la participation

    Depuis son ouverture en 2007, le Bureau de l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels (le BOFVAC) a consigné les questions et les plaintes des victimes et a parlé à des milliers de victimes et d'organismes d'aide aux victimes dans l'ensemble du Canada au sujet de leurs préoccupations et des aspects frustrants du système canadien actuel, ainsi que de leurs idées concernant les améliorations qui pourraient lui être apportées.

    Compte tenu de son mandat, le BOFVAC s'intéresse uniquement aux questions qui relèvent du pouvoir fédéral, comme la notification, la communication de renseignements et les lacunes des programmes, politiques, lois et services fédéraux qui concernent les victimes. Le BOFVAC ne s'occupe donc pas de la qualité et de la disponibilité des services offerts par les provinces, comme l'indemnisation et le counseling. Il ne sera donc pas question de ces priorités dans le présent document. Il faut noter cependant que la disponibilité et l'étendue de ces services de soutien continuent d'être une source de frustration et de difficultés pour les victimes, d'autant plus que les services qui leur sont offerts varient d'une province ou d'un territoire à l'autre.

    Homme plus âgé avec des cheveux blancsDans le cadre de discussions, un vaste éventail de questions et de plaintes a été porté à l'attention du BOFVAC. Bien qu'il soit impossible de traiter chacune d'entre elles dans un seul rapport, certains thèmes et certains enjeux ressortent constamment, peu importe le crime commis et les circonstances. Le BOFVAC a choisi de s'attarder à trois thèmes clés parmi ceux-ci :

    1. la nécessité, pour les victimes, d'avoir plus de renseignements;
    2. le désir des victimes de participer véritablement au processus de justice pénale;
    3. l'importance du soutien financier.

    Afin de valider davantage ses conclusions et dans le cadre de la rédaction du présent rapport, le BOFVAC a fait parvenir les thèmes et les recommandations qu'il proposait à plus de 40 organismes d'aide aux victimes, défendeurs des droits des victimes et victimes de partout au Canada, qui ont manifesté leur intérêt à participer aux discussions sur les futures recommandations de l'Ombudsman.

    Les réponses reçues par le BOFVAC semblaient indiquer que les intervenants appuyaient fortement, dans l'ensemble, les thèmes et les recommandations proposés. Ces réponses ont convaincu le BOFVAC qu'il était sur la bonne voie pour faire entendre davantage la voix des victimes auprès du gouvernement fédéral.

  • Information à l'intention des victimes

    L'un des droits les plus fondamentaux que devrait posséder une victime est celui d'être informée, notamment au sujet de ses droits, du système de justice pénale et du délinquant qui leur a causé un préjudice.

    La possibilité de fournir des renseignements à la victime commence dès le moment où elle devient une victime. Aussi, la police a un rôle très important à jouer dans l'expérience de la victime, notamment en lui fournissant des renseignements et en la dirigeant vers des services lorsque cela est possible.

    Femme regardant au loin.

    IL EST EXTRÊMEMENT IMPORTANT que la victime dispose de cette information dès le début. Toutefois, étant donné que le présent rapport traite uniquement de questions relevant de l'administration fédérale et que les services de police au Canada relèvent à la fois de la compétence des municipalités, des provinces, des territoires et du fédéral, nous ne nous étendrons pas sur l'efficacité du travail des policiers. Il convient cependant de signaler qu'il s'agit des premiers répondants et qu'il est donc essentiel que les organismes d'application de la loi reçoivent la formation appropriée et qu'ils disposent des outils et des lois nécessaires pour aiguiller et informer les victimes.

    En ce qui concerne les victimes qui doivent continuer à progresser dans le système de justice parce que le délinquant qui leur a fait du tort est condamné à une peine de deux ans ou plus, leur capacité d'obtenir des renseignements au sujet du délinquant est très limitée. En fait, les victimes ont très peu de droits à des renseignements et ne peuvent obtenir le peu de renseignements auxquels elles ont accès que si elles s'inscrivent d'abord en bonne et due forme auprès du gouvernement du Canada.

    Il y a deux problèmes majeurs avec ce modèle :

    1. la victime doit savoir qu'elle doit s'inscrire, ce qui bien souvent n'est pas le cas;
    2. il incombe à la victime de trouver l'information appropriée et de communiquer avec le gouvernement pour entreprendre le processus d'inscription.

    Vieux homme regardant droit devantMalgré tous les efforts déployés et les diverses campagnes d'information menées, il demeure difficile de sensibiliser le public à l'obligation de s'inscrire lorsqu'on devient victime d'un acte criminel. Comme personne ne s'attend à devenir une victime, cette information, qui n'est généralement pas pertinente au moment où elle est diffusée, est souvent rapidement oubliée. Le processus peut être lourd pour les personnes qui sont entrainées dans le système de justice pénale malgré elles. À cela s'ajoute le stress émotionnel et physique; il n'est donc pas étonnant que les victimes échappent certains renseignements, comme l'obligation de s'inscrire.

    Une fois que les victimes savent qu'elles doivent s'inscrire, il leur incombe de trouver le ministère fédéral compétent et d'entreprendre la procédure d'inscription. Bien que cela ne semble pas constituer un fardeau énorme en soi, cette tâche s'ajoute à une liste de priorités de plus en plus nombreuses à la suite d'une perte terrible. La perspective d'avoir à remplir encore des formulaires et la nécessité d'expliquer pourquoi vous êtes une « victime » peuvent en décourager plusieurs.

    Les victimes qui s'inscrivent ont le droit de recevoir seulement des renseignements très limités :

    • le nom du délinquant;
    • l'infraction de laquelle il a été déclaré coupable et le tribunal qui l'a condamné;
    • la durée de la peine que le délinquant purge et la date à laquelle il a commencé à la purger;
    • les dates d'admissibilité et d'examen applicables au délinquant relativement aux permissions de sortir et à la libération conditionnelle.

    Dans certains cas, les victimes peuvent également obtenir les renseignements ci-après si la Commission des libérations conditionnelles du Canada (la CLCC) ou le Service correctionnel du Canada (le SCC) le juge approprié :

    • l'âge du délinquant;
    • l'adresse du pénitencier où la peine est purgée;
    • le cas échéant, la date à laquelle le délinquant obtiendra une permission de sortir, un placement à l'extérieur, une libération conditionnelle ou une libération d'office;
    • la date de toute audience relative à une mise en liberté sous condition;
    • toute condition rattachée à la permission de sortir, au placement à l'extérieur, à la libération conditionnelle ou à la libération d'office et le fait que le délinquant se trouvera ou non à proximité de la victime pendant qu'il se rendra à cette destination;
    • le fait que le délinquant est sous garde et, dans le cas contraire, la raison pour laquelle il ne l'est pas;
    • le nom de la province où est situé l'établissement correctionnel provincial auquel le délinquant a été transféré.

    Pourquoi les victimes ont-elles besoin de ces renseignements? À quoi servent ces renseignements?

    Les victimes peuvent avoir besoin de ces renseignements ou vouloir les obtenir pour diverses raisons, notamment pour préparer la déclaration la plus pertinente et la plus efficace possible ou pour prendre les mesures nécessaires afin d'assurer leur propre sécurité dans l'éventualité où le délinquant serait libéré.

    Les victimes savent que dans la plupart des cas, le délinquant sortira un jour de prison et elles veulent être au courant des progrès qu'il a faits, le cas échéant, en vue de sa réhabilitation. À l'heure actuelle, les victimes ne sont au courant de rien. Elles n'ont accès à aucun renseignement concernant la participation du délinquant à un programme correctionnel et ne sont pas avisées des mesures disciplinaires prises contre le délinquant. En général, les victimes n'ont aucune information sur les progrès du délinquant; elles ignorent s'il a suivi des ateliers ou pris des mesures en vue de sa réhabilitation ou au contraire, s'il a continué à avoir des comportements ou des tendances violentes ou criminelles. Il est impossible pour elles de savoir si le délinquant s'est efforcé de comprendre pourquoi il a agi comme il l'a fait.

    Ces renseignements sont utiles aux victimes lorsqu'elles préparent leur déclaration en vue des audiences de libération conditionnelle. Privées de renseignements concernant l'évolution du délinquant, les victimes ont souvent l'impression de travailler dans le noir. La préparation d'une déclaration adéquate peut s'avérer difficile, notamment pour certains proches qui veulent se présenter pour donner une voix à la personne chère qui n'est plus capable de s'exprimer par elle-même.

    Selon les études menées sur la question, le fait que les victimes aient accès à ce type de renseignements favorise leur processus de guérison. Les spécialistes ont fait savoir qu'en plus de contribuer au besoin des victimes de se sentir plus en sécurité, ces renseignements concernant le plan de traitement du délinquant et sa progression dans le système correctionnel peuvent aider certaines victimes à surmonter leurs tourments psychologiques et à accroître de façon directe leur satisfaction à l'égard de la procédure judiciaire. Footnote 3 En outre, elles ont l'impression que la participation du délinquant au système de justice aura permis d'éviter à une victime innocente de vivre une expérience semblable. Footnote 4

    Les victimes peuvent aussi vouloir ces renseignements pour assurer leur propre sécurité. À l'heure actuelle, la victime n'aura que les détails suivants une fois que le délinquant a été libéré : l'émission d'un mandat d'arrestation contre le même individu, son arrestation, et l'endroit où il est détenu. En dehors de cela, on ne lui communique pas de renseignements supplémentaires au sujet du délinquant comme les raisons spécifiques pour les manquements aux conditions de sa libération conditionelle. En outre, on ne l'informe pas des instructions spéciales qu'un agent de libération conditionnelle peut donner à un délinquant, en plus de celles imposées par la CLCC, malgré le fait que ces renseignements peuvent accroitre le sentiment de sécurité d'une victime. Par exemple, une victime pourrait se sentir plus à l'aise si elle sait qu'il est interdit au délinquant de s'approcher à une certaine distance de sa maison.

    Lorsqu'elles prennent des mesures pour assurer leur sécurité, les victimes peuvent avoir des questions au sujet de l'apparence du délinquant après tant d'années. Or, dans le système actuel, les victimes n'ont pas le droit de voir une photo du délinquant.

    Lorsque le délinquant n'est pas un résident canadien et qu'il est susceptible d'être expulsé, la situation peut exacerber le sentiment d'isolement de la victime. Bien que la victime soit informée du transfert à l'Agence des services frontaliers du Canada (l'ASFC) d'un délinquant détenu par le SCC, elle est par la suite privée de tout renseignement connexe. Contrairement aux audiences de libération conditionnelle, il n'y a aucun mécanisme permettant à la victime d'assister aux audiences de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié ou de présenter une quelconque déclaration sur les répercussions du crime ou de faire part de son point de vue. En outre, la victime n'est pas informée de la decision rendue quant à savoir si le délinquant sera autorisé ou non à demeurer au Canada, de sorte qu'elle peut se poser des questions et s'inquiéter. Peu importe si l'information concernant l'expulsion du délinquant peut être utilisée ou non pour apporter un certain réconfort à la victime ou l'aider à prendre des mesures pour assurer sa propre sécurité, il est injuste que l'on ne tienne aucun compte d'elle. Cela peut être particulièrement frustrant pour les victimes puisque, dans de nombreux cas, ce type de renseignements est diffusé dans les médias presque tous les jours.

    Réorienter la conversation

    Le BOFVAC a recommandé – et il continuera de le faire – que le gouvernement fasse en sorte que tous les renseignements dont la communication est actuellement considérée comme étant facultative sous le régime de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition soient communiqués systématiquement aux victimes.

    Cependant, malgré cette amélioration, les textes législatifs qui régissent la communication de renseignements aux victimes ne sont tout simplement pas assez complets. Les victimes veulent en savoir plus sur le délinquant qui leur a causé un préjudice, notamment au sujet des efforts qu'il a faits pour se réadapter et de son apparence au moment de sa mise en liberté.

    Les victimes devraient aussi avoir un meilleur accès à ces renseignements. Les États-Unis ont déjà répondu à ce besoin en mettant en œuvre un système automatisé de notification des victimes en 2002.

    Le Victim Notification System, qui relève du département de la Justice des États-Unis, donne des renseignements et des avis aux victimes d'un acte criminel prévu par une loi fédérale. Ce service gratuit avise les victimes des faits importants qui surviennent pendant l'incarcération d'un délinquant et au cours des étapes de l'arrestation, de la mise en accusation et de la poursuite. En outre, il met à la disposition des victimes un centre d'appels accessible sans frais et un site Internet. Chaque victime se voit attribuer un numéro d'identification de victime et un numéro d'identification personnel qu'elle peut ensuite utiliser pour obtenir de l'information en téléphonant au centre d'appels ou en consultant le site Web. Chacun de ces services permet aux victimes d'obtenir de l'information, de recevoir des avis, de modifier ses coordonnées et de choisir de ne plus recevoir d'avis. Footnote 5

    Au Canada, le SCC et la CLCC sont chargés d'informer les victimes inscrites de certains types de changements ou de renseignements concernant le délinquant. Les membres du personnel de ces deux organismes s'efforcent de communiquer aux victimes le plus de renseignements possible selon la loi actuelle. Toutefois, les renseignements qu'ils peuvent communiquer sont limités et il n'y a pas au Canada un portail Web semblable à celui du Victim Notification System qui permettrait aux victimes d'avoir accès à ces renseignements à l'extérieur des heures d'ouverture. Si un système semblable était créé au Canada, les victimes auraient un meilleur accès à l'information à laquelle elles ont droit. De même, certaines victimes seraient plus tranquilles si elles savaient qu'elles peuvent obtenir cette information à n'importe quel moment, même à l'extérieur des heures normales d'ouverture.

    Recommandations

    Homme plus âgé avec une chemise blanche
    • Améliorer l'information et les ressources qui sont à la disposition des victimes d'actes criminels afin de les aider à mieux comprendre le système fédéral de justice pénale, ainsi que leurs droits et leur rôle à l'intérieur de celui-ci.
    • Prévoir dans un texte de loi la communication automatique aux victimes inscrites des renseignements considérés comme discrétionnaires, sauf dans les cas où cela risque de menacer la sécurité d'un établissement, d'un délinquant ou d'une autre personne.
    • Conférer aux victimes le droit de recevoir des renseignements au sujet des progrès accomplis par le délinquant pendant qu'il est sous la surveillance du Service correctionnel du Canada ou de la Commission nationale des libérations conditionnelles et prévoir que cette information doit être communiquée au moins annuellement pendant toute la durée de la peine du délinquant.
    • Améliorer l'accessibilité des renseignements aux victimes en créant des services téléphoniques ou en ligne sécurisés et automatisés que les victimes peuvent utiliser à l'extérieur des heures normales d'ouverture.
    • Autoriser le Service correctionnel du Canada et la Commission nationale des libérations conditionnelles à montrer à la victime inscrite une photographie du délinquant au moment de sa libération.
    • Dans la mesure du possible, aviser à l'avance les victimes de tous les transfèrements.
    • Conférer aux victimes le droit de demeurer informées du statut du délinquant en ce qui concerne son expulsion après que celui-ci a été placé sous la garde de l'Agence des services frontaliers du Canada.
    • Donner aux victimes la possibilité de présenter une déclaration à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié et d'assister aux audiences de celle-ci en qualité d'observateurs si elles le souhaitent.
  • Véritable participation des victimes au système de justice pénale

    Le rôle des victimes est très limité dans le système correctionnel et de mise en liberté sous condition actuel.

    Leur participation se résume essentiellement à présenter une déclaration approuvée aux audiences de libération conditionnelle et, même alors, leur présence et leur déclaration sont assujetties à l'approbation préalable de la CLCC ou du SCC.

    L'homme avec sa tête dans sa main.

    EN OUTRE, les victimes ont souvent le sentiment que leur sécurité et leurs préoccupations ne sont pas suffisamment prises en compte dans les décisions relatives à la libération conditionnelle ou à la mise en liberté sous condition du délinquant qui leur a fait du tort.

    Actuellement, les victimes doivent présenter une demande pour assister à une audience de libération conditionnelle en suivant la même procédure que les membres du grand public. Une fois sa demande examinée et son autorisation de sécurité reçue, la victime obtient normalement la permission d'assister à l'audience. Ce processus est cependant régi par une politique du gouvernement, et il ne s'agit pas d'un droit conféré aux victimes par la loi. Même si ceci n'arrive que très rarement, une victime qui ne constitue pas un danger et qui se verrait refuser la permission d'assister à l'audience n'aurait aucun recours parce que le droit d'assister à l'audience n'est pas prévu par la loi. Cette situation peut être choquante et frustrante pour les victimes alors que les droits et le traitement des délinquants sont définis très clairement par la loi.

    Peu importe qu'elle assiste ou non à une audience, la victime peut toujours présenter une déclaration dans laquelle elle décrit le préjudice qui lui a été causé par le délinquant et le crime. Elle doit préparer cette déclaration longtemps avant l'audience de libération conditionnelle pour que son contenu soit approuvé ou contrôlé par la CLCC, afin qu'elle puisse la présenter au cours de l'audience. La loi exige également que la déclaration soit communiquée au délinquant au moins 15 jours avant l'audience.

    En règle générale, les déclarations des victimes ne sont rejetées que si elles contiennent des remarques diffamatoires ou des menaces. Cependant, il est possible que de nombreuses victimes aient l'impression de ne pouvoir s'exprimer librement si elles ne peuvent pas décrire leurs véritables sentiments à l'égard du délinquant et de ce qu'il a fait, alors que ce dernier est libre de dire tout ce qu'il veut. Une fois la déclaration approuvée, les victimes ne peuvent modifier son contenu ni rien y ajouter, même si elles apprennent de nouveaux faits concernant le délinquant pendant l'audience. Au bout du compte, comme pour la demande de présence à l'audience, si la déclaration d'une victime n'est pas approuvée, elle ne peut pas être communiquée ou présentée et la victime se trouve réduite au silence pendant le processus.

    En raison du manque de renseignements, du contrôle et de l'impossibilité de réagir à toute nouvelle information, les victimes ont souvent le sentiment que leur contribution n'est pas reconnue à sa juste valeur. En fait, le point de vue de la victime peut fournir des indications importantes sur le crime et sur toutes les répercussions du préjudice causé. Ce type d'information est très utile lorsqu'il faut examiner les exigences et les considérations liées à la sécurité qui entrent en jeu dans la mise en liberté anticipée du délinquant et dans sa participation à des programmes communautaires. Footnote 6

    Il est important de créer des possibilités de participation tout comme d'établir un environnement qui favorise cette participation, en offrant des choix aux victimes quant à la forme de leur participation afin qu'elles ne se sentent pas intimidées ou craintives et que leur vie et leur situation financière ne soient pas bouleversées.

    Si certaines victimes jugeaient important et même nécessaire de confronter le délinquant en personne, d'autres pourraient trouver cette idée intimidante ou généralement indésirable. Malheureusement, dans le système actuel, assister à l'audience de libération conditionnelle — que ce soit en personne ou par vidéoconférence — est la seule façon dont une victime peut obtenir l'information la plus complète possible au sujet du délinquant qui leur a causé un préjudice et des progrès qu'il aurait accomplis, voire aucun. Pour les victimes qui craignent de rencontrer le délinquant pour toutes sortes de raisons, y compris la crainte de représailles, il y a un manque évident d'options offertes pour observer le déroulement d'audience de libération conditionnelle. Ce n'est que dans des circonstances exceptionnelles que les victimes peuvent demander d'assister à une audience par vidéoconférence ou par un système de télévision en circuit fermé. Assister par diffusion Web sécurisé ou branchement audio ne constitue pas une option.

    Le BOFVAC croit comprendre, à la suite de ses discussions et de son travail avec la CLCC, que le manque d'empressement à offrir ces services est lié en partie au risque de problèmes techniques découlant de l'ajout d'une technologie et à la possibilité que la victime y perde finalement au change. Bien que ces préoccupations soient certainement valables et démontrent à quel point la CLCC veut aider les victimes, elles ne sont tout simplement pas suffisantes. Des efforts additionnels sont nécessaires pour explorer ces options et pour trouver des solutions de rechange en cas de défectuosité technologique.

    Les victimes qui souhaitent assister aux audiences de libération conditionnelle ont peu d'options, ce qui ne serait pas un problème en soi si elles pouvaient avoir accès aux comptes rendus des audiences à une date ultérieure. Dans les faits cependant, ces moyens n'existent pas. En effet, aucune transcription n'est fournie et les victimes ne peuvent avoir accès à un enregistrement audio, même s'il existe. La victime ne peut que demander une copie du registre des décisions de la CLCC, qui résume de manière générale la décision rendue par les membres de la CLCC et qui donne certains renseignements sur le contexte. Le registre n'est cependant pas un compte rendu complet de l'audience et il peut renfermer beaucoup moins de renseignements concernant les progrès du délinquant et ses rapports avec la CLCC.

    Assister à une audience dans des pièces exigües et en l'absence de locaux séparés peut être intimidant ou inconfortable pour les victimes. En dépit des efforts des employés de la CLCC, il arrive que les victimes utilisent la même entrée que le délinquant ou ne disposent pas d'une salle d'attente séparée pour éviter de se trouver en présence de ce dernier avant l'audience. Des mesures appropriées devraient être prises pour que le sentiment de sécurité personnelle des victimes soit pris en compte et que celles-ci disposent de l'espace et des locaux dont elles ont besoin pour se sentir protégées.


    Réorienter la conversation

    Compte tenu de la portée des droits et libertés des délinquants d'obtenir des renseignements et de s'exprimer, cette limitation stricte de la participation des victimes montre nettement qu'il existe un déséquilibre dans le système de justice pénale. Le temps est venu de recentrer nos efforts afin de créer un système de justice canadien qui permet aux victimes de participer véritablement aux procédures. Comme l'a dit l'Office for Victims of Crime, du département de la Justice des États-Unis, [TRADUCTION] « [d]e telles politiques doivent traduire le fait que notre système de justice n'existe pas en dépit de ses victimes, mais plutôt qu'il existe en raison de ses victimes » Footnote 7. Dans le même rapport, on laisse entendre que, [TRADUCTION] « [e]n principe, une victime devrait avoir à tout le moins les mêmes garanties que le défendeur. La loi confère au délinquant le droit d'expliquer aux autorités responsables des services correctionnels et des libérations conditionnelles pourquoi une mise en liberté anticipée ou une libération conditionnelle devrait lui être accordée. Il devrait, par souci de justice, octroyer aux victimes le même droit à la communication complète quant aux répercussions du crime ». Footnote 8

    Nous devons réorienter nos efforts si nous voulons construire un système qui reconnaît véritablement les victimes, qui accorde des droits et un traitement à tout le moins égaux au délinquant et à la victime et qui aide cette dernière à participer véritablement aux procédures en donnant des renseignements non censurés sur les répercussions du crime. Nous devons reconnaître la victime non pas en tant que simple spectateur, mais en tant que participant ayant un véritable rôle à jouer. Et par-dessus tout, nous devons reconnaître que les victimes ne devraient jamais avoir l'impression que, en ce qui a trait au traitement et aux droits, elles passent après le délinquant qui leur a fait du tort.

    Femme assise contre une clôtureDes aménagements devraient être effectués pour assurer la sécurité de la victime. Par exemple, les victimes devraient utiliser une entrée et une sortie et une salle d'attente séparées et être assises dans la salle d'audience à une distance confortable du délinquant; des espaces adéquats devraient être réservés pour le soutien aux victimes.

    Comme c'est le cas pour tout système responsable, il est nécessaire d'instaurer un mécanisme intégré de responsabilisation et de prévoir un recours légal pour les victimes en cas de violation de leurs droits. Ces mesures sont essentielles, d'une part pour que l'information fournie par les victimes soit consignée et utilisée dans le processus décisionnel, et d'autre part pour que les victimes aient, à tout le moins, la même égalité de droit que les délinquants qui leur ont causé du tort. L'importance de cette obligation de rendre des comptes a déjà été reconnue aux États-Unis, où l'Office for Victims of Crime a dit : [TRADUCTION] « Nous devons aussi avoir un système de reddition de comptes si nous omettons de demander des renseignements que seule une victime peut fournir. Non seulement nous causons une injustice aux victimes lorsque nous n'écoutons pas ce qu'elles ont à dire, mais nous causons un tort plus grand à l'ensemble de la société. Footnote 9

    Recommandations

    • Faire en sorte que les victimes aient le droit de se trouver en présence du délinquant qui leur a fait du tort en présumant qu'elles ont le droit d'assister à une audience de libération conditionnelle, sauf s'il y a des motifs de croire que leur présence perturbera l'audience ou menacera la sécurité de l'établissement.
    • Réduire l'anxiété et le traumatisme subi par les victimes en leur donnant, si elles sont inscrites, le droit d'assister à l'audience de libération conditionnelle en personne, par vidéoconférence ou par téléconférence ou d'écouter ultérieurement les enregistrements de l'audience. Ces options devraient être offertes à toutes les victimes et dans toutes les circonstances.
    • Mettre à la disposition des victimes, avant qu'elles préparent leur déclaration en vue de l'audience de libération conditionnelle, des renseignements à jour sur les progrès du délinquant qui leur a causé préjudice et sur les programmes qu'il a suivis. Une période de temps suffisante devrait s'écouler entre la communication de ces renseignements et la date à laquelle la victime doit présenter sa déclaration.
    • Reporter l'examen de la libération conditionnelle éventuelle du délinquant qui a commis une infraction avec violence jusqu'à ce que la victime reçoive un préavis de l'audience et ait la possibilité d'assister à celle-ci et de présenter une déclaration sur les répercussions du crime.
    • Permettre aux victimes inscrites de demander la tenue d'une nouvelle audience si elles n'ont pas reçu un préavis suffisant pour prendre les dispositions nécessaires pour être présentes à l'audience, par la modification de l'article 147 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.
  • Soutien concret aux victimes

    Selon des études récentes, les coûts économiques et sociaux tangibles des infractions prévues par le Code criminel au Canada ont totalisé environ 31,4 milliards de dollars en 2008...

    ...dont 14,3 milliards de dollars découlaient directement des actes criminels pour les victimes et avaient trait notamment aux soins médicaux, à l'hospitalisation, à la perte de salaire, aux absences scolaires et aux biens volés ou endommagés Footnote 10.

    Femme âgée

    LE FARDEAU DES VICTIMES S'ALOURDIT – 83 p. 100 – lorsqu'on additionne les coûts tangibles et les coûts intangibles.

    Il est évident que les victimes assument un lourd fardeau à la suite d'un crime. Il n'est pas étonnant alors de constater que l'une des plaintes ou remarques les plus souvent formulées par les victimes au BOFVAC concerne le manque de mesures concrètes de soutien à leur disposition après le crime et les étapes du procès, de l'incarcération et de la mise en liberté sous condition, ou le manque d'uniformité de l'application de ces mesures.

    La majorité des services auxquels les victimes font référence, par exemple le counseling, l'indemnisation et l'aide financière, relèvent des provinces et non du gouvernement fédéral, de sorte qu'ils excèdent le mandat du BOFVAC et le cadre du présent rapport. Il convient cependant de reconnaître que la nécessité d'assurer aux victimes un soutien concret et des services en tout temps est un réel besoin exprimé presque uniformément partout au pays.

    À l'échelon fédéral, deux mesures importantes pourraient être améliorées : la suramende compensatoire fédérale et le dédommagement. Si ces mesures sont appliquées de manière appropriée, elles peuvent contribuer à offrir un meilleur soutien aux victimes, que ce soit directement ou au moyen de services d'aide.

    La suramende compensatoire fédérale

    La suramende compensatoire fédérale a été créée pour fournir un soutien financier aux services provinciaux et territoriaux d'aide aux victimes et pour établir un lien entre le crime d'un délinquant et la responsabilité de celui-ci envers la victime.

    La suramende n'excède généralement pas 100 $, quoiqu'elle puisse varier selon les circonstances. La loi exige qu'elle soit infligée dans tous les cas, sauf si le délinquant peut démontrer que le paiement de la suramende lui causerait – ou causerait aux personnes à sa charge – un préjudice injustifié. Lorsqu'un juge décide de ne pas infliger la suramende compensatoire, il doit consigner ses motifs au dossier du tribunal. Footnote 11

    Des études ont toutefois révélé que les juges décident régulièrement de ne pas infliger la suramende compensatoire et qu'ils ne motivent pas leurs décisions. Selon une recherche menée au Nouveau-Brunswick par le ministère de la Justice en 2005-2006, dans 99 p. 100 des dossiers examinés où l'amende n'avait pas été infligée, aucun document n'indiquait que le délinquant avait démontré « de façon satisfaisante qu'une suramende compensatoire fédérale lui causerait un préjudice injustifié » Footnote 12. Sans surprise, les recettes escomptées qui devaient être générées par l'infliction automatique de la suramende compensatoire fédérale ne se sont pas réalisées. Footnote 13 Ces conclusions correspondent de manière générale à celles d'études semblables menées en Colombie-Britannique et en Ontario. Footnote 14

    Le BOFVAC a écrit au ministre de la Justice à plusieurs reprises au sujet de la suramende compensatoire et a été heureux de voir le gouvernement s'engager à la rendre automatique et à doubler les montants exigés pendant la période électorale de 2011.

    En plus de l'infliction de la suramende compensatoire fédérale, certains défenseurs des droits des victimes sont d'avis qu'une plus grande attention doit être portée à l'utilisation des fonds recueillis après leur remise aux provinces et territories. Bien qu'il appartienne aux provinces de décider de la façon de dépenser les fonds (services aux victimes, mesures d'indemnisation, etc.), il y en a qui estiment qu'elles devraient rendre des comptes de leurs dépenses et peut-être aussi du respect des normes de base établies. À l'heure actuelle, chaque province ou territoire a ses propres régimes et services d'aide aux victimes. En conséquence, l'endroit au Canada où le crime a été commis ou le lieu où demeure la victime déterminera des ressources et des services de soutien auxquels celle-ci pourra avoir recours. Faute de directives, il peut y avoir des différences importantes au regard de la façon dont les sommes sont dépensées et aucun moyen de vérifier qu'elles sont utilisées de la manière qui répond le mieux aux besoins des victimes.

    Le dédommagement

    Le dédommagement est imposé de façon discrétionnaire par ordonnance de la cour et versé aux victimes par le délinquant et vue de couvrir les pertes quantifiables. Le dédommagement est imposé, certes, au bénéfice des victimes, mais également pour aider le délinquant à reconnaître le préjudice qu'il a causé aux victimes et à en être tenu responsable. En fin de compte, en plus d'être avantageux pour les victimes, le dédommagement fait partie du processus de réadaptation du délinquant et contribue ainsi à l'efficacité du système correctionnel dans l'ensemble.

    Malheureusement, le dédommagement est une mesure peu utilisée et peu appliquée au Canada, ce qui a des répercussions négatives sur les victimes d'actes criminels.

    Selon le Recueil sur les victimes d'actes criminels du ministère de la Justice du Canada, une étude réalisée en Nouvelle-Écosse (par Martell Consulting Services en 2002) a révélé que, en dépit de l'appui exprimé en faveur du dédommagement en tant que condition imposée lors de la détermination de la peine, le dédommagement ne se retrouve qu'en périphérie du système de justice pénale et les victimes sont généralement peu informées de son existence. L'étude canadienne a conclu que trois principaux obstacles nuisent à l'accessibilité des ordonnances de dédommagement aux victimes : (1) la non-exécution de ces ordonnances par le système de justice pénale; (2) les coûts qu'elles entraînent pour les victimes; (3) l'obligation qu'a la victime de recueillir des renseignements sur le délinquant, ce qui est nécessaire quand on enregistre une ordonnance de dédommagement en tant que jugement civil. Footnote 15

    Un autre obstacle à l'utilisation des ordonnances de dédommagement est le fait que l'on considère que ces ordonnances sont appropriées uniquement quand le montant de la perte peut être facilement déterminé et n'est pas contesté vigoureusement. Footnote 16 En réalité, obtenir un dédommagement pose souvent des problèmes parce qu'il peut être difficile pour la victime de fournir à la Couronne les renseignements nécessaires concernant les pertes au moment de la détermination de la peine, de sorte que la Couronne n'est pas en mesure de demander que le tribunal rende une ordonnance de dédommagement. Footnote 17

    À l'heure actuelle, les victimes qui veulent faire exécuter une ordonnance de dédommagement doivent intenter une poursuite au civil, une démarche qui coûte souvent extrêmement cher et qui oblige les victimes à passer encore plus de temps à se battre pour obtenir ce qui aurait dû leur être donné d'office. Ce fardeau ne devrait jamais incomber aux victimes.


    Réorienter la conversation

    Le BOFVAC estime que le gouvernement doit rapidement augmenter le montant de la suramende compensatoire et rendre celle-ci automatique. Il doit aussi trouver des moyens d'assurer une exécution plus rigoureuse des ordonnances de dédommagement.

    Une façon de tenir les délinquants responsables de leurs actes serait de les obliger à payer le dédommagement et la suramende compensatoire pendant leur incarcération et à autoriser le SCC à déduire un montant raisonnable du revenu du délinquant pour acquitter les sommes en souffrance. De même, comme le versement du dédommagement prévu par l'ordonnance montre que le délinquant reconnaît sa responsabilité et qu'il a l'intention de compenser le préjudice causé à la victime, il faudrait en tenir compte dans toute décision relative à la libération conditionnelle.

    Ce concept est déjà appliqué aux États-Unis au moyen de l'Inmate Financial Responsibility Program (IFRP). Dans le cadre de ce programme administré par le Federal Bureau of Prisons du département de la Justice des États-Unis, chaque détenu devant verser une somme d'argent est encouragé, peu importe ses ressources financières, à élaborer une entente de paiement. Grâce à un système d'information automatisé, le personnel peut passer en revue les obligations financières d'un délinquant et vérifier s'il s'en acquitte. Le non-respect de l'entente de paiement est pris en compte lorsque des décisions sont prises relativement à la libération conditionnelle, au type d'établissement, à l'attribution d'un travail, à la rémunération au rendement, aux gratifications associées à la mise en liberté et aux programmes communautaires. Footnote 18

    L'efficacité du programme est assurée par l'exécution des obligations par les établissements, la surveillance par les bureaux régionaux et l'examen des programmes. Comme dans le cas de la suramende compensatoire fédérale – à l'exception des paiements versés directement aux victimes à titre de dédommagement – la plus grande partie des fonds recueillis par l'IFRP sont déposés dans le Crime Victims' Fund, puis sont distribués aux États pour financer les programmes d'indemnisation et d'aide aux victimes.

    Depuis le lancement du programme, des millions de dollars ont été recueillis pour financer et promouvoir les programmes d'aide aux victimes. Par ailleurs, les taux de participation et de perception ont augmenté au fil des ans.

    Pour favoriser l'utilisation des ordonnances de dédommagement, il faudrait obtenir des renseignements auprès des victimes pendant l'enquête présentencielle afin d'évaluer la perte financière qui sera prise en compte aux fins de la sentence. En outre, il est souhaitable de fournir aux victimes les lignes directrices sur la façon d'étayer les pertes en vue d'obtenir un dédommagement.

    Recommandations

    • Obliger les juges à envisager la possibilité de rendre une ordonnance de dédommagement dans tous les cas où l'infraction a fait une victime et à motiver leurs décisions de ne pas rendre une telle ordonnance, en adoptant des dispositions semblables à celles relatives à la suramende compensatoire fédérale et en modifiant le paragraphe 738(1) du Code criminel.
    • Subsidiairement, conférer aux victimes le droit de demander un dédommagement et le droit de porter en appel une décision rejetant cette demande, en modifiant le paragraphe 738(1) du Code criminel.
    • Remettre aux victimes des lignes directrices détaillées sur la façon d'étayer leurs pertes en vue d'obtenir un dédommagement. Footnote 19
    • Ne plus exiger que le montant du dédommagement soit facilement déterminable ou permettre au tribunal de rendre une ordonnance de dédommagement dont le montant est « à déterminer » si tous les frais ne sont pas connus au moment de l'infliction de la peine (c.-à-d. exiger des juges qu'ils reportent l'infliction de la peine jusqu'à ce que des renseignements soient obtenus ou permettre que le montant du dédommagement soit déterminé ultérieurement par un agent de probation ou de libération conditionnelle, la commission des libérations conditionnelles, etc.).
    • Examiner la capacité du gouvernement fédéral de déduire le montant du dédommagement des paiements fédéraux (chèques de remboursement de TPS, prestations d'assurance-emploi, etc.).
    • Tenir les délinquants responsables en imposant des conditions qui font en sorte qu'ils se conforment aux ordonnances de dédommagement et à la suramende compensatoire fédérale et en autorisant le SCC à déduire des montants raisonnables du revenu d'un délinquant pour payer le dédommagement ou la suramende compensatoire fédérale en souffrance.
    • Doubler le montant de la suramende compensatoire fédérale et la rendre obligatoire dans tous les cas sans exception.
  • La voie de l'avenir – Rééquilibrer le système de justice pénale du Canada

    Le moment est venu au Canada de réorienter la conversation de façon à ce que l'accent ne soit plus mis sur la gestion des délinquants, mais sur des réponses directes aux besoins des victimes.

    Bien qu'ils constituent un aspect important d'un système de justice pénale efficace, les services correctionnels et la sécurité communautaire ne peuvent répondre à eux seuls aux différents besoins des victimes et aux enjeux auxquels celles-ci sont confrontées à la suite d'un acte criminel.

    Photo d'un vieux monsieur regardant droit devant.

    NOUS DEVONS RECONNAÎTRE que les victimes ne sont pas seulement des spectateurs et leur donner les moyens de jouer un rôle plus important dans le système de justice pénale. Nous devons démontrer que le Canada accorde la priorité aux victimes en leur conférant à tout le moins les droits qu'elles méritent afin de leur assurer un traitement juste et équitable.

    Nous pouvons rééquilibrer le système de justice. Le gouvernement est en mesure d'aider à réorienter les efforts sur les victimes en apportant les quelques modifications législatives décrites dans le présent rapport.

    J'encourage le gouvernement du Canada et, en particulier, les ministres de la Justice et de la Sécurité publique à examiner sérieusement les points de vue et les recommandations formulés dans le présent document et à incorporer ces recommandations constructives dans un projet de loi omnibus sur les victimes. Le gouvernement démontrerait ainsi, hors de tout doute, son engagement envers les victimes et sa détermination à faire en sorte que le système de justice – notre système de justice – soit équilibré pour tous. Le moment est venu.

    Sue O'Sullivan
    Ombudsman fédérale des victimes d'actes criminels

  • ANNEXE A :

    Liste des recommandations détaillées, accompagnées des références législatives

    Information à l'intention des victimes

    • Améliorer l'information et les ressources qui sont à la disposition des victimes d'actes criminels afin de les aider à mieux comprendre le système fédéral de justice pénale, ainsi que leurs droits et leur rôle à l'intérieur de celui-ci.
    • Prévoir dans un texte de loi la communication automatique aux victimes inscrites des renseignements considérés comme discrétionnaires, sauf dans les cas où cela risque de menacer la sécurité d'un établissement, d'un délinquant ou d'une autre personne en modifiant les alinéas 26(1)1) et 142(1)a) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.
    • Conférer aux victimes le droit de recevoir des renseignements au sujet des progrès accomplis par le délinquant pendant qu'il est sous la surveillance du SCC ou de la CLCC et prévoir que cette information doit être communiquée au moins annuellement pendant toute la durée de la peine du délinquant.
    • Améliorer l'accessibilité des renseignements aux victimes en créant des services téléphoniques ou en ligne sécurisés et automatisés que les victimes peuvent utiliser à l'extérieur des heures normales d'ouverture.
    • Autoriser le SCC et la CLCC à montrer à la victime inscrite une photographie du délinquant au moment de sa libération, en modifiant les paragraphes 26(1) et 142(1) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.
    • Dans la mesure du possible, aviser les victimes à l'avance de tous les transfèrements et, à cette fin, modifier les articles 26 et l42 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.
    • Conférer aux victimes le droit de demeurer informées du statut du délinquant en ce qui concerne son expulsion après que celui-ci a été placé sous la garde de l'Agence des services frontaliers du Canada.
    • Donner aux victimes la possibilité de présenter une déclaration à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié et d'assister aux audiences de celle-ci en qualité d'observateurs si elles le souhaitent.

    Véritable participation des victimes au système de justice pénale

    • Faire en sorte que les victimes aient le droit de se trouver en présence du délinquant qui leur a fait du tort en présumant qu'elles ont le droit d'assister à une audience de libération conditionnelle, sauf s'il y a des motifs de croire que leur présence perturbera l'audience ou menacera la sécurité de l'établissement ou d'individus, par la modification des articles 26 et 142 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.
    • Réduire l'anxiété et le traumatisme subi par les victimes en leur donnant, si elles sont inscrites, le droit d'assister à l'audience de libération conditionnelle en personne, par vidéoconférence ou par téléconférence ou d'écouter ultérieurement les enregistrements de l'audience, en modifiant les articles 26 et 142 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.
    • Mettre à la disposition des victimes, avant qu'elles préparent leur déclaration en vue de l'audience de libération conditionnelle, des renseignements à jour sur les progrès du délinquant qui leur a causé préjudice et sur les programmes qu'il a suivis. Une période de temps suffisante devrait s'écouler entre la communication de ces renseignements et la date à laquelle la victime doit présenter sa déclaration.

    Soutien concret aux victimes

    • Obliger les juges à envisager la possibilité de rendre une ordonnance de dédommagement dans tous les cas où l'infraction a fait une victime et à motiver leurs décisions de ne pas rendre une telle ordonnance, en adoptant des dispositions semblables à celles relatives à la suramende compensatoire fédérale et en modifiant le paragraphe 738(1) du Code criminel.
    • Subsidiairement, conférer aux victimes le droit de demander un dédommagement et le droit de porter en appel une décision rejetant cette demande, en modifiant le paragraphe 738(1) du Code criminel.
    • Remettre aux victimes des lignes directrices détaillées sur la façon d'étayer leurs pertes en vue d'obtenir un dédommagement. Footnote 20
    • Ne plus exiger que le montant du dédommagement soit facilement déterminable ou permettre au tribunal de rendre une ordonnance de dédommagement dont le montant est « à déterminer » si tous les frais ne sont pas connus au moment de l'infliction de la peine (c.-à-d. exiger des juges qu'ils reportent l'infliction de la peine jusqu'à ce que des renseignements soient obtenus ou permettre que le montant du dédommagement soit déterminé ultérieurement par un agent de probation ou de libération conditionnelle, la commission des libérations conditionnelles, etc.).
    • Examiner la capacité du gouvernement fédéral de déduire le montant du dédommagement des paiements fédéraux (chèques de remboursement de TPS, prestations d'assurance-emploi, etc.).
    • Tenir les délinquants responsables en imposant des conditions qui font en sorte qu'ils se conforment aux ordonnances de dédommagement et à la suramende compensatoire fédérale, en modifiant le paragraphe 133(3) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et en autorisant le SCC à déduire des montants raisonnables du revenu d'un délinquant pour payer le dédommagement ou la suramende compensatoire fédérale en souffrance.
    • Doubler le montant de la suramende compensatoire fédérale et la rendre obligatoire dans tous les cas sans exception.