Mémoire présenté à Mme Dubravka Šimonovic Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la violence contre les femmes


La COVID-19 et la croissance de la violence familiale à l’égard des femmes

Vivre dans la peur…
Entre deux pandémies

 

 

Présenté par :


Heidi Illingworth

Ombudsman fédérale des victimes d’actes criminels, Canada
et

Nadia Ferrara

Directrice exécutive, Bureau de l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels, Canada

 

Juin 2020

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Introduction

Le Bureau de l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels (BOFVAC) est une ressource indépendante à l’échelon fédéral qui donne une voix aux victimes et aux survivants d’actes criminels au Canada et qui permet au gouvernement fédéral de respecter ses engagements envers les victimes. Une partie importante du travail du Bureau consiste à cerner les enjeux systémiques et naissants qui ont une incidence négative sur les victimes d’acte criminel.

Nous avons pour mandat de faire ce qui suit :

  • aider et informer les victimes et répondre aux questions au sujet des droits des victimes au Canada;
  • examiner et traiter les plaintes relevant de notre compétence qui concernent un ministère, un organisme, une loi ou une politique à l’échelon fédéral et qui touchent les victimes d’acte criminel;
  • cerner et examiner les enjeux naissants et étudier les problèmes systémiques qui ont une incidence négative sur les victimes d’acte criminel;
  • fournir des conseils aux décideurs pour veiller à ce qu’ils soient conscients des besoins et des préoccupations des victimes et formuler à l’intention des ministres fédéraux des recommandations sur les façons de mieux adapter les lois, les politiques et les processus aux besoins des victimes;
  • accroître la sensibilisation au travail que nous accomplissons, aux enjeux touchant les victimes et aux droits des victimes à l’échelon fédéral.

Il importe de souligner, aux fins du présent mémoire, que nous ne représentons pas le gouvernement du Canada ni ne parlons en son nom d’aucune façon. Notre Bureau présente le mémoire en tant qu’intervenant indépendant ayant pour responsabilité de cerner les enjeux naissants et de fournir directement des services aux survivants d’actes de violence fondée sur le sexe et de violence familiale au Canada.

Une statistique troublante demeure stable depuis 40 ans au Canada : 1 femme ou 1 fille se fait tuer tous les 2 jours[1]. En 2018, Statistique Canada a dénombré plus de 99 000 victimes de violence conjugale, âgées de 15 à 89 ans, signalées par la police. Les femmes comptaient pour 80 % des victimes. Au total, 18 965 enfants ont été victimisés par un membre de leur famille en 2018[2]. La plupart des incidents sont survenus dans l’habitation où la victime et l’accusé vivaient ensemble.

En seulement 36 jours de pandémie au Canada, des hommes violents ont tué 8 femmes et 1 fille[3]. Nous craignons que les mesures gouvernementales prévoyant le confinement de la population durant la pandémie de COVID-19 occasionnent une poussée soudaine de violence conjugale et familiale au Canada. Sans possibilité d’échapper à leur agresseur, les femmes et les enfants sont maintenant plus vulnérables à la violence familiale, y compris au féminicide.

Dans le contexte de la COVID-19, nous estimons qu’il faut accélérer la progression du Canada vers la résolution des objectifs de développement durable (ODD), notamment l’ODD 5 (parvenir à l’égalité des sexes et autonomiser toutes les femmes et les filles) et l’ODD 16 (promouvoir l’avènement de sociétés pacifiques et inclusives aux fins du développement durable, assurer l’accès de tous à la justice et mettre en place, à tous les niveaux, des institutions efficaces, responsables et ouvertes à tous). Nous croyons qu’il est crucial de communiquer l’information reçue par notre Bureau relativement aux interventions policières liées à la violence familiale durant la pandémie. Il est également nécessaire de transmettre ce que nous savons au sujet de la portée opérationnelle restreinte des cours criminelles, qui limite l’accès des femmes à la justice, et du maintien des activités des refuges et des services aux victimes durant la pandémie.

 

  1. Mesure dans laquelle la violence dirigée contre les femmes, en particulier la violence familiale, s’est accrue dans le contexte des mesures de confinement liées à la pandémie de COVID-19

Wanda McGinnis, PDG de la Wheatland Crisis Society dans l’Alberta rurale, a bien résumé la situation lorsqu’elle a déclaré que [traduction] « la violence ne disparaît pas durant une pandémie. C’est juste qu’on ne la voit plus[4]. » Selon les résultats d’un sondage de Statistique Canada sur les répercussions de la COVID-19 publié en avril 2020, une femme sur dix se disait « beaucoup ou énormément » préoccupée au sujet de la possibilité de violence dans sa demeure en raison du stress causé par le confinement[5].

Les preuves des répercussions sexospécifiques de la pandémie au Canada continuent de s’accumuler. Que les femmes courent un risque accru de violence à la maison durant le confinement, qu’elles assument davantage de responsabilités à l’égard des enfants n’allant pas à l’école, qu’elles prennent soin d’adultes vulnérables à risque ou comptent parmi la majorité de femmes travaillant sur la ligne de front dans les secteurs des soins de santé et des services sociaux et autres, elles sont au cœur des répercussions et des interventions liées à la pandémie[6].

Dans l’ensemble, au Canada, le taux de violence affiche une hausse de l’ordre de 20 % à 30 %. Par exemple, dans la province de l’Ontario, les services de police ont fait état d’une augmentation de 22 % des signalements d’incident de violence familiale et d’agression sexuelle[7]. Les appels aux refuges pour victimes de violence familiale ont triplé dans certaines régions du pays[8]. Dans d’autres régions, par contre, des préoccupations liées à la distanciation sociale et les craintes touchant la propagation du virus ont mené à une baisse du nombre d’appels aux refuges pour femmes battues et du nombre de survivantes hébergées dans ceux-ci. On a observé dans certaines villes une chute importante des appels ou une baisse des demandes d’aide dans les refuges, les centres pour victimes d’agression sexuelle ou les lignes d’écoute téléphoniques, surtout dans les collectivités rurales. Mais rien de tout cela ne veut dire qu’il n’y a pas de violence familiale.

La criminalité dans son ensemble est en baisse parce que les gens sont en confinement à la maison, mais nous savons que la violence familiale demeure présente, mais cachée. Certains refuges font état d’une augmentation du nombre d’appels, et d’autres enregistrent plutôt une baisse, ce qui est un signal d’alarme. Les agresseurs restant toujours à la maison, de nombreuses victimes sont peut-être incapables d’appeler à l’aide, ou ont peur de le faire. Bon nombre de refuges considèrent la période actuelle comme étant « le calme avant la tempête », car ils s’attendent à ce que les appels montent en flèche lorsqu’on assouplira les restrictions sociales. Les refuges seront encore plus débordés.

Les services d’aide sociale à l’enfance font également état d’une baisse des signalements de violence faite aux enfants. Cela tient probablement à l’absence de témoins : le personnel scolaire effectue 90 % des signalements de violence faite aux enfants, mais les écoles sont fermées en raison de la pandémie.

La récente tuerie survenue à Portapique (Nouvelle-Écosse), où 22 personnes ont été tuées par balles ou ont perdu la vie dans des incendies criminels, a commencé par un incident de violence familiale. La violence à caractère misogyne est un enjeu à l’échelle nationale et, trop souvent, un acte de violence commis en privé devient public. Les hommes ayant des antécédents de violence familiale et de haine des femmes ont perpétré un certain nombre de tueries au Canada. La misogynie, la violence dirigée contre les femmes et les attaques faisant un grand nombre de blessés sont étroitement reliées. Ignorer ces liens, c’est perpétuer la perception ancienne selon laquelle la violence des hommes envers les femmes qu’ils connaissent — en particulier contre leur conjointe — est moins grave que la violence dirigée vers des étrangers[9].

 

  1. Services d’aide téléphonique gouvernementaux et/ou de la société civile offerts et incidence de la pandémie de COVID-19 sur le nombre d’appels

Le Canada compte 10 lignes d’aide provinciale et 3 lignes territoriales pour les femmes battues, les personnes survivantes et les victimes d’acte criminel, et certaines de ces lignes peuvent répondre à des appels au sujet de la maltraitance envers les aînés. L’Ontario, province la plus populeuse du Canada, compte 3 lignes d’aide : Assaulted Women’s Helpline (AWHL), une ligne destinée aux Franco-ontariennes (Fem'aide) et une autre destinée aux femmes autochtones (Talk4Healing, services offerts dans 14 langues). Tous les services sont offerts 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Depuis le début de la pandémie, la ligne AWHL traite 4 fois plus d’appels qu’à la normale de femmes cherchant un refuge, malgré une hausse de seulement 5 % du nombre total d’appels (toutes catégories confondues). Elle traite habituellement quelque 4 000 appels par mois, la moitié venant de la ville de Toronto[10].

À l’échelle nationale, Services aux Autochtones Canada, un ministère du gouvernement fédéral, offre la Ligne d’écoute d’espoir pour le mieux-être, qui procure des services de counseling et un soutien immédiats en cas de crise aux personnes autochtones de partout au Canada, en tout temps, ainsi qu’un service de clavardage en ligne au https://www.espoirpourlemieuxetre.ca. Il y a aussi la Ligne d’urgence canadienne contre la traite des personnes, accessible en tout temps, qui est dotée d’un service de clavardage. Toutefois, aucune ligne d’aide nationale ou fédérale destinée aux victimes de violence conjugale ou familiale n’est offerte dans l’ensemble des 13 provinces et territoires.

Le Canada est doté d’une ligne d’aide nationale pour les enfants et les jeunes qui s’appelle Jeunesse, j’écoute. Ce service, offert par un organisme de la société civile, comprend le clavardage en direct et les messages texte, en plus du soutien téléphonique. D’autres organismes communautaires de la société civile ont mis à niveau leurs services durant la pandémie en ajoutant des services de clavardage en direct et de messages texte. C’est ce qu’a fait une coalition d’organismes de femmes d’Ottawa, capitale du pays. Le service sécurisé de clavardage en ligne et de messages texte Pas bien chez soi à Ottawa a pour but de soutenir les femmes qui vivent avec la violence familiale durant la pandémie de COVID-19. Prévention du crime Ottawa a lancé ce service le 14 avril 2020, en collaboration avec la Coalition d’Ottawa contre la violence faite aux femmes, la Maison Interval d’Ottawa, le Centre des ressources de l’Est d’Ottawa et les Services aux victimes d’Ottawa, avec un soutien en matière de communications du Service de police d’Ottawa.

Le service de clavardage sécurisé Pas bien chez soi à Ottawa, offert tous les jours de 8 h 30 à minuit, utilise une technologie de chiffrement permettant de protéger les conversations et d’assurer leur confidentialité. Des intervenants dûment formés fournissent des conseils, des services d’aiguillage et du soutien en anglais et en français. Plus de 300 femmes vivant avec la violence ont demandé l’aide de ce service au cours du premier mois d’activité. La plupart des appels portaient sur les mesures à prendre pour assurer sa sécurité ou provenaient de parents et d’amis cherchant à obtenir du soutien[11].

Au cours des deux derniers mois, le BOFVAC a observé une augmentation du nombre de demandes de renseignements présentées par des victimes et des personnes survivantes et leur famille ainsi que par d’autres intervenants, comme des organismes de première ligne, des services d’aide aux victimes et des refuges pour femmes battues. Ces personnes ont relaté des faits troublants sur ce qui se passe dans les demeures et les collectivités à l’échelle du Canada. Il nous semble évident qu’un isolement prolongé cause une escalade des tensions.

Avant la pandémie, les membres du personnel de Services aux victimes Toronto accompagnaient les policiers lors d’interventions liées à des querelles de ménage, mais ils doivent maintenant se contenter d’entretiens téléphoniques avec les victimes. On a mis fin aux activités de plus de 200 bénévoles formés. L’organisme doit composer avec de nombreux cas où les tensions dégénèrent en violence. Début mai, une cliente a été hospitalisée lorsque la violence verbale et le comportement dominateur de son conjoint ont atteint leur paroxysme et qu’il l’a poignardée. Les armes entrent en jeu plus souvent dans les affaires de violence familiale à l’ère de la COVID-19; Services aux victimes Toronto doit maintenant organiser trois fois plus de nettoyage de scènes de crime[12].

 

  1. Exemption des femmes victimes de violence familiale par rapport aux mesures restrictives touchant le confinement

Le Canada n’a pas imposé de mesures de confinement strictes. Nous avons eu des mesures touchant la distanciation sociale et physique, et la plupart des entreprises et des services non essentiels ont interrompu leurs activités. Les femmes peuvent certainement faire fi des mesures restrictives de confinement si elles sont victimes de violence familiale; cependant, beaucoup d’entre elles ignorent peut-être si les refuges et les services destinés aux victimes sont ouverts, accessibles ou sécuritaires durant la pandémie.

Nous savons que bon nombre de femmes et d’enfants sont prisonniers chez eux à cause d’un conjoint violent, et qu’il est plus difficile qu’à l’habitude de quitter sa demeure pour gagner la sécurité d’un refuge en raison des mesures d’isolement. Les refuges pour femmes battues demeurent ouverts, mais ils ne sont pas considérés comme des organismes offrant des services essentiels par toutes les provinces et tous les territoires[13]. (La province de l’Alberta est la seule à les considérer de cette manière.) Cela peut causer de l’incertitude chez les femmes quant à la disponibilité des services de soutien.

De plus, les propos des dirigeants sont contradictoires et déroutants. Les gouvernements fédéral et provinciaux ainsi que les administrations municipales demandent instamment à tous les citoyens de ne pas quitter la maison, sauf pour aller chercher les aliments ou les fournitures nécessaires ou pour accomplir un travail essentiel. C’est peut-être l’un des grands facteurs expliquant la baisse des appels aux refuges et aux services d’aide destinés aux femmes et aux enfants victimes de violence.

Les refuges, les organismes de lutte contre la violence et les services aux victimes essaient de faire savoir à la population qu’ils sont toujours ouverts et à la disposition des gens qui ont besoin d’aide. Toutefois, de nombreuses victimes en isolement avec leur agresseur sont incapables de demander de l’aide. Par exemple, elles n’ont peut-être pas la possibilité de téléphoner ou d’utiliser un ordinateur sans être surveillées.

Cela dit, l’Ontario Association of Interval and Transition Houses affirme que 20 % des 70 refuges qu’elle représente ont reçu un nombre accru d’appels de crise durant la pandémie. Les appels à l’organisme Battered Women’s Support Services de Vancouver ont bondi de 400 % au cours des 2 derniers mois[14]. Certains services de police ont également observé une augmentation des signalements de violence familiale[15]. Des milliers de femmes, de filles et de personnes transgenres et non binaires font face à un risque accru de violence affective, physique ou sexuelle à la maison dans le contexte des mesures de confinement liées à la COVID-19.

 

  1. Accessibilité des refuges et existence de solutions de rechange aux refuges lorsque ceux-ci sont fermés ou n’ont plus de place

Les refuges pour femmes battues restent ouverts au Canada. Par contre, de nombreux établissements étaient pleins au moment où la pandémie a frappé, et les systèmes de soutien fonctionnaient à plein régime. Les taux de violence fondée sur le sexe au Canada étaient également élevés avant la pandémie. Selon l’Observatoire canadien du fémicide pour la justice et la responsabilisation, une femme ou une fille se fait tuer tous les deux jours en moyenne[16]. Pour composer avec la poussée attendue de la demande tout en respectant les règles de distanciation physique durant la pandémie, certaines villes convertissent des résidences universitaires ou des hôtels en refuges. Par exemple, le Calgary Women’s Emergency Shelter a établi un partenariat avec une chaîne d’hôtels locale en vue d’offrir un refuge aux femmes fuyant la violence en milieu familial[17].

Dans les collectivités nordiques, éloignées ou rurales du Canada, les refuges sont parfois inaccessibles en raison de la distance : le refuge le plus proche peut se trouver à 100 km de la demeure d’une personne. Il est plus difficile d’accéder à un refuge si cela suppose de quitter sa localité durant une période où les déplacements et les voyages sont restreints. Il y a également des coûts importants (p. ex. des coûts de transport plus élevés) liés aux efforts pour aider les personnes qui fuient la violence durant une pandémie de cette ampleur, dont certains qu’il serait difficile ou impossible de prévoir.

Les plus grandes lacunes s’observent dans le Nord canadien. De petites localités sont réparties sur un vaste territoire, ce qui crée des vulnérabilités sur le plan de la sécurité et de la victimisation. Lorsque cette situation est combinée à des lacunes touchant l’accès aux services d’aide aux victimes, les victimes de violence fondée sur le sexe souffrent non seulement de la violence qu’elles subissent, mais aussi d’un sentiment de désespoir. Elles peuvent se sentir abandonnées par un système de services aux victimes qui manque à son devoir de les soutenir et de les protéger.

Les collectivités rurales et éloignées du Canada accusent les mêmes lacunes. Lorsque la culture du silence qui tend à caractériser les petites collectivités où tout le monde se connaît est combinée avec un accès lacunaire aux refuges et à d’autres services de soutien destinés aux personnes touchées par la violence fondée sur le sexe, le cycle de la victimisation se répète. Pour répondre aux besoins des collectivités nordiques, rurales et éloignées, il faut de toute urgence établir et doter en personnel des maisons d’hébergement dans des bâtiments gouvernementaux inutilisés afin que les victimes n’aient pas à parcourir de longues distances pour trouver un lieu sûr.

 

  1. Accès à des ordonnances de protection dans le contexte de la pandémie de COVID-19

Les cours criminelles étant pour la plupart fermées ou réservées à des affaires urgentes, il est plus difficile d’obtenir une ordonnance de protection qu’autrefois. La plupart des cours provinciales ont suspendu l’instruction de toutes les affaires, sauf celles qui sont urgentes et concernent le coronavirus, et elles comptent maintenir ces restrictions au moins jusqu’à la fin juin 2020.

Par exemple, dans la province de l’Alberta, les juges de la Cour du Banc de la Reine ne se penchent sur des affaires de droit familial que lorsqu’il y a un risque de violence ou de préjudice immédiat à l’une des parties ou à un enfant, ou dans des situations où l’enfant risque de quitter la province. Certaines affaires en matière de protection de l’enfance satisfont à ce critère, ainsi que les révisions d’ordonnances de protection d’urgence (OPU), type d’ordonnance d’interdiction que les tribunaux peuvent rendre dans des affaires de violence familiale. Malgré les limites actuelles des tribunaux, on a délivré davantage d’OPU au cours du premier trimestre de 2020 que pendant la même période en 2019, selon le ministère provincial de la Justice. Entre janvier et avril 2020, les Albertains ont demandé 1 110 OPU, et 802 demandes ont été accueillies. Les 2 chiffres sont supérieurs d’environ 5 % par rapport à ceux de l’an dernier[18].

 

  1. Les répercussions sur l’accès des femmes à la justice, sur le fonctionnement de l’appareil judiciaire et sur les mesures de protection prises et les décisions rendues dans des affaires de violence familiale

À l’heure actuelle, les activités des cours criminelles, familiales et civiles au Canada sont réduites de façon considérable en raison des mesures de distanciation physique et d’autres exigences de sécurité et de santé publiques[19]. Pour protéger la santé et la sécurité des personnes qui ont recours aux tribunaux et pour contenir la propagation de la COVID-19, la plupart des juridictions ont suspendu toutes les activités ordinaires ou ont reporté des instances. Les tribunaux ont manifesté l’intention de continuer d’instruire seulement des affaires urgentes durant cette période de crise.

Alors que les entreprises et les gouvernements du pays s’adaptent au moyen d’outils technologiques, de nombreux tribunaux sont dotés d’infrastructures vétustes. Il ne leur est donc pas toujours possible de recourir à la vidéoconférence. Certains palais de justice s’adaptent en utilisant la téléconférence pour tenir des audiences de détermination de la peine et instruire des affaires urgentes, ce qui est une bonne chose. Toutefois, en général, nous ne pouvons pas déterminer avec certitude combien d’affaires de violence familiale se retrouvent devant les tribunaux à l’heure actuelle.

Il faut continuer de traduire en justice les agresseurs en milieu familial pour qu’ils répondent de leurs actes. Il est également crucial de se pencher sur les mesures entourant la mise en liberté de personnes accusées de violence familiale durant la pandémie. Pourtant, nous apprenons que, en raison du risque posé par le virus, de nombreux agents de la paix libèrent sous caution les personnes accusées de violence familiale au lieu de les mettre en détention provisoire jusqu’à leur comparution. Dans une telle situation, le risque pour la sécurité de la victime est élevé.

Dans la province de l’Ontario, les procès criminels et civils devant jury seront mis en attente pour au moins trois mois supplémentaires en raison de la pandémie de COVID-19 qui se poursuit. La Cour supérieure de l’Ontario a temporairement interrompu les instances tenues en personne à la mi-mars en raison des préoccupations croissantes liées au coronavirus, remettant à juin toutes les affaires criminelles et civiles suspendues ou reportées. Le juge en chef de la Cour a déclaré que la sélection de jurés et les procès devant jury ne reprendraient pas avant septembre 2020[20].

 

  1. L’incidence des restrictions actuelles et des mesures de confinement sur l’accès des femmes aux services de santé (veuillez préciser si les services sont fermés ou suspendus, en particulier ceux qui sont axés sur la santé génésique)

Il est difficile pour nous de répondre à cette question relative à la santé génésique, car elle échappe à notre rayon d’action. La plupart des cabinets de médecins de famille continuent de recevoir des personnes par rendez-vous et ont retiré des chaises de leur salle d’attente. De nombreux médecins s’entretiennent avec leurs patients par téléphone ou par vidéoconférence. Les hôpitaux canadiens ont annulé toutes les interventions chirurgicales non urgentes, y compris celles pour des patients atteints du cancer ou de maladies cardiaques, afin de prévenir l’infection de personnes vulnérables à la COVID-19.

 

  1. Exemples d’obstacles aux efforts visant à prévenir et à contrer la violence familiale durant les périodes de confinement liées à la COVID-19

Au Canada, l’accessibilité des services et des ressources pour les victimes de violence fondée sur le sexe ou de violence familiale varie en fonction de la province ou du territoire, de la région et de la localité. Nous croyons qu’il faut établir des normes nationales pour assurer l’uniformité des interventions à l’échelle du pays, y compris un accès équitable aux mesures de soutien et aux services fondamentaux qui mettent l’accent sur le bien-être des victimes, comme les refuges, les maisons d’hébergement et le counseling. Nous sommes également d’avis qu’il faut veiller à ce que les travailleurs du système de justice pénale soient sensibilisés aux enjeux touchant les traumatismes, afin qu’ils puissent réagir de façon appropriée auprès de victimes de violence fondée sur le sexe et s’assurer de ne pas ajouter aux traumatismes.

Les pages qui suivent décrivent un certain nombre d’obstacles supplémentaires que nous avons relevés durant la pandémie.

Sûreté des refuges. La sécurité des refuges pour femmes battues est une préoccupation courante pour bien des gens au Canada. Les femmes peuvent hésiter à se rendre dans un refuge par crainte du coronavirus lui-même. Cela met en relief la nécessité pour les refuges d’être capables d’établir des mesures de prévention convenables. Des données probantes montrent que les craintes et les préoccupations des femmes à ce chapitre ne sont pas injustifiées. Par exemple, le Foyer pour femmes autochtones de Montréal a dû fermer ses portes le 14 mai après que la moitié du personnel du refuge ainsi que certaines résidentes ont contracté la COVID-19. Dix personnes (soit sept résidentes et trois enfants) ont été logées dans un hôtel. Le refuge, qui a été désinfecté, reprendra ses activités en juin[21].

La croissance des coûts de fonctionnement des refuges durant la pandémie est une préoccupation connexe bien documentée. Pour une sécurité maximale, les refuges doivent pouvoir compter sur davantage de membres du personnel et d’intervenantes, sur une capacité technologique accrue pour la prestation de services en ligne, sur des locaux plus grands permettant de respecter les règles de distanciation, sur davantage d’équipement de protection individuelle et sur des mesures de contrôle et d’hygiène appropriées.

Comme les refuges offrent des services essentiels (ou devraient être considérés comme des organismes offrant de tels services), les gouvernements devraient fournir gratuitement de l’équipement de protection individuelle au personnel de ces établissements. Actuellement, les refuges doivent consacrer une partie de leur modeste budget à l’acquisition de cet équipement. Cela prive les refuges de ressources qui serviraient à aider des personnes dans le besoin et à offrir les services courants.

Salaires équitables pour le personnel de première ligne. Des organismes de partout au Canada nous ont dit que leurs besoins financiers étaient supérieurs aux engagements actuels du gouvernement fédéral. Le gouvernement a promis environ trois milliards de dollars canadiens en vue d’offrir un supplément aux travailleurs de première ligne du Canada, tandis que les provinces contribuent un milliard de dollars supplémentaires[22]. Nous croyons qu’il faut également prévoir du financement pour une prime de quart destinée aux travailleurs de première ligne durant cette crise, comme celle offerte à d’autres travailleurs essentiels.

Les refuges pour femmes battues peuvent prévenir des actes de violence et le féminicide, mais ils sont depuis toujours sous-financés et à court de ressources. Ils font face à des hausses de coûts et à des baisses de flux de rentrées, en plus de devoir composer avec des obstacles à la prestation de services au public. Une augmentation permanente du financement devrait refléter l’accroissement de la demande et permettre aux refuges de combler ces besoins naissants.

Le Canada dépense des milliards de dollars pour réagir à la violence par l’intermédiaire des services policiers, des tribunaux et des services correctionnels. En revanche, seulement une fraction est affectée au financement de base des refuges pour femmes battues et des centres pour victimes d’agression sexuelle. L’admissibilité au financement est peut-être problématique : à l’heure actuelle, seuls les refuges à temps plein sont admissibles au financement. Autrement dit, ces mesures d’urgence excluent les nombreux organismes qui fournissent du soutien en travaillant avec des partenaires communautaires pour trouver un endroit sûr pouvant héberger des femmes.

Populations vulnérables. Les données probantes indiquent une croissance du risque et du nombre d’incidents de violence contre les femmes et les enfants, particulièrement chez les femmes et les enfants autochtones, racialisés, handicapés et nouvellement arrivés et chez les personnes s’identifiant comme lesbiennes, gaies, bisexuelles, transsexuelles, transgenres, allosexuelles ou bispirituelles (LGBTQ2S). Les données préliminaires soutiennent l’idée selon laquelle la pandémie frappe les communautés marginalisées plus durement que les autres[23]. De plus, ces groupes marginalisés doivent faire face à une pression structurelle considérable. Divers obstacles ont une incidence considérable sur la sécurité des femmes marginalisées ainsi que sur les inégalités auxquelles elles font face, ce qui peut contribuer à la violence[24].

Enfants. Dans une récente étude, Sistovaris et coll. (2020) font remarquer que les enfants pris en charge courent un risque accru de préjudice, en raison non seulement de l’actuelle pandémie de COVID-19, mais aussi de facteurs touchant la maltraitance physique et psychologique, la violence fondée sur le sexe, la santé mentale et la détresse psychosociale, l’exploitation par le travail, la séparation d’avec les parents ou les substituts et l’exclusion sociale. La recherche montre que les ressources et la capacité du système subissent des pressions considérables, tandis que les organismes et les intervenants en protection de l’enfance peinent à offrir des services et du soutien à leur clientèle. Les services d’aide sociale à l’enfance doivent pouvoir compter sur des stratégies de protection de l’enfance qui permettent d’accroître la coordination de tous les secteurs intervenant auprès des enfants pris en charge. Ils doivent miser sur les forces et les mécanismes d’adaptation positifs des collectivités, des familles, des fournisseurs de soins et des enfants. Comme ils doivent subvenir aux besoins de leurs clients, les services d’aide sociale à l’enfance doivent bénéficier des ressources et des mesures de soutien qui leur permettront de fonctionner non seulement maintenant, mais aussi dans les environnements antérieurs et postérieurs à une pandémie[25].

Peuples autochtones[26]. Comme l’a souligné l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, les femmes autochtones faisaient face à des niveaux de violence supérieurs à ce que subissaient toutes les autres femmes au Canada avant la pandémie. Le rapport final de l’Enquête a révélé que les taux renversants de violence dirigée contre les femmes, les filles et les personnes LGBTQ2S des communautés autochtones au Canada sont le fruit de violations persistantes et délibérées des droits de la personne et des droits des Autochtones[27].

La pandémie de COVID-19 présente une grave menace à la santé des peuples autochtones du Canada et du monde, et elle exacerbe les iniquités sociales qui affligeaient déjà les communautés autochtones. Nous devons concentrer notre attention sur les premiers peuples du pays et fournir les ressources nécessaires pour veiller à ce qu’ils aient à leur disposition ce qu’il faut pour lutter contre la pandémie. Comme l’a récemment écrit Anne Nuorgam, présidente de l’Instance permanente sur les questions autochtones des Nations Unies (2020)[28] :

[Traduction]

« Les communautés autochtones affichent déjà un accès médiocre aux soins de santé, des taux de maladies transmissibles et non transmissibles beaucoup plus élevés et des lacunes sur le plan de l’accès aux services essentiels, aux mesures sanitaires et à d’autres mesures préventives clés, comme de l’eau potable, du savon et du désinfectant. De même, la plupart des installations médicales locales — si tant est qu’il y en ait — manquent souvent d’équipement et de personnel. Même lorsqu’ils sont capables d’accéder à des services de santé, les peuples autochtones peuvent faire face aux préjugés et à la discrimination. Un facteur clé est de veiller à ce qu’on fournisse ces installations et services en langues autochtones et, au besoin, d’une façon adaptée à la situation particulière des peuples autochtones. »

 

Le Canada doit s’assurer que les services sont offerts et accessibles à la population autochtone. Nous ne pouvons laisser personne passer entre les mailles du filet. Nous souscrivons à l’opinion de Nuorgam (2020) selon laquelle l’information relative aux maladies infectieuses et aux mesures de prévention devrait être accessible en langues autochtones. La communication dans sa propre langue est un déterminant social clé de la santé. L’accès en temps opportun à de l’information culturellement appropriée dans des formats accessibles et compris par tous est essentiel pour que les gens, surtout les plus vulnérables, arrivent à se prendre en charge dans le contexte d’une crise sanitaire mondiale. De plus, nous ne pouvons tenir pour acquis que tous ont accès à cette information sur Internet, surtout dans les régions les plus éloignées du Canada. Il faut également communiquer l’information par d’autres moyens, comme la radio, la télévision et des imprimés.

Au Canada, de nombreux Autochtones vivent dans un foyer multigénérationnel, ce qui amplifie le risque couru durant la pandémie, surtout pour les personnes âgées. Nous devons reconnaître et honorer leur résilience ainsi que la façon dont ils utilisent les pratiques et le savoir traditionnels pour faire face aux effets de la pandémie. Certaines communautés des Premières nations du Nord canadien utilisent des plateformes numériques comme Zoom ou FaceTime pour que les jeunes puissent communiquer avec les aînés et les gardiens du savoir et garder le contact avec leur identité culturelle. Cette mesure a été d’une aide inestimable pour de nombreux jeunes cherchant à nouer des liens durant cette période d’incertitude[29].

Les femmes autochtones sont 3 fois plus susceptibles que les autres femmes d’être victimes de violence[30]. Bien qu’elles ne comptent que pour 4 % de la population féminine du Canada, les femmes autochtones représentent au moins 25 % des femmes victimes de meurtre. Dans le cadre d’une enquête menée récemment auprès de plus de 250 femmes autochtones, 1 répondante sur 5 a déclaré avoir été victime de violence physique ou psychologique au cours des 3 derniers mois[31]. De plus, comme de nombreux refuges et centres pour victimes d’agression sexuelle au Canada ne sont pas dirigés par des Autochtones ni ne leur sont destinés, de nombreuses femmes autochtones ne s’y rendront pas. Même à Toronto, plus grande ville du pays, il n’y a toujours pas de refuge destiné exclusivement aux femmes autochtones.

Dans l’ensemble, il appert que les familles et les femmes autochtones comptent parmi les groupes les plus durement touchés par la violence au foyer découlant des mesures obligatoires de confinement. Si ces femmes quittent leur foyer, elles sont à la merci de refuges et d’organismes dont le financement et les ressources ont baissé.

Populations racialisées. Les femmes racialisées courent toujours un risque plus élevé de subir la violence fondée sur le sexe en raison des iniquités structurelles convergentes auxquelles elles font face, et la pandémie amplifie ces iniquités. Selon les données les plus récentes, lorsqu’on interroge des femmes racialisées au sujet de leur emploi, elles déclarent le plus souvent travailler dans le secteur des services[32]. Elles touchent généralement un revenu inférieur à celui de leurs homologues non racialisées, et elles sont plus susceptibles de faire partie d’un ménage à faible revenu. En outre, elles se disent plus souvent victimes de discrimination fondée sur le sexe. Ces facteurs démontrent que les répercussions socioéconomiques de la pandémie de COVID-19 sur les femmes racialisées sont graves. Nous savons qu’en temps normal, de nombreuses femmes cherchent à mettre de l’argent de côté dans l’espoir de quitter un conjoint violent. Par contre, en raison de la croissance des taux de chômage occasionnée par la pandémie, il est impossible pour nombre d’entre elles — notamment pour les femmes racialisées — d’épargner.

Cette réalité fait ressortir le besoin d’adopter à l’égard de la violence fondée sur le sexe une approche de santé publique où l’accroissement de l’accès aux soins de santé, à l’éducation et à la vie économique pour l’ensemble de la population peut contribuer à la sécurité de tous. L’autonomie financière, la sécurité du revenu et le soutien à la garde d’enfants sont des enjeux cruciaux qui influent sur la sécurité des femmes qui subissent de la violence, mais c’est particulièrement vrai dans le cas des femmes racialisées. Pour cette raison, la prise de mesures favorisant l’autonomisation économique des femmes doit être au cœur de ces approches.

Communauté LGBTQ2S. Les personnes LGBTQ2S font face à des taux élevés de violence familiale au Canada, et elles sont plus susceptibles que la population générale d’être aux prises avec des difficultés financières et des problèmes de santé. Les jeunes LGBTQ2S affichent également des taux élevés d’isolement social, d’intimidation et de tentative de suicide, autant de facteurs qui risquent de s’accroître durant la pandémie de COVID-19. En raison des mesures de distanciation physique, nombre d’entre eux ont perdu le contact avec leur groupe de soutien et leur cercle d’amis et sont peut-être confinés dans un foyer où ils ne bénéficient d’aucun soutien.

Maintenant plus que jamais, il est crucial pour les membres de la communauté LGBTQ2S de garder le contact les uns avec les autres et avec le réseau de soutien élargi de la communauté LGBTQ2S afin de pouvoir continuer d’accéder à des lieux d’échange sécuritaires et à une communauté virtuelle. Cependant, nous savons que de nombreux centres et organismes LGBTQ2S ont du mal à poursuivre leurs activités, ne serait-ce que virtuellement. Ces organismes fournissent des services essentiels en temps de crise, comme du counseling et de l’aide à la recherche de solutions de logement lorsque la sécurité et le bien-être d’une personne sont à risque. Nous ne saurions trop insister sur l’importance de soutenir financièrement les organismes LGBTQ2S durant la pandémie.

Nouveaux arrivants. Les femmes nouvellement arrivées au Canada présentent diverses caractéristiques identitaires qui les amènent à faire l’objet de stéréotypes et de discrimination et qui pourraient mener à la marginalisation socioéconomique, à l’insécurité financière, à l’isolement et à des rapports de force inégaux dans leurs relations. En raison de ces facteurs, les femmes nouvellement arrivées au Canada peuvent être plus vulnérables à la violence fondée sur le sexe. Par exemple, une récente analyse de santé publique des cas de COVID-19 à Toronto a révélé que les quartiers de la ville affichant les revenus les plus faibles, les taux de chômage les plus élevés et les plus fortes concentrations de nouveaux arrivants présentent toujours deux fois plus de cas et plus du double du taux d’hospitalisation[33].

Dans l’ensemble, au Canada, la pandémie de COVID-19 a accru la marginalisation économique et le chômage. L’expérience peut s’avérer difficile pour les familles nouvellement arrivées, surtout si les hommes jouent le rôle de pourvoyeur du ménage. Le chômage a été associé à l’utilisation de mesures punitives contre les enfants et à une montée de l’alcoolisme et de la violence[34]. Étant donné que davantage de personnes se retrouvent sans emploi et connaissent des difficultés financières, nous assisterons probablement à une augmentation de la violence fondée sur le sexe exercée par des hommes voulant réaffirmer leur masculinité. Cette réalité sera exacerbée par le fait que les femmes et les familles nouvellement arrivées sans statut de citoyen feront face à des obstacles pour ce qui est d’accéder à de l’information, à du counseling, à des services communautaires, à des services médicaux et à des services d’urgence.

Le fait de prendre des mesures pour atténuer les difficultés socioéconomiques et la marginalisation subies par les nouveaux arrivants au Canada pourrait faciliter leur intégration. Grâce à de telles mesures, les femmes seraient mieux outillées pour tirer parti d’occasions d’assurer leur autonomie financière. Comme nous l’avons fait remarquer dans le cas des peuples autochtones, la capacité d’accéder à de l’information dans sa propre langue est un déterminant social clé de la santé. Il importe que les nouvelles arrivantes sachent qu’elles peuvent accéder à des services de soutien communautaire culturellement pertinents sans craindre de répercussions sur leur statut d’immigration.

 

  1. Exemples de pratiques exemplaires gouvernementales en matière de prévention et de lutte contre la violence faite aux femmes et la violence familiale et d’atténuation d’autres répercussions sexospécifiques de la pandémie de COVID-19

Le premier ministre du Canada a annoncé un financement supplémentaire de 50 millions de dollars canadiens destiné aux refuges et aux centres d’aide aux victimes d’agression sexuelle pour combler les besoins urgents durant la pandémie. Cet argent apporte une aide cruciale aux refuges ayant besoin de renforcer leurs capacités et d’accéder aux ressources supplémentaires qu’il leur faut pour protéger les femmes et les enfants et pour s’assurer de gérer ou de prévenir les éclosions. Cela dit, cette somme s’avère modeste lorsqu’on s’arrête au financement par organisme :

  • jusqu’à 26 millions de dollars canadiens pour 575 refuges pour femmes battues (environ 45 217 $ chacun);
  • jusqu’à 4 millions de dollars canadiens pour 193 centres d’aide aux victimes d’agression sexuelle (environ 20 725 $ pour chaque centre d’aide ou maison de transition);
  • un financement de 10 millions de dollars canadiens pour le réseau de 46 refuges d’urgence de Services aux Autochtones Canada dans les réserves et au Yukon pour soutenir les femmes et les enfants autochtones fuyant la violence (environ 217 391 $ par refuge, le montant réel reposant sur des facteurs comme la population de la réserve, l’éloignement et le nombre de places).

Le gouvernement a également créé un Fonds d’urgence pour l’appui communautaire de 350 millions de dollars canadiens destiné aux organismes communautaires offrant des services aux Canadiens et aux Canadiennes vulnérables durant la pandémie de COVID-19. Soit l’argent sera versé directement aux petits organismes de première ligne indépendants, soit il ira à de grands organismes nationaux (comme Centraide Canada) qui répartiront les fonds aux organismes locaux. En outre, le gouvernement fédéral s’est engagé à verser 45 millions de dollars canadiens sur 5 ans pour la construction de 12 nouveaux refuges qui aideront à protéger et à soutenir les femmes et les filles autochtones cherchant à fuir la violence. Ce financement permettra de construire 10 refuges dans des réserves au pays, et 2 autres dans les territoires, pour soutenir les femmes et les enfants autochtones.

Bien que ce très nécessaire financement du gouvernement fédéral soit apprécié, il faut également que tous les autres ordres de gouvernement au Canada — municipal, provincial et territorial — s’engagent pleinement à cet égard. Il incombe à tous les ordres de gouvernement de participer au financement de mesures visant à favoriser la sécurité et le bien-être de la population canadienne. Par exemple, la province de l’Ontario a investi 40 millions de dollars canadiens pour soutenir la prestation de services à domicile pour les enfants, les jeunes et les personnes ayant une déficience développementale ainsi que les refuges pour les femmes et les familles fuyant la violence au foyer[35]. L’Ontario réserve également une aide financière pour les victimes d’acte criminel et le personnel de première ligne qui continue de voir à l’administration de la justice dans le contexte de la pandémie de COVID-19. Un paiement d’urgence de plus de 2,7 millions de dollars canadiens a été consenti en vue de soutenir les services aux victimes de violence familiale et d’autres crimes violents durant la crise de la COVID-19. L’Ontario investit également 1,3 million de dollars canadiens dans la technologie pour aider les tribunaux à poursuivre la transition vers les activités à distance[36].

Il faut reconnaître que les refuges pour femmes battues, en particulier, fournissent des services essentiels et les financer à l’avenant, comme l’a fait la province de l’Alberta. Même avant la pandémie, les refuges — qui offrent un hébergement sécuritaire, besoin fondamental et essentiel — étaient constamment aux prises avec des pénuries de personnel et de ressources tout en fonctionnant à plein régime, ou presque. Par exemple, les refuges dans la province de la Saskatchewan devaient refuser l’accès à des femmes et à des enfants fuyant la violence familiale environ 600 fois par mois, en raison du manque de ressources[37]. Les refuges doivent pouvoir compter sur des ressources financières supplémentaires pour être aussi adaptables et souples que possible face à l’évolution d’une crise de santé publique.

Nous avons entendu que de nombreuses femmes ignorent vers qui se tourner ou quelle aide chercher dans leur localité. Lorsque la sécurité est compromise, l’accès à l’information est crucial. Nous devons soutenir les refuges et d’autres organisations non gouvernementales (ONG) afin de renforcer la capacité sur le plan des ressources technologiques et de l’infrastructure numérique, étant donné le passage massif aux services en ligne, surtout du côté des services de counseling. Un soutien accru à l’égard de la capacité technologique permettrait de combler ce besoin à long terme. Nous recommandons également les pratiques exemplaires suivantes :

  • Établir une ligne d’aide nationale relative à la violence conjugale et familiale offrant également la possibilité d’échanges par clavardage et par messages texte ainsi que des services d’aiguillage vers d’autres ressources. Cela ressemblerait à l’initiative Espace mieux-être Canada établie par l’Agence de la santé publique du Canada pour réagir aux préoccupations croissantes concernant la santé mentale.
  • Lancer une campagne de sensibilisation publique nationale visant les personnes vulnérables ainsi que les hommes et les garçons qui risquent d’utiliser la violence, les mauvais traitements et le contrôle coercitif dans leurs relations. En plus de sensibiliser la population canadienne aux répercussions sexospécifiques de la pandémie en faisant ressortir les réalités de la violence familiale, une telle campagne permettrait aussi de diriger les personnes dans le besoin vers des lieux sûrs et des ressources, comme des refuges pour femmes battues, des centres d’aide aux victimes d’agression sexuelle et des organismes de services aux victimes.
  • Établir une banque de ressources centralisée ainsi qu’un espace de communication permettant aux organismes et aux particuliers d’accéder à des outils et à des ressources et d’échanger sur les pratiques exemplaires et les leçons tirées. Nous devons tirer parti de la technologie afin de pouvoir offrir aux enfants et aux jeunes des façons de signaler en toute sécurité des cas de négligence et de violence.

 

  1. Exemples de pratiques exemplaires en matière de prévention et de lutte contre la violence faite aux femmes et la violence familiale et d’atténuation d’autres répercussions sexospécifiques de la pandémie de COVID-19 pour les ONG et les INRS ou les organismes de promotion de l’égalité

Approches novatrices. Nous devons mettre au point des façons novatrices d’aider les femmes à demander et à obtenir du soutien sans alerter leur agresseur. À ce chapitre, nous avons beaucoup à apprendre de nos homologues européens. Par exemple, le gouvernement de l’Italie a conçu une application qui permet aux victimes de demander de l’aide sans téléphoner. En France, on encourage les femmes à demander de l’aide dans les pharmacies, qui servent de lieu sûr où elles peuvent communiquer leur besoin de sécurité. Le gouvernement de la France subventionne également des hôtels où les victimes peuvent se mettre en quarantaine en toute sécurité. Le secrétaire général de l’ONU a évoqué l’idée d’établir dans les pharmacies et dans les épiceries des systèmes d’urgence qui permettraient aux femmes de demander de l’aide lorsqu’elles sortent faire des emplettes. Les organismes ont besoin d’un financement qui leur procurera la souplesse voulue pour joindre les gens de façon novatrice, par exemple grâce au clavardage en ligne et aux messages texte.

Lorsque les refuges sont pleins, les femmes peuvent tout de même tirer parti d’un accès à des groupes de soutien et de défense novateurs. Par exemple, Samra Zafar, survivante et intervenante en matière de violence fondée sur le sexe, de Toronto (Ontario), tient chaque semaine des webinaires gratuits où des experts offrent des conseils touchant des questions juridiques ou la planification de sa sécurité[38]. On décrit ses webinaires comme des « cercles de réseautage sur la violence familiale ». En tant que conférencière, Mme Zafar fait la promotion de l’autonomisation et de l’inclusion des femmes, inspirant l’espoir et la résilience. Ce système de soutien virtuel est une pratique prometteuse qui aide à informer les femmes de leurs droits juridiques, par exemple la façon d’obtenir une ordonnance de non-communication et de rester dans leur demeure.

La décision d’Uber Canada d’offrir gratuitement de conduire les victimes de violence familiale à un endroit sûr est un autre exemple de pratique exemplaire. Les organismes servant les femmes aux quatre coins du Canada répondent de diverses façons. De nombreux efforts positifs sont déployés, mais un financement supplémentaire est toujours nécessaire aux fins d’activités de prévention et de communications massives.

Pour ce qui est des mesures de prévention efficaces, nous aimerions mentionner celles prises par l’organisme Ending Violence Association of British Columbia[39], qui offre plusieurs programmes de prévention. Le programme Be More Than a Bystander, lancé en 2011, est digne de mention. Il repose sur un partenariat novateur et une campagne de sensibilisation publique avec une équipe de football professionnel. La campagne présentait des joueurs qui parlaient de la violence faite aux femmes et de l’importance de relations respectueuses. En 2015, cette initiative a mené à l’élaboration de la politique d’intervention en matière de violence faite aux femmes de la Ligue canadienne de football, qui s’applique à tous les joueurs, les entraîneurs, les arbitres, les membres de la direction et les employés de la ligue à l’échelle du Canada. Le programme invite les hommes à assumer leur part de responsabilité et à jouer un rôle actif dans la création d’un changement positif. Fait plus important encore, elle montre en quoi la participation des hommes et des garçons en tant qu’alliés est cruciale pour la prévention de la violence fondée sur le sexe.

La page Web du Centre for Research & Education on Violence Against Women & Children de l’Université Western Ontario, intitulée Resources on Gender-Based Violence and the COVID-19 Pandemic, est une autre pratique porteuse. Cette page Web évolutive est une plateforme centralisée offrant des ressources liées à la violence fondée sur le sexe et à la pandémie de COVID-19. Elle contient de l’information sur plus d’une douzaine de sujets, comme les tribunaux de la famille, le logement et l’itinérance, la technologie et le télétravail. On y explique comment la distanciation sociale et l’arrêt des services non essentiels ont changé le paysage des services de soutien et peuvent accroître l’exposition de certaines personnes à la violence (p. ex. : violence conjugale, violence sexuelle, violence envers les enfants). La page fournit de l’information sur les études menées par des organisations canadiennes ainsi que sur les activités de recherche clés menées dans le monde[40].

Le BOFVAC se réjouit également de collaborer avec le Réseau municipal canadien en prévention de la criminalité et ses membres à la création d’un réseau national ayant pour but d’aider les collectivités à créer des stratégies locales de prévention de la violence durant une pandémie comme celle que nous vivons actuellement. On nous a également invités à siéger à un comité interministériel fédéral sur les femmes et sur l’égalité des sexes chargé d’élaborer un plan d’action national relatif à la violence fondée sur le sexe.

À l’instar des fonctionnaires de la province de la Colombie-Britannique, nous devons faire comprendre à tout le monde que la sécurité immédiate des femmes est plus importante que la distanciation physique ou l’auto-isolement. Cela suppose l’élaboration et la diffusion immédiates de messages publics et de campagnes permettant d’atteindre les personnes vulnérables et de les guider vers la sécurité et les ressources, si elles en ont besoin, comme les refuges pour femmes battues, les centres d’aide aux victimes d’agression sexuelle et les organismes de services aux victimes. Il importe également que le gouvernement prenne des mesures pour cibler et atteindre les hommes qui risquent d’utiliser la violence, les mauvais traitements et le contrôle coercitif dans leurs relations.

 

  1. Renseignements supplémentaires sur les répercussions de la crise de la COVID-19 sur la violence familiale à l’égard des femmes qui n’ont pas été abordées dans les questions ci-dessus

Le Canada n’a pas encore fait de promotion à grande échelle ni n’a consenti de financement à l’égard d’approches, de pratiques et de programmes de prévention visant à réduire ou à gérer la violence familiale durant la pandémie de COVID-19. Nous croyons qu’il faut déployer davantage d’efforts proactifs pour prévenir la violence. Nous devons cibler les personnes qui présentent un risque moins élevé afin d’éviter que des tensions à la maison ne dégénèrent en violence. Si nous communiquons dès maintenant au sujet des principes, des approches et des programmes, nous pouvons désamorcer la violence avant qu’elle éclate dans les familles canadiennes présentant un faible risque de violence au foyer.

Il existe des méthodes éprouvées de soutien au changement de comportement que nous pouvons faire connaître à la population afin de prévenir la violence dans les demeures et de réduire la pression subie par nos systèmes d’intervention (p. ex. : refuges pour femmes battues, services de police et soins de santé). Le BOFVAC a demandé au gouvernement du Canada d’offrir immédiatement des services et de l’information sur la prévention par l’intermédiaire de plateformes en ligne ou d’applications. Voici quelques exemples d’aspects que nous pourrions promouvoir à grande échelle durant la pandémie afin d’offrir des solutions à court et à long termes :

  • compétences touchant la médiation et les relations saines;
  • stratégies de résolution de conflits pacifiques, y compris l’écoute active;
  • compétences parentales positives;
  • façons de réduire la violence des hommes, inspirées de Stop Now And Plan (SNAP)[a],[41], du fait de « devenir un homme » et des concepts de saine masculinité;
  • transformation des croyances et des attitudes à l’égard des femmes et de la violence au foyer;
  • campagnes publicitaires payées visant à sensibiliser les gens à leur rôle dans la prévention de la violence et dans les interventions destinées à y mettre fin;
  • renforcement des capacités et sensibilisation au rôle des aidants informels et des témoins.

Lorsqu’il est question de financer des programmes et des services, les gouvernements tendent à se montrer réactifs plutôt que proactifs. Par conséquent, le financement est habituellement consenti après la crise, et non avant. Nous devons travailler à réorienter cette optique de façon à ce que la prévention soit mise au premier plan. Il n’est pas facile d’interpeller les agresseurs potentiels, habituellement des hommes. Certains travaux de prévention menés au Canada insistaient sur l’amorce de conversations avec des hommes et des garçons sur l’égalité des sexes, sur les stéréotypes sexuels, sur les relations saines et positives et sur les formes nuisibles de masculinité qui découlent de normes sociales patriarcales. L’intervention auprès d’hommes et de garçons est essentiellement une mesure préventive, et les données probantes relatives à son efficacité s’accumulent[42].

Conclusion

La violence fondée sur le sexe et la violence familiale sont à la fois des enjeux de santé publique et des violations des droits de la personne des femmes et des enfants. Au Canada, nous devons envisager toutes les activités de préparation, d’intervention et de rétablissement liées à la COVID-19 sous l’angle de la sexospécificité, ce qui suppose de réaliser une rigoureuse analyse de la diversité pour nous assurer qu’aucune personne n’est laissée à elle-même[b],[43]. Nous devons amplifier la voix des personnes survivantes et des groupes de femmes les plus susceptibles d’être victimisées, comme les femmes et les enfants autochtones, les femmes handicapées, les nouvelles arrivantes, les enfants et les femmes réfugiés et les membres de la communauté LGBTQ2S. Un plan ayant pour but de prévenir la violence fondée sur le sexe doit être intersectionnel afin que nous puissions susciter une transformation systémique fructueuse qui agira sur les causes fondamentales de la violence faite aux femmes et de la violence fondée sur le sexe. Le plan doit accorder la priorité à la sécurité des victimes : sa réussite en dépend. Nous devons collaborer avec les victimes parce qu’il y a d’autres choses à accomplir dans la lutte contre la violence familiale. De plus, nous devons financer la prévention de façon conséquente et faire en sorte que le financement destiné aux organismes de la société civile offrant des services de première ligne soit durable.

À mesure que le Canada passe en mode intervention et rétablissement à l’égard de la pandémie, il est crucial de mettre l’accent sur la prévention afin de réduire de façon importante la violence fondée sur le sexe et la violence familiale. La prévention en amont (c’est-à-dire avant que la violence survienne) suppose l’adoption d’approches en matière de sécurité communautaire et de bien-être qui vont au-delà de la simple absence de crime : il faut délibérément créer un environnement où chacun peut tirer parti d’un éventail de possibilités de grandir, d’apprendre, de travailler, de jouer, de nouer des liens, d’aimer et d’être aimé. La crise actuelle nous offre une occasion de prendre des mesures pour veiller à ce que, dorénavant, les programmes que nous concevons tiennent compte de la réalité de toutes les Canadiennes et de tous les Canadiens et favorisent réellement le bien-être et la dignité de tous.

 

 

Notes de fin

[a]Stop Now And Plan (SNAP) est un modèle cognitif et comportemental sexospécifique reposant sur des données probantes qui fournit un cadre pour l’enseignement de compétences efficaces de régulation des émotions, de maîtrise de soi et de résolution de problèmes aux enfants ayant des problèmes de comportement (et à leurs parents). Le but principal de cette démarche est de veiller à ce que les enfants et les jeunes restent à l’école et s’évitent des problèmes en apprenant à faire de meilleurs choix « dans le moment ». Fort de 30 années de recherche rigoureuse et de plus de 15 années d’expérience dans la mise en œuvre, le modèle SNAP est un modèle d’excellence scientifique et clinique.

[b] Voir la liste d’actions clés à réaliser pour prendre en compte les dimensions sexospécifiques de la crise de la COVID 19 (en anglais seulement) élaborée par Women Deliver, en collaboration avec le secrétaire général des Nations Unies et le Conseil consultatif sur l’égalité des sexes du G7, à l’intention des jeunes leaders de Women Deliver, des organismes de femmes et du conseil d’administration de sociétés internationales.

[1]. Myrna Dawson, « Everyday terrorism: A woman or girl is killed every other day in Canada », The Conversation, 15 juillet 2018, https://theconversation.com/everyday-terrorism-a-woman-or-girl-is-killed-every-other-day-in-canada-96329.

 [2]. Shana Conroy, « Section 1 : Violence familiale envers les enfants et les jeunes au Canada, affaires déclarées par la police, 2018 », Statistique Canada, 2018, https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/85-002-x/2019001/article/00018/01-fra.htm;

Marta Burczycka, « Section 2 : Violence entre partenaires intimes au Canada, affaires déclarées par la police, 2018 », Statistique Canada, 2018, https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/85-002-x/2019001/article/00018/02-fra.htm.

 [3]. Molly Hayes, « At least nine women and girls killed in domestic homicides in Canada during pandemic », The Globe and Mail, 13 mai 2020, https://www.theglobeandmail.com/canada/article-at-least-nine-women-and-girls-killed-in-domestic-homicides-in-canada/?utm_medium=Referrer:+Social+Network+/+Media&utm_campaign=Shared+Web+Article+Links.

 [4]. Rasia Patel, « Minister says COVID-19 is empowering domestic violence abusers as rates rise in parts of Canada », CBC News, 27 avril 2020, https://www.cbc.ca/news/politics/domestic-violence-rates-rising-due-to-covid19-1.5545851.

 [5]. Canada, Statistique Canada, « Série d’enquêtes sur les perspectives canadiennes 1 : Répercussions de la COVID-19 », 8 avril 2020, https://www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/200408/dq200408c-fra.htm.

 [6]. « Prôner une forte optique d’égalité des genres sur la pandémie de la COVID-19 », Fondation canadienne des femmes, 23 avril 2020, https://canadianwomen.org/blog/lettre-covid-19/.

 [7]. https://www.cmaj.ca/content/cmaj/suppl/2020/05/21/cmaj.200634.DC1/200634-com-FR.pdf.

 [8]. Rasia Patel, « Minister says COVID-19 is empowering domestic violence abusers as rates rise in parts of Canada », CBC News, 27 avril 2020, https://www.cbc.ca/news/politics/domestic-violence-rates-rising-due-to-covid19-1.5545851.

 [9]. Jude McCulloch et JaneMaree Maher, « The intimate connection between mass shootings and violence against women », Policy Options Politiques, 7 mai 2020, https://policyoptions.irpp.org/magazines/may-2020/the-intimate-connection-between-mass-shootings-and-violence-against-women/.

 [10]. Alastair Sharp, « A spike in domestic violence happening in Toronto due to COVID-19 experts say », Canada’s National Observer, 28 avril 2020, https://www.nationalobserver.com/2020/04/28/news/spike-domestic-violence-happening-toronto-due-covid-19-experts-say.

 [11]. Pas bien chez soi à Ottawa, consulté le 26 mai 2020, https://www.crimepreventionottawa.ca/fr/.

 [12]. Alastair Sharp, « A spike in domestic violence happening in Toronto due to COVID-19 experts say », Canada’s National Observer, 28 avril 2020, https://www.nationalobserver.com/2020/04/28/news/spike-domestic-violence-happening-toronto-due-covid-19-experts-say.

 [13]. Rasia Patel, « Minister says COVID-19 is empowering domestic violence abusers as rates rise in parts of Canada », CBC News, 27 avril 2020, https://www.cbc.ca/news/politics/domestic-violence-rates-rising-due-to-covid19-1.5545851.

 [14]. Denise Ryan, « COVID-19: Pandemic has led to an increase in domestic violence in B.C. », The Guardian, 18 mai 2020, https://www.theguardian.pe.ca/news/canada/covid-19-pandemic-has-led-to-an-increase-in-domestic-violence-in-bc-451177/.

 [15]. Andrea Gunraj et Jessica Howard, « Why is the COVID-19 Pandemic Linked to More Gender-Based Violence? », Fondation canadienne des femmes, 9 avril 2020, https://canadianwomen.org/blog/covid-19-pandemic-gender-based-violence/.

 [16]. Myrna Dawson, « Everyday terrorism: A woman or girl is killed every other day in Canada », The Conversation, 15 juillet 2018, https://theconversation.com/everyday-terrorism-a-woman-or-girl-is-killed-every-other-day-in-canada-96329.

 [17]. Alanna Smith, « Helping hand for shelter; Hotels offer overflow accommodations to women fleeing domestic violence », Agility PR Solutions, 22 mai 2020, https://enterprise.mediamiser.com/fe/ls/?access=28c0bb61351bba5f81f56732ad03542d&article=309159.

 [18]. Jonny Wakefield, « COVID-19’s toll on Alberta’s fraught family court system », Edmonton Journal, 17 mai 2020, https://edmontonjournal.com/news/local-news/covid-19s-toll-on-albertas-fraught-family-court-system/.

 [19]. Gérard Lévesque, « La justice doit être rendue, même en temps de crise », l-express.ca, 13 mai 2020, https://l-express.ca/la-justice-doit-etre-rendue-meme-en-temps-de-crise/.

 [20]. CTV News, « Jury trials won’t resume in Ontario until at least September », 21 avril 2020, https://toronto.ctvnews.ca/jury-trials-won-t-resume-in-ontario-until-at-least-september-1.4905641.

 [21]. Anne Leclair, « Native Women’s Shelter of Montreal closes after COVID-19 outbreak », Global News, 19 mai 2020, https://globalnews.ca/news/6957369/native-womens-shelter-of-montreal-closes-after-covid-19-outbreak/.

 [22]. Ryan Tumilty, « Trudeau announces wage top-ups for front-line workers, but details unclear », National Post, 7 mai 2020, https://nationalpost.com/news/canada/covid-19-front-line-workers-minimum-wage-top-up.

 [23]. https://www.theglobeandmail.com/canada/article-how-covid-19-is-exposing-canadas-socioeconomic-inequalities/

 [24]. Todd Minerson, H. Carolo, T. Dinner et C. Jones, « Dossier d’information : Mobiliser les hommes et les garçons pour réduire et prévenir la violence sexiste », Condition féminine Canada, 2011.

[25]. Marina Sistovaris et coll., Protection de l’enfance et pandémies : analyse de la littérature, Toronto, Comité des politiques, Fraser Mustard Institute of Human Development, Université de Toronto, 2020, https://cwrp.ca/sites/default/files/publications/Protection de l%27enfance et pand%C3%A9mies_Analyse de la litt%C3%A9rature_2020 Francais.pdf.

 [26]. La population autochtone du Canada inclut les Premières nations, les Inuits et les Métis. Il s’agit de groupes culturels distincts et diversifiés reconnus comme étant les premiers peuples du Canada.

 [27]. Enquête nationale sur les FFADA, « Réclamer notre pouvoir et notre place : le rapport final de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées », https://www.mmiwg-ffada.ca/fr/final-report/.

 [28]. Nations Unies, Département des affaires économiques et sociales Peuples Autochtones, « COVID-19 and Indigenous peoples », https://www.un.org/development/desa/indigenouspeoples/covid-19.html.

 [29]. Alastair Sharp, « Indigenous youth helping each other during pandemic », Canada’s National Observer, 1er mai 2020, https://www.nationalobserver.com/2020/05/01/news/indigenous-youth-helping-each-other-during-pandemic.

 [30]. Jillian Boyce, « La victimisation chez les Autochtones au Canada, 2014 », Statistique Canada, 2014, https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/85-002-x/2016001/article/14631-fra.htm.

[31]. Teresa Wright, « Violence against Indigenous women during COVID-19 sparks calls for MMIWG plan », CBC, 10 mai 2020, https://www.cbc.ca/news/canada/manitoba/violence-against-indigenous-women-action-plan-covid-19-mmiwg-1.5563528.

 [32]. Tamara Hudon, « Les femmes de minorités visibles », Statistique Canada, 3 mars 2016, https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/89-503-x/2015001/article/14315-fra.htm.

 [33]. https://www.theglobeandmail.com/canada/article-how-covid-19-is-exposing-canadas-socioeconomic-inequalities/.

 [34]. Ibid.

 [35]. Sudbury.com, « Ontario invests $40M to support residential services, emergency shelters », 16 avril 2020, https://www.sudbury.com/local-news/ontario-invests-40m-to-support-residential-services-emergency-shelters-2257803.

 [36]. Ontario.ca, « L’Ontario renforce les services aux victimes en réponse à la COVID-19 », 2 avril 2020, https://news.ontario.ca/mag/fr/2020/04/lontario-renforce-les-services-aux-victimes-en-reponse-a-la-covid-19.html.

 [37]. Kendall Latimer, « Sask. Shelters turn away people fleeing domestic violence more than 600 times per month », CBC, 4 mars 2020, https://www.cbc.ca/news/canada/saskatchewan/sask-shelters-turn-away-rates-1.5483547.

 [38]. Samra Zafar, https://www.samrazafar.com.

 [39]. Ending Violence Association of British Columbia, « Be More Than a Bystander », https://endingviolence.org/prevention-programs.

 [40]. Université Western Ontario, Centre for Research & Education on Violence Against Women & Children, « Resources on Gender-Based Violence and the COVID-19 Pandemic », http://vawlearningnetwork.ca/our-work/Resources%20on%20Gender-based%20Violence%20and%20the%20COVID-19%20Pandemic.html.

 [41]. Child Development Institute, « What is SNAP? », https://www.childdevelop.ca/programs/snap/what-snap.

 [42]. Todd Minerson, H. Carolo, T. Dinner et C. Jones, « Dossier d’information : Mobiliser les hommes et les garçons pour réduire et prévenir la violence sexiste », Condition féminine Canada, 2011.

[43]. Katja Iversen, « Applying a Gender Lens to COVID-19 Response and Recovery », Medium.com, 5 mai 2020, https://medium.com/@Katja_Iversen/applying-a-gender-lens-to-covid-19-response-and-recovery-2fe19255746f.