Lettre adressée au ministre Bill Blair concernant l’annulation de toutes les comparutions d’observateurs aux audiences en réponse de la pandémie
Le 20 mars 2020
Par courriel
L’honorable Bill Blair
Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile
269, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario) K1A 0P8
c. c. : L’honorable David Lametti, C.P., c.r., ministre de la Justice et procureur général du Canada
Monsieur le Ministre,
Une partie importante de mon mandat à titre d’ombudsman fédérale des victimes d’actes criminels consiste à cerner les problèmes systémiques qui ont une incidence négative sur les victimes et les survivants d’actes criminels, et à recommander des mesures que le gouvernement fédéral peut prendre pour rendre ses lois, ses politiques et ses programmes plus adaptés à leurs besoins.
J’ai été informée cette semaine qu’en réponse à la pandémie de la COVID-19, la Commission des libérations conditionnelles du Canada a annulé toutes les comparutions d’observateurs à ses audiences jusqu’à nouvel ordre. Bien qu’il s’agisse d’une mesure temporaire et conforme à la suspension par le Service correctionnel du Canada de toutes les visites dans les établissements, cette mesure a des effets négatifs sur les victimes d’actes criminels. Depuis, mon bureau a reçu un certain nombre de plaintes de la part de victimes et d’intervenants partout au Canada.
Je comprends qu’il faut prendre des précautions pendant cette crise de santé publique, mais les victimes d’actes criminels ne sont pas de simples membres du public ou des observateurs généraux du processus. Les victimes ont le droit de participer et de faire connaître leur point de vue en vertu de la Charte canadienne des droits des victimes. Cette loi fédérale a un statut quasi‑constitutionnel et il s’agit de l’une des rares lois qui prévalent sur toute autre loi (passée et à venir). Il est donc particulièrement important de s’efforcer de tenir compte des victimes et des survivants, et c’est aussi la bonne chose à faire, compte tenu du préjudice qu’elles ont personnellement subi envers leur intégrité corporelle, leur bien-être général et leur tranquillité d’esprit.
D’après ce que je comprends, les victimes ne disposent pas de mesures d’adaptation comme l’utilisation de vidéoconférences pendant cette période. Cette technologie pourrait être utilisée pour permettre aux victimes de lire une déclaration de la victime à la Commission et d’observer les procédures. Si la Commission tient des audiences de cette façon et que les délinquants participent à des audiences par vidéoconférence, les victimes devraient également avoir cette possibilité pendant la pandémie.
Le site Web de la CLCC précise : « les victimes continueront à recevoir toutes les informations auxquelles elles ont droit selon la loi » et « Si une victime a fait une déclaration de la victime, cette déclaration sera prise en compte par les commissaires lors de leur décision ». Le fait d’être informée que la Commission lira sa déclaration est très différent de la présence physique pour la lire et observer l’incidence de la déclaration sur la Commission et le délinquant. Les victimes bénéficient également de la façon dont le délinquant répond aux questions des commissaires en leur présence. Assister à une audience donne aux victimes un certain sentiment de contrôle après que ce contrôle leur a été retiré par des actes de violence.
Dans l’intérêt de la sécurité publique et de l’équité des processus décisionnels, les points de vue et les préoccupations des victimes doivent être entendus et considérés comme faisant partie intégrante de la décision de la Commission. Dans le cas contraire, le public perdra confiance dans un processus fermé et qui semble moins que transparent.
Une réunion est prévue le 23 mars avec Trevor Bhupsingh, SMA par intérim. Cependant, étant donné l’urgence de cette question pour mes intervenants, je ne pouvais plus attendre pour y répondre. J’espère que vous êtes d’accord sur l’importance de travailler en collaboration pour respecter les droits des victimes dans le processus fédéral des services correctionnels et de la mise en liberté sous condition. J’attends votre réponse avec impatience.
Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, mes salutations distinguées.
Heidi Illingworth
Ombudsman fédérale des victimes d’actes criminels