Lettre adressée aux honorables leaders de la Chambre des communes pour se joindre à notre appel a à l’action et entreprendre un examen législatif de la Charte canadienne des droits des victimes
Le 9 avril 2021
Par courriel
Gérard Deltell, Leader à la Chambre de l'opposition officielle
Alain Therrien, Leader à la Chambre du Bloc Québécois
Objet : Examen législatif de la CCDV
Honorables leaders de la Chambre,
En tant qu’ombudsman fédérale des victimes d’actes criminels, mon mandat est de veiller à ce que les droits des victimes et des survivants d’actes criminels soient respectés et maintenus, et à ce que le gouvernement fédéral respecte ses obligations envers eux.
Je vous écris dans le contexte de l’urgence d’un examen parlementaire du projet de loi C-32, la Charte canadienne des droits des victimes (CCDV), adopté en 2015.
Fondée sur la Déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux victimes d’abus de pouvoir et sur la Déclaration canadienne des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité, la Charte accorde aux victimes quatre droits statutaires :
- Recevoir des informations sur les procédures judiciaires liées au crime commis à son encontre;
- Participer aux procédures judiciaires;
- Être protégé de l’accusé/du délinquant;
- Demander au délinquant de restituer les pertes financières subies en raison du délit.
La Charte prévoit également l’obligation de désigner ou d’établir un comité parlementaire chargé de la réviser cinq ans après son entrée en vigueur.
L’objectif d’un examen est de donner au Parlement l’occasion d’évaluer l’efficacité de la CCDV pour garantir le respect des droits des victimes d’actes criminels, et d’évaluer dans quelle mesure le gouvernement fédéral a réussi à remplir ses obligations envers les victimes.
L’examen du système de justice pénale du Canada publié en 2019 par le ministère de la Justice reconnaît que les victimes se sentent souvent « revictimisées » par le système, et plaide en faveur de la nécessité d’apporter des changements majeurs pour soutenir les droits des victimes, des survivants et de leurs familles. Cette reconnaissance, associée à ce que j’avais entendu de la part des victimes, m’a inquiétée quant à l’efficacité de la CCDV.
Ainsi, en 2020, mon Bureau a procédé à une évaluation indépendante de l’efficacité de la CCDV, et, le 25 novembre 2020, j’ai publié le Rapport d’étape : La Charte canadienne des droits des victimes. Ce rapport d’étape comprend une analyse des expériences des victimes en relation avec les quatre droits statutaires énoncés dans la législation. Des rencontres avec des victimes, des organisations d’aide aux victimes, des policiers, des universitaires et d’autres intervenants ont permis d’étayer mes conclusions et mes recommandations.
Selon l’analyse des données disponibles, il apparaît que les objectifs de la Charte ne sont pas atteints :
- La mise en œuvre de la Charte a été sporadique et incohérente dans tout le pays;
- Les possibilités de formation pour les représentants de la justice pénale ont été limitées;
- Il n’y a pas eu d’effort de sensibilisation du public à l’échelle pancanadienne pour informer les citoyens de leurs droits.
La conclusion inéluctable est que la situation des victimes de la criminalité n’a pas fondamentalement changé depuis l’entrée en vigueur de la CCDV.
Seul le Parlement peut prendre les mesures nécessaires pour améliorer la législation afin qu’elle réponde vraiment aux besoins des quelque deux millions de Canadiens qui sont victimes d’actes criminels chaque année. Je vous demande donc vivement, dans vos rôles respectifs, de collaborer avec vos collègues parlementaires pour entreprendre une révision de la CCDV dans les meilleurs délais.
Je crois que le Comité permanent de la justice et des droits de la personne serait le mieux outillé pour entreprendre cet examen, mais je comprends que cette décision serait laissée à la discrétion du Parlement.
Pour s’assurer que les victimes d’actes criminels sont au cœur des actions du gouvernement fédéral en matière de lutte contre la violence et la criminalité, l’organisme d’examen pourrait envisager l’élaboration d’une série de règlements pour soutenir la mise en œuvre de la CCDV, ce qui fait défaut depuis 2015. Sans un cadre concret, tel que des règlements fourniraient, les fonctionnaires qui dispensent les services judiciaires aux Canadiens ont travaillé dans le vide. Voici quelques exemples de facteurs à prendre en compte lors de la mise en œuvre de la Charte :
- Créer des normes nationales pour le traitement des victimes;
- Fournir une formation complète sur la CCDV et sur la manière de la mettre en œuvre à l’intention du personnel de la justice pénale dans tout le Canada, afin que le traitement des victimes soit cohérent et égal dans tout le pays;
- Adopter des méthodes pour garantir que les victimes reçoivent automatiquement des informations sur leurs droits;
- Élaborer des campagnes de sensibilisation du public pour informer les citoyens de leurs droits en tant que victimes de la criminalité;
- Renforcer les capacités des organismes d’aide aux victimes grâce à un financement durable et stable;
- Veiller à ce que les recours juridiques et administratifs soient facilement accessibles aux victimes dont les droits n’ont pas été respectés;
- Mettre en œuvre la collecte de données cohérentes au niveau national sur le traitement des victimes dans le système de justice pénale.
Je fournirai avec plaisir toute l’aide nécessaire au comité désigné pour entreprendre l’examen.
Sincères salutations,
Heidi Illingworth
Ombudsman fédérale des victimes d’actes criminels