Bureau de l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels
Téléchargez la version imprimable (pdf)
Au sujet du format PDF
Ressource indépendante pour les victimes au Canada, le Bureau de l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels (BOFVAC) a été créé en 2007 afin d’assurer que le gouvernement du Canada s’acquitte de ses responsabilités à l’égard des victimes d’actes criminels.
Notre mandat porte exclusivement sur des questions de compétence fédérale et consiste notamment à :
Nous participons également à des discussions continues avec le gouvernement au sujet de notre mandat relativement à la Charte canadienne des droits des victimes (CCDV). La CCDV, entrée en vigueur le 23 juillet 20151 , donne aux victimes d’actes criminels inscrites une voix plus efficace au sein du système de justice pénale, en donnant à ces victimes des droits à l’information, à la protection, à la participation et à un dédommagement. De plus, les victimes qui estiment qu’il y a eu violation ou négation, par une entité fédérale, d’un droit qui leur est conféré par la CCDV ont le droit de déposer une plainte conformément au mécanisme d’examen des plaintes applicable.
1 La Charte canadienne des droits des victimes : Loi édictant la Charte canadienne des droits des victimes et modifiant certaines lois a créé la Loi visant la reconnaissance des droits des victimes et modifié le Code criminel, la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, la Loi sur la preuve au Canada et la Loi sur l’assurance-emploi. Bien que la plupart des dispositions soient entrées en vigueur le 23 juillet 2015, d’autres l’ont été plus récemment, le 1er juin 2016. http://www.parl.gc.ca/content/hoc/Bills/412/Government/C-32/C-32_4/C-32_4.PDF
Le juge-avocat général (JAG) a entamé une révision globale du système des cours martiales des Forces armées canadiennes (FAC). L’Équipe chargée de la révision globale de la cour martiale consulte les Canadiens et les Canadiennes sur plusieurs aspects clés, par exemple les besoins spéciaux de groupes précis, comme les victimes d’actes criminels au sein du système de justice militaire.
Le BOFVAC se réjouit d’avoir l’occasion de fournir son apport à la révision afin d’assurer que les victimes d’actes criminels au sein du système de justice militaire puissent se prévaloir des mêmes droits qui sont conférés à toutes les autres victimes d’actes criminels au Canada.
La CCDV s’applique aux infractions faisant l’objet d’une enquête et de poursuites dans le système canadien de justice pénale. Selon la CCDV, est une victime toute personne qui a subi des dommages ― matériels, corporels ou moraux ― ou des pertes économiques. Cependant, compte tenu de la disposition générale de la CCDV2 qui exclut de son application les infractions d’ordre militaire, la CCDV ne s’applique pas au système de justice militaire. La CCDV confère les droits suivants aux victimes d’actes criminels au Canada :
Toute victime qui est d’avis qu’un ministère, une agence ou un organisme fédéral a violé un droit qui lui est conféré par la CCDV, ou l’en a privée, a le droit de déposer une plainte conformément au mécanisme d’examen des plaintes applicable. En outre, toute victime qui a épuisé les recours prévus par le mécanisme d’examen des plaintes et qui n’est pas satisfaite de la réponse qu’elle reçoit peut déposer une plainte auprès de toute autorité compétente pour examiner les plaintes concernant l’entité fédérale en question, notamment le BOFVAC.
Le 15 juin 2015, l’ancien ministre de la Défense nationale, M. Jason Kenney, a déposé à la Chambre des communes le projet de loi C-71, la Loi modifiant la Loi sur la défense nationale et le Code criminel (Loi sur les droits des victimes au sein du système de justice militaire), lequel a fait l’objet d’une première lecture. Le projet de loi proposait de modifier certaines dispositions de la Loi sur la défense nationale régissant le système de justice militaire. Les modifications proposées ajoutaient au code de discipline militaire une nouvelle section intitulée « Déclaration des droits des victimes », qui prévoyait que les victimes des infractions d’ordre militaire ont un droit à l’information, un droit à la protection, un droit de participation et un droit au dédommagement. Plus précisément, le projet de loi proposait de modifier la partie III de la Loi sur la défense nationale de manière à ce que la victime contre qui une infraction d’ordre militaire a ou aurait été perpétrée ait notamment le droit3 :
Le BOFVAC a transmis une lettre au ministre de la Défense nationale le 4 juin 2015 dans laquelle il appuyait la Loi, laquelle proposait de conférer aux victimes d’infractions d’ordre militaire des droits conformes à ceux que la CCDV confère à toutes les victimes d’actes criminels.
De même, dans son second rapport d’étape sur la lutte contre les comportements sexuels inappropriés4 , les Forces armées canadiennes (FAC) ont également appuyé l’élaboration d’un nouveau projet de loi semblable au projet de loi C-71.
Malheureusement, le projet de loi a expiré au Feuilleton en juin 2015. Depuis cette date, le BOFVAC a continué de soutenir l’adoption d’une loi semblable. Le 3 décembre 2015, le BOFVAC a transmis à ce sujet une lettre à l’honorable Harjit Singh Sajjan, ministre de la Défense nationale. L’ombudsman a reçu la réponse du ministre Sajjan le 22 mars 2016, dans laquelle celui-ci reconnaissait que le système civil de justice pénale et le système de justice militaire ne conféraient pas les mêmes droits aux victimes d’actes criminels. Dans sa réponse, le ministre Sajjan soulignait que cette lacune d’ordre législatif constituerait une priorité dans les mois suivants. L’auteur d’un article de la Presse canadienne, publié le 23 septembre 2016, cite également les propos d’un porte-parole de la Défense nationale, selon lequel [traduction] « la reconnaissance des droits des victimes dans le système de justice militaire est une priorité pour le gouvernement, et les représentants du gouvernement étudient la question », mais celui-ci ne précisait aucune échéance5 .
4 Rapport d’étape des Forces armées canadiennes sur la lutte contre les comportements sexuels inappropriés. Forces armées canadiennes.30 août 2016.
5 Lee Berthiaume, Le Globe and Mail, 23 septembre 2016, « Military police, prosecutors call for more rights for victims of crime. » Document consulté le 31 octobre 2016 à l’adresse suivante : http://www.theglobeandmail.com/news/national/military-police-prosecutors-call-for-more-rights-for-victims-of-crime/article32023647/
Pour l’heure, vu que les droits que la CCDV confère aux victimes ne s’appliquent pas aux infractions d’ordre militaire faisant l’objet d’une enquête ou auxquelles il est donné suite sous le régime de la Loi sur la Défense nationale, ils ne s’appliquent donc pas aux victimes d’actes criminels au sein du système de justice militaire. Cette situation a créé un profond déséquilibre entre les droits conférés aux victimes d’actes criminels au sein du système civil de justice pénale et ceux conférés aux victimes d’actes criminels au sein du système de justice militaire. Concrètement, cela signifie, par exemple, que relativement à des infractions devant être jugées par un tribunal militaire, comme l’agression sexuelle, les victimes bénéficient d’un moins grand nombre de droits, et le traitement qui leur est réservé continue d’être différent de celui qui est réservé aux victimes d’agression sexuelle dans le système civil.
La position que prend le BOFVAC à cet égard est la suivante : ce déséquilibre doit être corrigé. La victime d’un acte criminel sera toujours une victime, quel que soit son employeur. Le BOFVAC croit fermement que la loi devrait reconnaître à toutes les victimes d’actes criminels les mêmes droits en matière d’information, de participation, de protection et de dédommagement, pendant tout le processus d’enquête et de poursuite relativement à une infraction, et même après.
Il est certes nécessaire de renforcer les droits des victimes afin d’uniformiser les règles, mais il est tout aussi important de veiller à ce que les politiques, la culture et les pratiques du système de justice militaire évoluent afin qu’il puisse, dans son ensemble, répondre aux besoins et aux préoccupations des victimes.
Il sera possible d’atteindre ces objectifs en adoptant une approche axée sur la victime lors de la révision des lois, politiques, pratiques et services existants et également pour en mettre en œuvre de nouveaux. Une approche axée sur la victime consiste à :
Une telle approche procure aux victimes et à leurs proches des avantages importants. Elle leur permet de se sentir écoutées et de participer véritablement, et elle favorise le ressourcement des victimes et leur résilience. Elle réduit en outre le risque d’éventuels préjudices, la survictimisation et le stress post-traumatique. Dans l’ensemble, elle permet aux victimes de se sentir davantage rassurées et en sécurité, et celles-ci sont plus susceptibles d’être satisfaites du processus.
Depuis 2014, époque où la CCDV était en cours d’élaboration, le BOFVAC recommande au gouvernement fédéral de déposer un projet de loi qui ferait en sorte que les victimes au sein du système de justice militaire puissent se prévaloir des mêmes droits que ceux qui sont conférés aux victimes par la CCDV. Nous avons tout récemment réitéré cette recommandation dans le mémoire que nous avons présenté à Condition féminine Canada dans le contexte de l’élaboration d’une stratégie fédérale contre la violence fondée sur le sexe.
Depuis l’année 2000, la police militaire reçoit annuellement entre 134 et 201 plaintes d’agression sexuelle, et il est fort probable que des centaines d’autres cas ne soient pas déclarés6 . Vu l’omniprésence de la violence fondée sur le sexe, cet exemple démontre l’importance de garantir que les victimes au sein du système de justice militaire bénéficient des mêmes droits que ceux qui sont conférés à toutes les autres victimes d’actes criminels. Ces victimes doivent jouir des mêmes droits à l’information, à la protection, à la participation et au dédommagement, quel que soit le système de justice dans lequel elles se trouvent.
Le BOFVAC est satisfait des initiatives prises récemment par les FAC visant à reconnaître et à régler la problématique répandue que sont les comportements sexuels inappropriés, comme l’indiquent deux rapports d’étape déposés dernièrement : l’un qui couvre la période de juin à décembre 2015 et l’autre, la période de janvier à juin 2016. Voici des exemples des mesures prises : la mise en œuvre de l’opération HONOUR, laquelle vise à éliminer la conduite sexuelle nuisible et et inappropriée au sein des FAC; la création du Centre d’intervention sur l’inconduite sexuelle, laquelle vise à soutenir les membres des FAC qui ont été victimes ou témoins de comportements sexuels inappropriés; et la tenue d’un sondage à participation volontaire effectué par Statistique Canada sur les comportements sexuels inappropriés, lequel vise à aider les membres des FAC à mieux comprendre en quoi consistent exactement les comportements sexuels inappropriés et quelles sont les conséquences de ces comportements sur les membres des FAC.
Malgré l’évolution qu’il constate, le BOFVAC s’inquiète du déséquilibre actuel entre les droits des victimes prévus dans la Loi sur la Défense nationale et ceux qui sont prévus dans la CCDV, dans la mesure où ce déséquilibre touche les victimes d’infractions d’ordre sexuel et tout autre type d’acte criminel. Pour ce motif, le BOFVAC encourage fortement l’Équipe chargée de la révision globale de la cour martiale et le gouvernement fédéral à donner priorité à l’adoption d’une loi modifiant la Loi sur la Défense nationale de manière afin de l’harmoniser avec la CCDV. Cette harmonisation constituerait une étape cruciale pour permettre aux victimes évoluant dans le système de justice militaire de bénéficier des mêmes droits qui sont conférés à toutes les autres victimes d’actes criminels au Canada.
En plus des avantages que pourraient tirer les victimes elles-mêmes, le fait pour les victimes d’actes criminels dans le contexte militaire de bénéficier d’un milieu équitable qui leur est favorable les aiderait à faire davantage confiance au système canadien de justice militaire et pourrait les inciter à y participer. Ces mesures sont importantes non seulement pour assurer un meilleur traitement aux victimes, mais aussi pour accroître l’efficacité du système dans son ensemble. L’expérience vécue par les membres des FAC qui ont été victimes d’actes criminels, ou qui ont vu d’autres personnes l’être, joue un rôle dans leur décision de dénoncer ou non un acte criminel. Si l’expérience des victimes au sein du système de justice militaire est telle que celles-ci se sentent marginalisées ou moins protégées que le Canadien moyen, elles peuvent hésiter à dénoncer. Une telle hésitation peut contribuer à instaurer une culture de non-dénonciation d’actes criminels et risque de continuer de faire un grand nombre de victimes. Un système équitable et respectueux des besoins et des préoccupations des victimes peut les inciter à dénoncer : les FAC peuvent ainsi être informées des actes de violence et des actes criminels perpétrés au sein de leurs rangs, et avoir la possibilité de prendre les mesures nécessaires pour y mettre fin. Si les FAC ne sont pas mises au courant de ces actes criminels, et des conséquences de ces actes sur ses membres, elles seront privées des occasions importantes de modifier leurs façons de faire qui permettront à tous leurs membres de bénéficier d’un milieu sain et sécuritaire.
6 Our military’s disgrace. Magazine Maclean’s. 16 mai 2014.
Le BOFVAC s’efforce d’accroître la sensibilisation aux besoins et aux préoccupations des victimes d’actes criminels et de formuler en conséquence des recommandations à l’intention du gouvernement fédéral, afin que celui-ci renforce ses politiques, ses programmes et ses lois afin de mieux répondre à ces besoins.
Toutes les victimes d’actes criminels doivent avoir la possibilité de se prévaloir des mêmes droits. Nous croyons fermement que l’adoption d’une loi visant à corriger le déséquilibre qui existe actuellement au sein du système de justice militaire devrait être un facteur clé dans l’examen de l’Équipe chargée de la révision globale de la cour martiale. Le BOFVAC encourage également les intervenants qui jouent un rôle dans les instances du système de justice militaire à adopter une approche axée sur la victime, afin de favoriser la résilience et de réduire la survictimisation et les traumatismes des membres des FAC, et aussi afin d’accroître la confiance envers le système de justice militaire dans son ensemble. Cette confiance envers le système de cour martiale des FAC constitue un élément clé de son efficacité globale.
Le BOFVAC serait ravi d’avoir d’autres occasions de discuter des meilleurs moyens de soutenir les victimes au sein du système de justice militaire dans le cadre de l’examen de l’Équipe chargée de la révision globale de la cour martiale.
Berthiaume, L. (23 septembre 2016). Military police, prosecutors call for more rights for victims of crime, dans le Globe and Mail consulté le 31 octobre 2016 à l’adresse suivante : http://www.theglobeandmail.com/news/national/military-police-prosecutors-call-for-more-rights-for-victims-of-crime/article32023647/
Canada. Loi modifiant la Loi sur la défense nationale et le Code criminel (Loi sur les droits des victimes au sein du système de justice militaire), projet de loi C-71, première lecture le 15 juin 2015 (41e législature, 2e session). Document consulté le 31 octobre 2016 à l’adresse suivante : http://www.parl.gc.ca/content/hoc/Bills/412/Government/C-71/C-71_1/C-71_1.PDF
Canada. Défense nationale et les Forces armées canadiennes. (27 mars 2015). Examen externe sur l’inconduite sexuelle et le harcèlement sexuel dans les Forces armées canadiennes. Document consulté le 18 avril 2016 à l’adresse suivante : http://www.forces.gc.ca/assets/FORCES_Internet/docs/fr/communaute-fac-services-soutien-harcelement/era-final-report-(april-20-2015)-fr-v3.pdf
Canada. Défense nationale et les Forces armées canadiennes. (30 août 2016). Rapport d’étape des Forces armées canadiennes sur la lutte contre les comportements sexuels inappropriés. Document consulté le 30 août 2016 à l’adresse suivante : http://www.forces.gc.ca/assets/FORCES_Internet/docs/fr/a-propos-rapports-pubs-op-honour/op-honour-rapport-d-etape-29-aout-2016.pdf
Mercier, N. et Castonguay, A. (16 mai 2014). Our military’s disgrace, dans le magazine Maclean’s consulté le 24 février 2015 à l’adresse suivante : http://www.macleans.ca/news/canada/our-militarys-disgrace/