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Présentation au Comité permanent de la justice et des droits de la personne : Projet de Loi C-54

Sue O'Sullivan, Ombudsman fédérale des victimes d'actes criminels
Bureau de l'Ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels
Observations à livrer le 12 juin 2013

INTRODUCTION

  • Bonjour, monsieur le président, et bonjour aux membres du Comité.
  • Merci de m'avoir invitée aujourd'hui pour parler du projet de loi C 54, qui vise à renforcer la sécurité du public et à mieux répondre aux besoins des victimes dans les cas où un accusé est jugé non criminellement responsable (NCR).

MANDAT

  • Tout d'abord, je saisis l'occasion qui m'est offerte pour donner un bref aperçu du mandat de mon Bureau.
  • Le Bureau de l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels a été créé en 2007 pour donner une voix aux victimes à l'échelle fédérale.
  • Il s'acquitte à cette fin de son mandat, qui est le suivant :
    • recevoir et examiner les plaintes de victimes;
    • fournir des renseignements et des références aux victimes d'actes criminels en vue de promouvoir et de leur faciliter l'accès aux programmes et aux services fédéraux;
    • promouvoir les Principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité;
    • faire mieux connaître au personnel de la justice pénale et aux décideurs les besoins et les préoccupations des victimes;
    • cerner les problèmes systémiques et nouveaux qui influent négativement sur les victimes d'actes criminels.
  • Le Bureau aide les victimes de manière individuelle et de manière collective.
    • Il aide les victimes de manière individuelle en leur parlant au quotidien, en répondant à leurs questions et en traitant leurs plaintes.
    • Il aide les victimes de manière collective en étudiant des questions importantes et en présentant au gouvernement du Canada des recommandations sur la façon d'améliorer ses lois, ses orientations et ses programmes, de façon à mieux soutenir les victimes d'actes criminels.

EXPÉRIENCE DES VICTIMES

  • Je suis heureuse d'être ici aujourd'hui pour faire valoir le point de vue des victimes sur le projet de loi, et je vous remercie de ce que vous faites pour que leur voix soit entendue.
  • Aujourd'hui, nos échanges portent sur un projet de loi qui traite expressément des personnes trouvées non criminellement responsables de graves infractions ayant causés des lésions corporelles graves, des personnes qui, à cause de leur état mental, ne peuvent répondre des crimes qu'elles ont commis.
  • Il importe de ne pas perdre de vue la distinction entre délinquant condamné et personne jugée non criminellement responsable et de veiller à ce que les personnes atteintes de maladie mentale reçoivent le traitement voulu.
  • Je suis fermement convaincue qu'il faut aider davantage les personnes atteintes de maladie mentale dans nos collectivités et qu'il est important d'apporter des mesures de soutien comme la prévention et de s'attaquer à ces problèmes avant qu'ils ne soient la cause de drames.
  • Toutefois, je veux aussi faire valoir un autre point dont vous pouvez tenir compte tout au long de votre étude du projet de loi.
  • Après tout crime violent, que l'accusé soit jugé non criminellement responsable ou soit un délinquant condamné, le traumatisme vécu par la victime est toujours accablant.
  • Peu importe l'état mental de l'accusé, il faut répondre aux besoins des victimes et leur traitement et leurs droits doivent être équitables.
  • Nous savons que toutes les victimes ont besoin :
    • d'être traitées avec respect;
    • d'être informées du déroulement du processus et du rôle qu'elles ont à y jouer;
    • de voir leurs besoins et leur point de vue pris en considération;
    • d'être protégées contre l'intimidation et le préjudice.

NON-RESPONSABILITÉ CRIMINELLE – RECOMMANDATIONS DU BOFVAC

  • À plusieurs occasions, mon Bureau s'est entretenu avec des victimes et leurs défenseurs, et ils ont porté à notre attention leurs préoccupations au sujet de cette question. Ces échanges nous ont amenés à relever plusieurs lacunes importantes dans le projet de loi et la politique, lacunes qui finiront par avoir des conséquences négatives tant pour les victimes directement que, plus largement, pour la sécurité du public.
  • Il y a deux ans, en juin 2011, j'ai écrit au ministre de la Justice pour lui recommander des réformes concernant les cas de non-responsabilité criminelle afin qu'on réponde aux besoins des victimes d'actes criminels.
  • Ces recommandations portaient sur deux points :
    • L'importance de tenir compte de la sécurité à la fois des victimes et du public dans les décisions sur la mise en liberté.
    • L'absence de droits, de politiques et de soutien pour les victimes dans les cas de non-responsabilité criminelle.
  • En ce qui concerne la sécurité du public, mon Bureau a recommandé que les commissions d'examen :
    • en fassent le facteur prépondérant;
    • veillent à ce qu'on se renseigne sur l'endroit où se trouvent les victimes des actes criminels avant de faire quelque recommandation que ce soit sur la mise en liberté.
  • Quant à la prise en considération des victimes, le Bureau a recommandé :
    • qu'on prévoie des fonds pour aider les victimes à assister aux audiences des commissions d'examen;
    • qu'on mette en place un mécanisme d'information des victimes au sujet du transfèrement, de la libération de l'accusé ou de toute autre modification de sa situation, ce qui existe actuellement dans le système correctionnel fédéral.

PROJET DE LOI C-54

Position sur le projet de loi

  • Il est réconfortant de constater que le projet de loi C 54 donne suite à un certain nombre de nos recommandations, et j'appuie fermement les modifications proposées.
  • Plus précisément, je suis heureuse de voir que la sécurité du public est le facteur prépondérant dans la prise de décisions des tribunaux et des commissions d'examen et qu'on communique davantage d'information aux victimes, et j'appuie vigoureusement ces dispositions.
  • Outre ces éléments, le projet de loi C 54 apporte d'autres modifications en proposant la déclaration d'accusé « à risque élevé », qui s'appliquerait à des accusés qui répondent à certains critères.
  • Étant donné que cette disposition du projet de loi porte sur la gestion efficace des personnes jugées non criminellement responsables, ce qui se situe en dehors du champ de compétence de mon Bureau, je limiterai mes propos aux éléments du projet de loi qui concernent expressément les victimes.

Sécurité du public

  • Le projet de loi C-54 propose de faire en sorte que la sécurité du public soit le facteur prépondérant dans la prise de décisions dans les cas de non-responsabilité criminelle.
  • Pour la plupart des Canadiens, il n'est que logique de tenir compte de la sécurité du public.
  • La sécurité du public est sans nul doute une question qui préoccupe toutes les victimes.
  • Beaucoup de victimes avec qui je parle sinon la plupart me disent qu'elles ne veulent surtout pas que d'autres soient victimes de ce qui leur est arrivé.
  • Cette insistance renouvelée sur la sécurité du public donne aux victimes l'assurance que leur propre sécurité est prise en considération dans les décisions et elle aidera peut-être à faire diminuer la victimisation.

Sécurité des victimes

  • Le projet de loi C 54 propose également des mesures qui portent expressément sur la sécurité des victimes : que le tribunal et la commission d'examen examine s'il est souhaitable pour la sécurité de toute personne, en particulier celle des victimes, des témoins, d'imposer une interdiction de communication ou d'exiger que l'accusé d'abstienne d'aller à certains endroits.
  • Certes, l'interdiction de communication est une possibilité qui existe déjà, mais le fait d'en rendre obligatoire la prise en considération est une façon importante et précise d'insister sur le fait que l'on tient compte des besoins et de la sécurité des victimes.

Traitement des victimes

  • Le projet de loi C-54 propose également que les victimes qui en font la demande soient prévenues de la mise en liberté conditionnelle ou inconditionnelle de l'accusé.
  • Cette modification aide à améliorer le traitement des victimes dans le système en leur donnant un meilleur accès à l'information, ce qui peut renforcer leur sentiment de sécurité.
  • J'appuie totalement ces mesures.

Recommandations visant à renforcer le projet de loi

  • Comme je l'ai dit en début d'intervention, peu importe l'état mental de l'accusé, les victimes ont des besoins fondamentaux : le besoin d'être informées du processus et de leurs droits dans ce processus, et le besoin que leur sécurité soit prise en considération.
  • Le fait d'informer les victimes des progrès de l'accusé et de sa mise en liberté peut nettement renforcer leur sentiment de sécurité et leur confiance dans le fait que l'accusé reçoit de l'aide pour recouvrer et préserver sa santé mentale.
  • Cette information peut également aider les victimes
    • à surmonter l'anxiété et le sentiment d'isolement que fait naître leur contact avec un système inconnu et peu familier;
    • à préparer des déclarations de victimes à jour et pertinentes pour les audiences de la commission d'examen;
    • à faire des préparatifs pour assurer leur sécurité.
  • De plus, le fait d'avoir ce type d'information peut aider les victimes dans leur cheminement vers la guérison. Des experts affirment que, « outre le besoin de la victime de se sentir en sécurité, l'information sur le plan de traitement du délinquant et son cheminement dans le système correctionnel peut favoriser le rétablissement psychologique de certaines victimes et accroître la satisfaction de la victime à l'égard du processus de la justice note de base de page 11». Il faut prendre soin de noter que cette assertion vaut pour les cas où le délinquant a été condamné à une peine et suit un parcours dans le processus de la justice pénale, mais il n'est pas difficile d'imaginer comment les mêmes types d'information peuvent aider les victimes dans les cas de non-responsabilité criminelle.
  • Malgré ces avantages, les victimes dans les cas de non-responsabilité criminelle ont beaucoup moins de droits en matière d'information que les personnes qui ont été victimes d'un acte commis par un délinquant qui suit un parcours dans les services correctionnels et le système de libération conditionnelle.
  • Je recommande, pour combler cet écart, que le projet de loi C 54 soit renforcé de manière que les droits des victimes dans les cas de non-responsabilité criminelle soient les mêmes que ceux des personnes victimes d'un acte commis par un délinquant confié au système de justice pénale.
  • Veuillez prendre note que l'ensemble de mes recommandations doivent s'appliquer seulement lorsqu'il n'y a pas de risque pour la sécurité de l'accusé, l'établissement ou une autre personne, et seulement lorsque la victime demande à recevoir l'information.
  • Plus précisément, je recommande l'ajout des droits suivants au projet de loi :
    • que les victimes soient informées de l'adresse de l'établissement de psychiatrie légale où l'accusé est détenu;
    • que les victimes soient prévenues de toute sortie prévue de l'hôpital, avec ou sans escorte, et de la destination générale (ville ou localité) de l'accusé;
    • que les victimes soient prévenues de la destination de l'accusé à sa mise en liberté ou à sa libération conditionnelle, ou si l'accusé doit se rendre, en libération conditionnelle, dans leur voisinage
    • ;
    • que les victimes soient informées de toutes les conditions de libération imposées à l'accusé qui réintègre la collectivité en libération conditionnelle. Ces conditions peuvent être la prise de médicaments ou une thérapie obligatoires, l'interdiction de communiquer avec des enfants ou d'autres personnes, l'obligation de participer à des séances de thérapie, des restrictions générales aux déplacements, etc. ;
    • Que les victimes soient prévenues de tout transfèrement vers un autre établissement, des changements de niveau de sécurité du lieu de garde ou du départ de l'accusé pour une autre province ou un autre territoire pour sa thérapie.
  • Outre ces mesures, je recommande également que, à leur demande :
    • les victimes aient la possibilité de voir, mais non de conserver, une photo de l'accusé au moment de sa mise en liberté;
    • les victimes soient informées lorsque des restrictions supplémentaires ou plus contraignantes sont imposées à l'accusé, par exemple lorsqu'il est ramené en établissement ou transféré d'une unité à sécurité minimum à une unité à sécurité moyenne ou maximum;
    • les victimes soient informées lorsque des interdictions de communiquer sont imposées.
  • Enfin, bien que la question concerne l'administration de la justice et soit donc de ressort provincial, je demande également qu'on tienne compte de la nécessité que ces droits soient appliqués efficacement et que des rôles et processus clairs soient en place pour garantir que les victimes reçoivent les renseignements auxquels elles ont droit.
  • Le Bureau a demandé des renseignements au Centre de la politique concernant les victimes du ministère de la Justice et les a obtenus, et il a ainsi appris que toutes les provinces et tous les territoires n'ont pas nécessairement un système en place pour informer les victimes.
  • Si ces systèmes ne sont pas en place pour informer les victimes, un droit garanti par la loi devient purement théorique.

CONCLUSION

  • Je dirai pour conclure que j'appuie fermement la proposition du projet de loi C 54 qui fait de la sécurité du public le facteur prépondérant à considérer dans les décisions sur la mise en liberté d'un accusé, et les autres mesures qui renforcent les droits des victimes.
  • Si on y ajoute les autres mesures recommandées, le projet de loi C 54 aidera selon moi à garantir des droits plus équitables aux victimes d'actes criminels dans les cas où l'accusé est jugé non criminellement responsable.
  • Toutes les victimes d'actes criminels méritent d'être informées, respectées et protégées, sans égard à l'état mental de la personne qui leur a causé un préjudice.
  • Merci de m'avoir donné l'occasion de faire valoir le point de vue des victimes dans l'étude du projet de loi, et merci de prendre en considération les recommandations que j'ai formulées pour renforcer cette mesure.
  • Je serai heureuse de répondre à vos questions.



  1. Alexander, Ellen K., et Harris Lord, Janice, « Impact Statements: A Victim's Right to Speak, A Nation's responsibility to listen », 1994. Consulté à l'adresse https://www.ncjrs.gov/ovc_archives/reports/impact/welcome.html.  (retour à la note de bas de page 1)