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Notes d'allution : projet de loi C-13, Cyberbullying

Comité permanent de la justice et des droits de la personne
Sue O'Sullivan, le 29 mai 2014, à 11 h

INTRODUCTION

  • Bonjour, Monsieur le président et chers membres du Comité.
  • Je vous remercie de m’accueillir parmi vous aujourd’hui pour venir vous parler du projet de loi C-13, la Loi sur la protection des Canadiens contre la cybercriminalité.

MANDAT

  • J’aimerais commencer avec un bref aperçu du mandat de mon bureau.
  • Créé en 2007, le Bureau de l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels :
    • reçoit et examine les plaintes des victimes;
    • favorise et facilite l’accès aux programmes et aux services fédéraux pour les victimes d’actes criminels en les renseignant et en les aiguillant;
    • fait la promotion des principes fondamentaux de la justice auprès des victimes d’actes criminels;
    • sensibilise les intervenants dans le domaine de la justice pénale et les décideurs au sujet des besoins et des préoccupations des victimes;
    • détermine les questions systémiques et les questions nouvelles qui ont une incidence négative sur les victimes d’actes criminels.
  • Le Bureau aide les victimes de deux façons : individuellement et collectivement.
    • Nous aidons les victimes de façon individuelle en leur parlant tous les jours, en répondant à leurs questions et en étudiant leurs plaintes.
    • Nous aidons les victimes de façon collective en examinant les questions importantes et en formulant des recommandations au gouvernement fédéral pour qu’il améliore les lois, les politiques ou les programmes afin d’aider davantage les victimes d’actes criminels.

POSITION D’ENSEMBLE

  • Le projet de loi C-13 couvres de nombreuses questions liées aux télécommunications et à la criminalité, y compris :
    • la création d’une nouvelle infraction au Code criminel concernant la distribution non consensuelle d’images intimes;
    • la modernisation du Code criminel;
    • la prestation de nouveaux outils d’enquête aux organismes chargés de l’application de la loi.
  • Étant donné mon mandat et le temps limité dont nous disposons aujourd’hui, je limiterai mes commentaires aux articles du projet de loi qui touchent directement les victimes, et j’aborderai brièvement l’importance pour organismes d’application de la loi d’avoir à leur disposition les outils dont ils ont besoins pour empêcher la perpétration d’actes criminels.
  • Ceci étant dit, j’appuie entièrement les dispositions du projet de loi C-13 créant une nouvelle infraction relative à la distribution non consensuelle d’images intimes ainsi que les nouvelles mesures du Code criminel qui sont liées à cette infraction, y compris :
    • Accorder le pouvoir aux juges de rendre une ordonnance d’interdiction pour limiter l’accès du délinquant à Internet ou à des réseaux numériques;
    • Accorder le pouvoir aux juges d’ordonner que des images intimes soient retirées d’Internet;
    • Permettre à un juge d’ordonner la confiscation d’ordinateurs, de téléphones cellulaires pour de tout autre appareil utilisé dans la perpétration de l’infraction;
    • Rembourser les dépenses engagées par les victimes pour retirer les images intimes d’Internet ou autre;
    • Accorder le pouvoir aux juges de rendre une ordonnance interdisant à une personne de diffuser des images intimes.
  • Si le projet de loi est adopté, il aidera à fournir les outils nécessaires pour réduire la cyberintimidation et à offrir aux victimes le soutien dont elles ont besoin.

CONTEXTE – PORTÉE DU PROBLÈME

  • La cyberintimination est un problème assez récent, mais dont les conséquences sont dévastatrices.
  • Les Canadiens peinent à trouver les meilleures façons de la comprendre et, surtout, d’y mettre fin.
  • La cyberintimidation touche énormément de personnes : dans un sondage mené en 2007 auprès de jeunes de 13 à 15 ans, plus de 70 % ont déclaré avoir subi de l’intimidation en ligne, et 44 % ont déclaré avoir intimidé une personne au moins une fois. 1
  • Les enseignants canadiens ont classé la cyberintimidation au premier rang d’une liste de six enjeux préoccupants – 89 % indiquent que l’intimidation et la violence sont des problèmes graves dans nos écoles publiques. 2

RÉPERCUSSIONS SUR LES VICTIMES

  • Des témoins sont venus vous parler de leur expérience personnelle intense avec la cyberintimidation.
  • Je tiens à prendre quelques instants pour souligner le courage dont ils ont fait preuve afin de participer à cet important dialogue public, malgré toutes les émotions que cela puisse éveiller chez eux.
  • À travailler directement avec les victimes, j’ai appris que peu importe les difficultés qu’elles doivent surmonter, les victimes sont prêtes à venir parler de leur expérience pour le bien-être collectif, pour assurer que d’autres n’aient pas à souffrir comme elles.
  • Nous savons tous que l’intimidation, y compris la cyberintimidation, peut avoir des répercussions graves et permanentes sur les victimes.

Images intimes

  • Ce qui distingue la cyberintimidation, c’est la vitesse fulgurante et la portée de l’atteinte. 
  • En quelques minutes seulement, des images intimes ou personnelles peuvent inonder les réseaux et parcourir le monde, exposant de façon permanente les victimes.
  • Nous savons aussi qu’essayer de contenir une image qui est devenue « virale » est tout un exploit, lorsqu’on y arrive.
  • Même lorsque les victimes travaillent avec des professionnels pour supprimer une image, on ne peut jamais être certain qu’il n’y a pas quelqu’un quelque part qui l’a encore – et qui la diffusera de nouveau.
  • Ce que nous ne comprenons pas encore réellement, c’est le sentiment d’être à jamais vulnérable et exposé, et les répercussions à long terme du fardeau émotionnel qui vient avec.
  • Les crimes liés à la technologie et les crimes connexes évoluent plus rapidement que notre capacité à comprendre pleinement leurs répercussions sur les victimes à long terme.
  • Les personnes qui se font harceler montrent une perte d’intérêt pour les activités scolaires et un plus grand taux d’absentéisme, présentent des travaux scolaires de qualité inférieure et obtiennent des notes inférieures, et ont plus tendance à sauter ou abandonner des cours, à arriver en retard et à faire l’école buissonnière. 3
  • Faire face au problème peut être tout aussi difficile.
  • Pour cette raison, j’appuie l’ajout des « images intimes » à l’article 164.1 du Code criminel tel que le propose le projet de loi, ce qui permettra aux juges d’ordonner le retrait d’images intimes du Web ainsi que la proposition du projet de loi d’accorder aux juges le pouvoir de rendre une ordonnance interdisant à une personne de diffuser des images intimes.
  • Même lorsqu’une ordonnance est rendue, retirer les images du Web n’est pas une mince affaire.
  • Pour plusieurs, l’idée de retirer les images du Web peut être déconcertante; comment ça fonctionne? Comment je m’y prends? Qui peut m’aider? 
  • Dans certains cas, il vaut mieux faire appel aux connaissances et aux services de professionnels pour obtenir des résultats plus certains et efficaces.
  • Cependant, le recours à des sociétés privées peut entraîner des coûts importants, et les victimes ne devraient pas en être responsable.
  • Une victime ne devrait jamais avoir à acquitter les coûts liés au retrait d’images. Une telle situation serait tout simplement inacceptable.
  • Ainsi, j’appuie la disposition du projet de loi C-13 qui prévoit le remboursement des dépenses engagées par les victimes pour retirer l’image intime d’Internet ou d’un autre média.
  • Bien que j’appuie les éléments du projet de loi liés au dédommagement, je crois qu’il faut :
    • prolonger la période pouvant être visée par une demande de dédommagement;
    • envisager la mise en place de mesures de rechange pour aider les familles qui ne peuvent payer les coûts directs liés au retrait d’une image;
    • inclure une disposition sur la façon dont les victimes recevront de l’information et une orientation en ce qui concerne les options relatives au retrait d’une image et le moment où elles les recevront et pour ce qui est du moment où elles peuvent demander un remboursement ou examiner ces questions.
  • Je crois comprendre qu’au titre du projet de loi, les dédommagements ne s’appliqueraient qu’aux dépenses engagées avant le prononcé de la peine.
  • Une telle approche est problématique à quelques égards.
  • Notamment, il est possible qu’une victime dont la capacité financière est restreinte n’ait pas recours à des services de professionnels étant donné la possibilité qu’il n’y ait pas de déclaration de culpabilité ou qu’elle n’obtienne pas de remboursement dans le cadre du dédommagement. 
  • Également, même si elles sont prêtes à courir un tel risque, certaines victimes n’ont pas les fonds nécessaires ou une carte de crédit leur permettant d’absorber la dépense temporairement.
  • Autrement dit, les victimes qui n’ont pas les moyens de payer les services directement ou d’attendre un remboursement n’auront pas accès au même niveau de service que les autres. Il y aurait donc une inégalité au chapitre de l’aide offerte aux victimes.
  • Enfin, comme un certain temps pourrait s’écouler avant que la victime apprenne l’existence d’une aide professionnelle ou que l’entreprise en question effectue et facture les travaux, il est probable que certaines dépenses seront engagées après le prononcé de la peine. Selon ce que je comprends, au titre du projet de loi, les dépenses engagées par les victimes après cette étape ne pourraient pas faire l’objet d’un remboursement.
  • Bien que j’appuie les intentions qui sous-tendent le projet de loi, je recommande au Comité d’envisager la modification de la section sur le dédommagement afin de mieux répondre aux besoins de toutes les victimes, peu importe leur situation financière, pour ce qui est de l’aide au retrait d’images.

Information

  • Pour ce qui est des victimes qui ont les moyens et la possibilité de retenir les services de professionnels afin de retirer les images et de demander un dédommagement, il sera essentiel de leur fournir bien à l’avance des renseignements sur leurs droits et les processus à cet égard.
  • Je ne vois pas très bien comment et quand on signalera aux victimes leur droit de demander une ordonnance de retrait ou de présenter une demande de dédommagement.
  • Je comprends par contre qu’il s’agit de détails liés à la mise en œuvre du projet de loi et qu’il est possible qu’on ne les examine qu’à cette étape.
  • Cependant, je crois qu’il est important de souligner aux députés que si on ne met pas les victimes au courant de leurs droits et options suffisamment à l’avance, il est possible qu’elles ne puissent pas profiter d’importantes occasions de traiter les préjudices subis et d’obtenir l’aide dont elles ont besoin et qu’elles méritent.

OUTILS D’ENQUÊTE ET PROTECTION DE LA VIE PRIVÉE

  • Avant de conclure, je souhaite parler brièvement des éléments du projet de loi qui semblent être les plus sujets à controverse, à savoir ceux qui portent sur les outils d’enquête et l’équilibre entre les pouvoirs et la protection de la vie privée.
  • Les questions relatives à la protection de la vie privée et les outils d’enquête techniques ne relèvent généralement pas de mon mandat.
  • Il est bien de souligner que les victimes avec qui nous avons discuté ne s’entendent pas sur ce volet du projet de loi. J’ai parlé à des victimes qui appuient fortement des mesures accrues pour aider les forces de l’ordre à mener des enquêtes et selon qui les outils inclus dans le projet de loi sont équilibrés et nécessaires.
  • Mais, tout comme vous, j’ai également entendu le point de vue de victimes qui ne souhaitent pas que ces éléments soient adoptés, car elles craignent qu’ils minent le droit à la vie privée des Canadiens.
  • À mon avis, il faut établir un équilibre, et le dialogue que tiennent les Canadiens est très utile.
  • Afin de favoriser une réduction de la cyberintimidation et de protéger les éventuelles victimes, il faut fournir aux agents d’application de la loi de disposer des bons outils pour qu’ils soient en mesure de mener des enquêtes rapidement et efficacement.
  • Je crois que le projet de loi C-13 prévoit des outils importants qui aideraient les forces de l’ordre à enquêter sur ces cas et j’appuie l’ensemble des modifications législatives qui visent la conservation des données nécessaires aux enquêtes et qui permettraient ainsi à des affaires importantes d’aboutir.

CONCLUSION

  • En conclusion, j’appuie de nombreux éléments du projet de loi C-13 et je félicite le gouvernement d’avoir déposé un projet de loi qui pourrait faciliter le traitement des affaires de cyberintimidation et aider les victimes à retirer des images intimes du domaine public.
  • Toutefois, comme je l’ai déjà mentionné, je recommande qu’on amende les dispositions portant sur le dédommagement afin de garantir que toutes les victimes aient les mêmes droits et possibilités d’avoir recours à de l’aide professionnelle et au remboursement des dépenses. Je recommande également qu’on précise comment et quand on informera les victimes de leurs droits.
  • Je vous remercie de votre attention.
  • Je serai heureuse de répondre à vos questions.

1 Tiré du site Web de la Croix-rouge canadienne : http://www.croixrouge.ca/que-faisons-nous/prevention-de-la-violence-et-de-l-intimidation/educateurs/prevention-de-l-intimidation-et-du-harcelement/l-intimidation-et-le-harcelement---les-faits, mais citation originale extraite de : Elizabeth Lines, « La cyberintimidation : une nouvelle réalité pour les jeunes » Jeunesse, J’écoute (Avril 2007). http://definirlafrontiere.ca/la-cyberintimidation-au-canada/

2 Tiré du site Web de la Croix-rouge canadienne : http://www.croixrouge.ca/que-faisons-nous/prevention-de-la-violence-et-de-l-intimidation/educateurs/prevention-de-l-intimidation-et-du-harcelement/l-intimidation-et-le-harcelement---les-faits, mais citation originale extraite de : Statistiques du N.S.T.U. sur la cyberintimidation, « Sondage national sur l’éducation » Fédération canadienne des enseignants et des enseignantes (2008).
http://definirlafrontiere.ca/la-cyberintimidation-au-canada/

3 Tiré du site Web de la Croix-rouge canadienne : http://www.croixrouge.ca/que-faisons-nous/prevention-de-la-violence-et-de-l-intimidation/educateurs/prevention-de-l-intimidation-et-du-harcelement/l-intimidation-et-le-harcelement---les-faits, mais citation originale extraite de : D. Pepler et W. Craig. (2000). Making a difference in bullying (rapport no 60). Ontario, LaMarsh Centre for Research on Violence and Conflict Resolution et Université Queen’s.